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LETTRE N°1
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LETTRE N°1
Expéditeur : Une dépendante à l’amour Destinataire : L’Amour
Le 28/02/2025, Chens-sur-Lémans
Cher Amour,
Ces derniers jours ont été difficiles. J’ai eu beaucoup de mal à ne pas sentir ce vide que tu as décidé de creuser en moi. C’est très difficile de vivre éloignée de la personne que j’aime, mais c’est encore plus difficile quand j’ai l’impression que cette personne n’a pas de pensée pour moi.
Je parle d’impression parce que c’est ce que c’est. Lorsque je prends le temps d’observer les actes de cette personne qui m’est si spéciale, je me rends compte que son manque de communication quand nous sommes loin l’un de l’autre n’a rien à voir avec moi. En réalité, il est juste occupé. Et je sais que beaucoup diraient que s’il m’aime, il pourrait prendre cinq petites minutes pour me répondre. Seulement, la vérité est toute autre. Je me souviens, du début de notre relation à toi et moi, quand je ne t’étais pas encore totalement soumise.
Je me souviens que, quand la technologie était aussi moins avancée, je ne répondais pas tout le temps aux messages qu’on m’envoyait et encore moins, en moins de cinq minutes. Lorsque j’étais occupée et concentrée sur une tâche, je n’arrêtais pas mon activité à la moindre notification pour vérifier que ce n’était pas ma personne qui m’avait envoyé un message.
Peux-tu m’expliquer, à quel moment notre relation est-elle devenue aussi malsaine ?
A quel moment j’ai bien pu tomber sous le joug de ta domination sadique ?
Les scientifiques disent que la dépendance affective se trouve dans la dose de dopamine qui est sécrétée lorsque nous recevons un message de la personne qui fait l’objet de notre affection. Ça devient comme une obsession : cette petite dose de dopamine.
Les réseaux sociaux relatent cette expérience dans laquelle, la souris qui actionne un levier pour recevoir une récompense de façon systématique va être rapidement devenir consommatrice et va augmenter de façon significative l’actionnement du levier. Lorsque les scientifiques ont commencé à induire des effets négatifs à la consommation (une petite décharge émise de façon aléatoire lorsque la souris actionne le levier), en plus de la récompense, ils ont constaté que soixante pourcents des souris continuaient d’actionner le levier malgré les effets négatifs que cela impliquait. Cela leur a permis de mettre en évidence le cheminement cérébral qui mène de la consommation contrôlée à une consommation compulsive de la récompense. La consommation compulsive correspond finalement aux mécanismes qui mènent à la dépendance.
En l’occurrence, la dépendance à l’affection serait induite par une exposition massive à des marques d’attentions qui induirait donc la libération de dopamine. Ces marques d’attention seraient ensuite, progressivement remplacées par de l’indifférence ou, dans certains cas, par des interactions négatives provenant de l’entourage, toujours dispensées de façon aléatoires. Les réseaux sociaux appellent ça le « love bombing ».
Alors, dans mon cas personnel, à quel moment tout aurait basculé ?
Les experts de la psychologie identifient différentes causes possibles de la dépendance amoureuse.
Premièrement, les modèlent d’attachement durant l’enfance jouent un rôle crucial. D’après eux, un attachement insécurisant, peut amener une personne à rechercher désespérément l’affection et la validation dans ses relations amoureuses, craignant l’abandon ou le rejet.
Cette peur est ancrée en moi depuis mes quatre ans environ. C’est une blessure émotionnelle liée à un traumatisme de mon enfance, que nous avons pu identifier avec ma psychologue. Cette blessure est la plus forte que je puisse ressentir.
Lorsque j’avais quatre ans, je suis allée avec ma grand-mère chez elle, à la Réunion. Lorsque nous sommes arrivées en taxi devant sa maison, ma grand-mère a surpris mon grand-père en train de la tromper dans le lit conjugal. Elle m’avait laissée dans le taxi. La seule chose que j’ai vue, c’est ma grand-mère qui courrait après une autre femme – qui a sauté par dessus le portail pour sauver sa vie. Il est évident que ce jour-là, si ma grand-mère avait mis la main sur cette femme, elle l’aurait tuée. Les crimes passionnels sont courants sur l’île de la Réunion. Je le constaterais en grandissant.
Tu auras fait vriller bien des cœurs… N’est-ce pas, cher Amour ?
C’est certainement à cause de cette blessure que je choisis habituellement des partenaires dont je suis certaine qu’ils ne me tromperont pas, ou ne me quitteront pas. J’ai pu identifier ce schéma, puisque dans la majorité des relations que j’ai vécues, c’est toujours moi qui ait fini par rompre. Différentes raisons ont pu être à l’origine de ces décisions de rupture. Pour mon premier vrai amour, c’était la distance, qui semblait ne jamais avoir de fin. Pour les autres, ça a été l’ennui, le manque de sécurité émotionnelle, la sensation d’étouffer, la violence verbale.
Deuxièmement, une faible estime de soi pourrait pousser une personne à dépendre de l’approbation et de l’affection de son partenaire pour se sentir valorisée. Cela pourrait créer un besoin constant de réassurance et de validation.
Je ne me souviens pas vraiment avoir eu des problèmes d’estime de moi avant mes trente ans environ. Je ne sais pas vraiment quand je l’ai perdue. Est-ce que c’est lié au harcèlement que j’ai subit à vingt-huit ans au travail ? Ou alors, peut-être que c’est encore plus récent avec ma dernière relation dans laquelle j’étais régulièrement rabaissée ?
Troisièmement, une peur intense de la solitude ou du rejet pourrait inciter une personne à s’accrocher à une relation, même si celle-ci se trouve être déséquilibrée ou toxique pour elle. Cette peur peut-être liée à des expériences passées de perte ou de séparation.
Je crois que pour mes deux dernières relations, j’ai fini par atteindre le summum de ce que je pouvais endurer. Dans ces deux dernières relations, j’avais tellement peur de la solitude et de recommencer à zéro avec une nouvelle personne que je n’ai pas su rompre au bon moment. J’ai continué dans ces deux relations, même quand tous les signes me montraient que je ne pouvais pas continuer comme ça.
Quatrièmement, les personnes dépendantes amoureuses peuvent idéaliser leur partenaire, les voyant comme la source de leur bonheur et de leur épanouissement. Cela peut les amener à négliger leur propres besoins et à sacrifier leur propres bien-être au profit de la relation ou directement au profit du partenaire seul.
Il n’y a qu’un partenaire que j’ai vraiment idéalisé, je crois. Avec lui, nous avons vécu une relation passionnelle, qui s’est rapidement terminée à son initiative. Nous n’avions pas été capables d’exprimer nos sentiments, ni l’un, ni l’autre. Quand j’y repense, qu’est-ce que j’ai pu être aveugle à tous les signes qui indiquaient son attachement ! Tu sais bien te cacher quand tu le veux, n’est-ce pas Amour ?
Cette relation m’a brisé le cœur. Plus d’une fois d’ailleurs… Mais aucune de ces fois n’a été pire que la première fois. J’étais tellement amoureuse que j’en suis tombée malade quand il a commencé à sortir avec une autre. Ce que tu peux faire souffrir Amour ! Tu es vraiment un sadique parfois.
J’ai finalement réussi à ouvrir les yeux sur cette personne. Je me suis rendue compte que je n’étais que sa relation de secours, juste bonne à dépanner ou à l’aider à s’auto-saboter.
Cinquièmement, les expériences traumatisantes, comme des abus ou des ruptures douloureuses pourraient également contribuer à la dépendance amoureuse. Ici, on entend pas abus, des comportements abusifs dont on aurait été victimes, comme : le contrôle excessif, la manipulation, l’isolement, les critiques constantes, les promesses non tenues… Cette liste n’est pas exhaustive. Ces expériences peuvent créer un besoin de sécurité et de réassurance dans les relations.
Je ne pensais pas avoir été victime d’abus, jusqu’à ce que je creuse cette question pour obtenir ces quelques exemples. Je me rend compte que j’en est été victime assez tôt finalement, puisque le contrôle excessif et les critiques constantes ont été, pour moi monnaie courante depuis le divorce de mes parents. Pour ce qui est des critiques, je le subis encore aujourd’hui dans mon cercle familiale. Je ne suis pas devenue imperméable aux jugements de valeur venant de ma famille, mais je me défends mieux. Parfois, je ne les entends même pas, tellement j’y suis habituée.
Sixièmement, les personnes qui n’ont pas réussit à développer des compétences saines en matière de communication et de gestion des émotions peuvent être amenées à s’accrocher à des relations pour éviter l’inconfort émotionnel. Ces personnes ont des difficultés à communiquer de manière efficace avec leur partenaire, mais aussi à gérer leurs émotions ou encore à poser des limites dans leurs relations.
J’ai aussi remarqué que j’étais une très mauvaise communicante en amour, ce qui m’a conduite bien souvent à des disputes stériles. Avec ça, je n’ai pas su poser mes limites à mes deux derniers partenaires. C’est comme ça qu’ils ont commencé à m’étouffer et à pousser me de plus en plus dans mes retranchements personnels. J’ai fini par déclarer des crises d’angoisses lors des disputes avec ces partenaires. Je suppose que j’ai tellement peur de perdre la personne en face de moi que je ne veux pas lui montrer la vraie moi.
Est-ce que je crois que la vraie moi ne te mérite pas ?
Peut-être…
De toute façon, je ne sais plus qui est la vraie moi.
Finalement, les conventions culturelles et sociales sont également actrices de cette dépendance. Dans certaines cultures, comme ici, en Europe, l’idée de trouver un partenaire romantique comme source du bonheur et de validation est fortement valorisée. Ce qui peut renforcer la dépendance amoureuse.
Et là, je sais que j’y suis totalement soumise. Née dans les années 90, j’ai grandit avec les injonctions de la société qui veut qu’une femme soit mariée avant ses trente ans et qu’elle fasse des enfants jeune. Merci Bridget Jones et autres films dans ce goût. Bien sûr, la suite de cette série de film nous montre que nous ne sommes pas obligés de nous plier à ces injonctions de la société. Mais il faut avouer que ce genre de films est arrivé bien plus tard par rapport aux deux premiers films.
J’avoue que cette idée m’aurait plu. J’aurais aimé avoir des enfants jeunes et me marier jeune comme mes parents l’ont fait finalement. J’ai eu des exemples de couples – autres que dans ma famille – qui ont duré des décennies et même jusqu’à la mort des deux protagonistes. Je trouve ça magnifique, d’aimer la même personne jusqu’à sa mort, malgré les difficultés de la vie.
Alors quand j’ai pensé qu’il était temps d’avancer dans mes relations et de passer à la vitesse supérieure, j’ai mis la pression à mes partenaires pour avoir un enfant. J’ai révélé des comportements très toxiques dans ces moments là. Pour eux, mais aussi pour moi-même.
Bien sûr, j’ai reçu de nombreux « j’attends mes petits enfants pour les gâter, en attendant, je gâte ceux des autres » dans les dents. Ma mère est une femme merveilleuse, qui est passée par des étapes de vie difficiles. Mais elle ne se rend pas compte combien ces mots peuvent être difficiles à encaisser.
Pour autant, aujourd’hui, je suis heureuse que je ne sois jamais arrivée à mes fins avec ces partenaires. Je me rends compte que ce n’étaient pas les bonnes personnes et qu’avoir un enfant avec eux aurait considérablement compliqué ma vie actuelle. Je pense même que je n’aurais pas eu le courage de les quitter, si nous avions eu un enfant au milieu de tout ça.
Finalement, et pour répondre à cette question : à quand remonte notre relation malsaine ? Je suppose que tout cela dure depuis toujours…
Mais aujourd’hui, j’ai décidé de mettre fin à toute cette toxicité avec toi, Amour. J’aimerais que nous puissions trouver un terrain d’entente tous les deux, où tu aurais une place saine dans ma vie. Un espace où tu ne me ferais pas tant souffrir quand les signes de ton existence seraient temporairement invisibles.
J’espère que nous trouverons cet équilibre qui fera que nous ne serons plus en compétition tous les deux. J’aimerais être juste moi, libre de ton influence qui parfois m’écrase les côte. C’est parfois comme si mon cœur allait exploser et sortir de ma cage thoracique. Ou comme si un trou noir s’ouvrait à la place de mon cœur pour m’aspirer toute entière. Je ne veux plus ressentir ça, s’il-te-plaît.
J’espère que tu comprendras mieux mes sentiments envers toi maintenant. Malgré tout, je t’aime et je reste une grande amoureuse de toi, Amour.
Parce que je sais que tu peux te montrer grand et beau. Je sais que sans toute cette souffrance que tu m’as infligée, je ne pourrais pas connaître tout le bonheur que tu peux m’apporter.
Bien à toi,
Une dépendante à l’amour
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