

LE MYTHE !
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LE MYTHE !
LE MYTHE !
Mon père nous racontait souvent, quand nous étions enfants, des histoires, des histoires extraordinaires… Entre autres, celle de ce lointain ancêtre, capitaine de vaisseau, qui aurait commandé une frégate de la Marine Royale de Louis XV et aurait traversé l’océan il y a bien des années en direction des Amériques. Nous avions donc un ancêtre Américain ! D’après mon paternel, il aurait fait fortune là-bas dans le commerce, en vendant de l’or et des fourrures puis américanisé son nom, le transformant de Jean Boulet à John Bullit. Ah ! Belle histoire ! Quoiqu’à la réflexion, je pense que ce que nous a surtout vendu mon père … C’était du rêve ! Mais nous, les enfants, on adorait ça !!!
Oui, c’est vrai, on adorait çà mais arrivé à l’âge adulte, méfiant envers mes souvenirs idylliques d’enfance, je me décidais de creuser un peu plus ce joli conte pour enfants. Si mon père avait tenu à m’affubler de ce même prénom de Jean, dès ma naissance et que je m’en étais senti quelque peu flatté, la surprise fut à la hauteur de mes illusions. En effet, lorsque les doigts crochus de l’intelligence artificielle de la société My Héritage, spécialisée en recherche généalogique me révélèrent les dessous de mes ancêtres, je tombais des nues. Cette idée romanesque d’avoir eu un arrière-arrière-arrière-grand-père capitaine de frégate, s’effrita rapidement à l’aune de la dure réalité de la vie. ’’Vous déposerez juste une petite goutte de sang sur le buvard et c’est tout ’’ m’avaient-ils dit. ’’Pour cent trente-sept dollars US, une partie de votre vie pourrait en être transformée... vous verrez, ce sera passionnant de découvrir tout cela ’’.
Un mois avait passé et j’avais même oublié de quoi il s’agissait lorsqu’un matin brumeux de novembre, je trouvais dans ma boite aux lettres, une jolie enveloppe timbrée avec un aigle américain dans le coin supérieur droit et le sigle My Héritage au dos de la lettre en question. Je la tournais et la retournais dans tous les sens, la reniflant tel un chien de chasse. Est-ce que ça sentait bon cette affaire ?!? Était-ce vraiment une bonne idée d’avoir entrepris ces démarches ? Je ne me décidais pas à l’ouvrir immédiatement et la plaçait sur ma table de nuit. Ma femme, partie en vacances pour une semaine avec ses amies de sport, ne pourrait pas me poser de questions en tous cas à ce sujet… D’ailleurs, si Véronique avait été là, elle me l’aurait déjà arrachée des mains et l’aurait dévorée compulsivement de bas en haut et de haut en bas, n’écoutant pas mes protestations pour la récupérer. Curiosité maladive que j’avais dû accepter pour vivre avec elle… Heureusement seul à ce moment, j’avais décidé d’attendre … d’attendre quoi au juste ?!? Je ne le savais pas moi-même mais ce n’était pas le bon moment, le bon endroit, le bon... le bon quoi !
Le soir venu, allongé sur mon lit, le kaléidoscope de mes espoirs commença à tourner dans mon esprit à très grande vitesse. L’Amérique, les terres du Nouveau Monde, les indiens, la fortune… A quoi s’attendre dans cette lettre !?! Le gros lot ? Le Bingo gagnant ? … L’avenir transformé du jour au lendemain ? Jeux de la chance, loterie nationale et tutti quanti !?! Oui, c’est vrai, j’y croyais ! La roue de la fortune allait enfin tourner pour moi grâce à cette simple lettre, j’en étais sûr... Fini le scribouillard de l’usine Dumoulin, employé à tenir la comptabilité des manches de pioche, des râteaux ou des pelles Dumoulin. ‘’Une pelle Dumoulin et les travaux vont bien’’, disait le slogan. Mais moi, je n’allais pas bien… Il me fallait rêver, il me fallait croire en ce John Bullit bien meilleur que moi qui m’emporterait, qui m’apporterait tout ce que je n’étais pas, tout ce que je n’avais pas, moi l’anonyme Jean Boulet, le petit comptable de service. Avec lui, j’irais vers le meilleur… Meilleur que n’était ma vie insipide dans ce boulot alimentaire horripilant et meilleur aussi que ma vie sentimentale, si terne auprès de Véronique qui ne m’avait pas su me donner d’enfant, une descendance qui aurait pu éclairer ma vie.
Le mardi de cette semaine, j’ouvris enfin la lettre, enfin… j’ouvris un coin de la lettre. Pas entièrement, non mais juste de quoi apercevoir le sigle My Héritage et un nom en rouge, John Bullit. Le mercredi, je soulevais l’autre coin et entrevis le terme ‘’ pirate sanguinaire ‘’ écrit à la main. Je refermais immédiatement la lettre et ne la touchais plus.
‘’ Un pirate sanguinaire ! ’’ Malheureux ! Avoir un ancêtre pirate me déshonorant, du sang plein les mains, le rouge sur mon visage rien qu’à l’évocation de son simple nom. Sûrement le genre de tueur implacable, se montrant sans pitié, sanguinaire… Malheur de malheur ! Je suis l’arrière arrière arrière petit-fils d’un criminel, d’un boucher, d’un PIRATE ! Mais pourquoi suis-je allé faire ce test à la noix ?!? J’aurais pu être le descendant d’un homme qui aurait fait fortune, répandu le bien sur la terre d’Amérique ou bien un shériff, véritable as du pistolet à l’époque du Far West, ou bien encore quelqu’un d’adulé là-bas, une icône respectée … riche de surcroit. Mais non, j’avais tiré le gros lot avec cet ancêtre pirate ! Ah, je les retiens, les My Héritage !
Que faire alors ? Je restais deux jours sans toucher la lettre, ne sachant comment faire. Devais-je la détruire, la lire plus attentivement pour évaluer l’ampleur des dégâts et assumer la honte familiale ? Ne sachant que faire, je la déposais sur ma table de nuit en me disant que je la cacherais dès le retour de Véronique. Mais, le vendredi midi, ma femme revint plus tôt que prévu et m’accueillit le soir même au sortir du travail avec un bon repas qu’elle avait soigneusement concocté. Un verre de Bordeaux à la main et un autre qu’elle m’offrit tout en m’enlaçant tendrement, celle-ci me glissa alors à l’oreille :
— Chéri, je suis enceinte ! Tu vas être père …
De surprise, je laissais tomber mon verre de rouge qui éclaboussa tout le parquet.
— Ce n’est pas grave mon chéri, me dit Véronique. Je comprends bien ta surprise mon amour. Cela faisait si longtemps qu’on en rêvait de cet enfant. Ne t’inquiète pas pour le Bordeaux, je vais éponger le sol. C’est drôle d’ailleurs tout ce rouge sur le plancher, on dirait presqu’il y a eu un crime ici ou un meurtre, enfin… quelque chose de sanguinaire ! Tiens, ça me fait penser à ta lettre de My Héritage que tu avais laissée près de notre lit pour que je la lise et qui parle justement d’un pirate sanguinaire. De John Bullit ! C’est vraiment marrant… D’après eux, et c’est rajouté à la main, ce serait donc un homonyme de ton arrière arrière arrière grand-père dont tu me parles tout le temps et qui n’a rien à voir avec ton véritable ancêtre, qui lui et c’est bien indiqué en rouge, a été maire de San Francisco en je ne sais plus quelle année. Dis donc, tu as un sacré pedigree, toi … Ah oui, Chéri … Tu sais, j’ai eu une idée. Et si on appelait notre enfant ‘’ Pirate ‘’. Ce serait drôle, non ?!?
Copy Right John Bullit / Mars 2025

