Autobus impérial
Autobus impérial
Autobus impérial
( Un clin d'oeil à Monsieur Queneau, avec mon humble respect)
Napoléon mon cul… cet enflé…chapeau à la con… Voilà, ce qu’à peu près, je perçus de la voix de cette gamine aussi mignonne que malpolie. Deux yeux rieurs, les joues étoilées de taches de son, deux nattes rousses coulant sur les épaules, l’air décidé, la mine boudeuse, le menton haut. Gentil souriceau rempli d’insolence. Allez bouge-toi mon Tonton ! On va se l’prendre ton autobus puisque le Métro est toujours en grève... Ah ! les cons ! dit-elle au jeune homme l’accompagnant.
Nous sommes donc, tous les trois, au pied du poteau indiquant l’arrêt, Oulipo, sur la ligne S.
L’autobus est à l’approche. Je l’aperçois, il est arrêté, au feu rouge du carrefour, à quelques mètres sur la gauche. Il est prêt à bondir sur nous, tel un fauve affamé.
En fait, c’est un bus vert et blanc, venu d’un autre âge, borgne du phare gauche et à l’aile droite accordéonnisée. Il s’approche bringuebalant, enfumé, bruyant et toussotant.
A l’arrière sur la plate-forme, le receveur se tient prêt à transmettre ses ordres au conducteur en tirant sur sa chaînette pour faire tinter sa cloche, tout en vendant des tickets. Tickets sésames à trois sous, promesse d’un fabuleux voyage à travers les rues de la ville. Ceci dans un confort précaire, sujet aux hématomes, aux écrasements d’orteils et autres mains baladeuses… L’air environnant y est chargé d’un funeste mélange de fragrances bon marché, de miasmes incertains, et des odeurs de pâté de la pitance méridienne des travailleurs.
Mais qui veut l’aventure doit en payer le prix…
Le bus encore roulant, des passagers sautent du marchepied et courent vers ailleurs. Ils espèrent ainsi rattraper le petit plus de sommeil, qu’ils ont barboté ce matin à la pointeuse qui les attend.
Les descendants descendus, je m’apprête à poser le pied sur la plate-forme quand la petite tornade rousse me précède avec un tonitruant Scusez meussieu. J’en souris. Elle est si drôle et si fraîche. Une paille de soleil dans la botte de foin gris qui couvre la ville.
Le bus est bondé, les voyageurs essaient de s’ouvrir un passage vers l’avant en quête d’un hypothétique siège aux ressorts défoncés, mais disponible.
Alors, j’aperçois un jeune homme de vingt-six ans environ. Il porte un chapeau mou dont le ruban est remplacé par un cordon. Il a un cou étrangement long. Il est fâché contre son voisin de voyage, lui reprochant de le bousculer chaque fois que quelqu’un passe. Puis, il voit une place libre et s’en empare… C’est lui que je reverrai deux heures plus tard, près de la gare Saint Lazare, devisant avec un de ses amis. Mais c’est une autre histoire. Une histoire décousue...une histoire …de bouton à recoudre.
Soudainement, je remarque le visage du receveur. Il m’est connu. Il est mon voisin du second. Je le salue, Bonjour Monsieur Queneau ! Il me rend mon salut d’un geste de la main gauche, la droite restant cramponnée à la chaînette comme moi au garde-corps.
Lorsque, tout à coup, le bus résonne d’une voix forte.
- Zazie, c’est ici que l’on descend pour voir le tombeau de Napoléon !
-Napoléon, mon cul !!!
Je m’apprête à descendre aussi à Invalides mais Miss Trotte-menu, vive, me bouscule, Scusez meussieu !
Je sors de mon rêve, fin de l’aventure.
J’entends une voix… Celle de ma mère, disant : « C’est l’heure mon garçon ! Le bus ne t’attendra pas ! »
Sur le perroquet, je vois mon pardessus et puis le bouton qu’elle a recousu.
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