Chapitre 10
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Chapitre 10
Chère Amia,
Si tu lis cette lettre, c'est que j’ai dû avoir un grave problème de santé qui a entraîné mon décès. En écrivant, j’espère que je me trompe sur ce que le futur me réserve, mais je préfère prendre des précautions.
Je sais que tu dois être étonnée que mon état de santé soit si dégradé, et je suis désolée de ne pas avoir réussi à te prévenir. Comme quoi, même moi qui ai affronté maintes épreuves, je n'ai pas autant de courage qu'on peut le penser. Je ne voulais pas gâcher ces beaux moments que nous passions ensemble ainsi que ta nouvelle vie à mes côtés. Tu as déjà vécu assez d'horribles événements pour te rajouter ce poids. Je m'excuse sincèrement de te faire traverser cette période difficile et j'espère qu'un jour tu pourras me pardonner.
Toutefois, je souhaite que tu comprennes que je ne suis pas triste de partir. J'ai vécu plein de belles choses au cours de ma vie, alors je pars sans regret.
Si je n'ai pas eu l'occasion de te le dire auparavant, sache que notre rencontre a été l’événement le plus merveilleux que j’ai jamais vécu. Grâce à ta seule présence, tu as apporté une joie immense dans mon quotidien. Tu as été la famille aimante que je n’ai jamais eue. Je ne pouvais pas rêver d’une meilleure fin de vie, et je t'en serais éternellement reconnaissante.
Finalement, alors que je pensais t'aider, c'est le contraire qui s’est déroulé. J'avais besoin d'un espoir pour un monde meilleur et tu m'as prouvé que c'était possible. J'ai pu partir sereine, enfin presque : il me restait à savoir où tu vivrais plus tard. J'ai donc décidé de te léguer tous mes biens. Tu n'hésiteras qu'à tes 18 ans, et j'espère qu'en attendant, tu trouveras un endroit où vivre. Je t'ai mis mon carnet d'adresses avec tous mes contacts les plus sûrs et où ils habitent. J'ai annoté toutes leurs qualités et défauts pour que tu puisses faire un choix en pleine conscience. J'ai aussi mis mon accord en tant que dernière tutrice pour que tu puisses vivre avec ces personnes, tu n'as qu'à compléter le trou avec le nom de ton choix. Je souhaite de tout mon cœur que tu trouves ton bonheur et j'espère que tu continueras ton chemin en gardant en mémoire l'étendue de ta bonté.
Pour terminer, je profite d’écrire cette lettre pour te le dire, si je n'ai jamais pu te le faire en chair et en os : je t'aime, mon petit soleil.
Francine
Je lève la tête abasourdie comme la première fois que j’ai lu ces mots. J'ai les larmes aux yeux et un trou à la place du cœur. Ça fait déjà deux semaines que Francine est décédée et je ne passe pas un jour sans relire sa lettre. Sauf qu'aujourd'hui, quelque chose a changé. Je crois que je suis prête à la laisser partir. Et la seule chose que j'ai jamais su faire, c’est écrire ce que je ressens. Alors je prends un papier et un crayon avant de me plonger dans mon monde intérieur.
Chère Francine,
Je n'arrive toujours pas à me rendre compte de la situation. Je sais que tu ne reviendras plus, mais une partie de moi espère encore que tu apparaîtras un jour au portail du collège pour venir me retrouver. Je crois que je n'ai jamais autant aimé une personne que toi et je n'ai jamais eu aussi mal, même quand ma mère me battait.
Tu me demandes de te pardonner Francine, mais c'est déjà fait. Je comprends tes choix. Tu es la personne qui m'a redonné foi en la vie et en un avenir meilleur. J'espère que cet espoir ne sera pas vain. En-tout-cas, je suis sûre que tout ira bien tant que je reste aux côtés de Sacha.
Tu as écrit que j’étais ta famille, mais tu as surtout été la mienne. J’espère que ton âme sera toujours à mes côtés pour me donner du courage dans les moments difficiles et les dures décisions qui m’attendent, mais quoi qu’il arrive, les murmures de nos confidences resteront à jamais dans ma mémoire.
Je t’aime de tout mon cœur,
Ton petit soleil
Au moment où je finis d'écrire le dernier mot, Sacha entre dans la pièce, paniquée.
- Mes parents veulent te ramener chez ta mère.
Je reste bouche bée un instant. Je savais que le moment de partir arriverait, puisque mon hébergement chez Sacha ne tenait qu'à sa mère, mais je ne m'attendais pas à ce qu’il advienne aussi rapidement. Or, je n'ai aucune raison de revenir chez ma mère. Il ne me reste plus qu'une solution.
- D'accord. Je vais partir.
Sacha me regarde, interloquée.
- Sérieusement ? Tu vas de nouveau vivre chez ta mère et c'est ta seule réaction ?
Je prends le papier où Francine a noté toutes les adresses de ses amis et le lui montre.
- Je ne l'ai pas encore lu, mais grâce à ces contacts, je pourrai trouver un nouvel endroit où vivre.
Elle s'approche et prend le papier pour l'examiner avant de relever la tête.
- Tous les lieux notés se trouvent au moins à deux heures de route, dit-elle avec une voix tremblante. Est-ce que ça veut dire que nous ne nous verrons plus ?
Je sens les larmes monter à sa remarque, mais j'essaie de les retenir. Je voulais repousser le moment de nos adieux au plus possible, mais il n'y a plus d'autres alternatives. Ayant la voix enrouée, j'acquiesce simplement. À mon geste, Sacha éclate en sanglots et me prend dans ses bras.
- Je ne veux pas te perdre. Pas après avoir cru que tu ne serais plus de ce monde.
Je ne sais pas ce qu'elle a dû ressentir lors de ma tentative de suicide, mais je ne peux pas lui en vouloir de sa réaction. Moi aussi, j'aurais été dévastée si l'inverse était advenu.
Après un long moment, elle finit par se calmer et sécher ses larmes. Quand elle s'écarte de moi, elle regarde ailleurs pour demander :
- Il n'y a pas d'autres possibilités, n'est-ce pas ?
- Non.
Elle se mord la lèvre. Son chagrin est si palpable que je ne peux m'empêcher de vouloir la consoler alors que je suis dans la même situation.
Je soulève son menton pour qu'elle me regarde et lui dis, droit dans les yeux :
- Même si je dois partir, je ne t'oublierai jamais.
Elle se met à nouveau à pleurer. Peut-être que j'ai empiré les choses, mais je ne regrette pas ce que je lui ai dit. J'avais besoin que ça sorte.
- Tu m'aimeras toujours ? demande-t-elle d'une petite voix en me prenant la main.
- À jamais.
Cette fois, elle me fixe intensément et rapproche lentement son visage du mien. Quand elle ferme les yeux, je comprends enfin ce qui est en train de se passer et mon cœur rate un battement. Nos lèvres se touchent tandis que mon ventre est comme rempli de papillons. Je ne m'attendais pas à ce qu’elle m’embrasse, mais je suis heureuse qu’elle l’ait fait. Malgré mon cœur en folie, mes mains qui transpirent et le goût des larmes de Sacha, ce moment reste merveilleux et je n’aurais pas pu rêver d’un plus beau premier baiser.
Quand Sacha met fin à ces instants mémorables en éloignant son visage du mien, elle annonce avec détermination :
- Moi aussi, je t'aime et je vais t'accompagner. Il est hors de question que tu t'en ailles sans moi.
Je reste interdite face à ses paroles. Je n'y crois pas, elle veut partir avec moi ! Je me retiens de crier de joie avant de me rappeler une information cruciale.
- Et tes parents ?
- Ça ne va pas être facile de les abandonner, mais je ne peux plus supporter leur manière de me traiter. Même si je les aime malgré tout, c'est mieux de s'en aller sans rien leur dire. Quand on sera majeures, je pourrais toujours reprendre contact si je le souhaite.
Je suis impressionnée par son courage et très émue qu'elle veuille m'accompagner même si cela signifie de laisser sa famille derrière elle.
- Tu es sûre de toi ? Après, il n'y aura pas de retour en arrière possible et je ne veux pas briser ta famille.
Sacha me prend les mains avant de me répondre.
- Ma famille est déjà brisée par leur intolérance. Peut-être que ça leur mettra un coup de pression et qu'ils se rendront compte qu'ils doivent changer leur attitude s’ils veulent que je reste auprès d’eux. Et puis, quand je reviendrai, leur manière de penser aura peut-être évolué. En plus, je serai enfin libre d’être pleinement qui je suis ! Alors même si ça va me déchirer le cœur de partir, tout ce qui compte aujourd'hui, c'est toi et moi. Je sais que tout ira bien puisqu’on sera ensemble.
Son discours m’a convaincue et je me dis que finalement, je n'ai peut-être aucune raison de m'inquiéter. Je peux comprendre qu’elle veuille fuguer comme je l'ai fait avec ma mère, pour pouvoir s'épanouir enfin et assumer pleinement son identité.
- C’est d'accord. Maintenant, il faut qu'on choisisse où aller.
Elle m'adresse un grand sourire, soulagée que j’accepte sa décision. Nous nous penchons sur la liste de contacts de Francine et finissons par choisir de rejoindre Annette et Marc-Antoine, deux sexagénaires qui vivent à la campagne. Francine a précisé à côté de leur nom : "Attention, ne va pas chez eux si tu as horreur des crottins de chevaux !", ce qui m’a fait sourire.
Après s'être décidées, on s'accorde pour partir le lendemain matin quand ses parents seront endormis. Nous préparons nos sacs et je conseille Sacha sur ce qu'elle doit prendre ou non.
- Ne garde que le nécessaire. Il ne faut pas s'encombrer pour le voyage. Les meilleurs souvenirs que tu vas garder sont dans ta tête.
Elle rigole.
- Tu deviens une professionnelle de la fugue dis donc !
Je rigole avec elle. Après que cette étape soit finie, nous prévenons les principaux concernés de notre arrivée en expliquant notre situation. Ils acceptent sans hésiter. Ils ont l’air d’être de bonnes personnes, et ça me rassure sur la suite de notre plan.
Ensuite, Sacha empreinte en cachette la carte bancaire de son père qui reste toujours dans son portefeuille. Nous achetons des billets vers notre nouvelle maison, et nous sommes fin prêtes pour notre nouvelle aventure.
Pendant le repas du soir, Sacha reste plus silencieuse que d'habitude. Je suppose qu'elle doit se dire que ce sont ses derniers moments en compagnie de ses parents. Eux, ne remarquent rien et font comme s'ils n'étaient pas sur le point de me renvoyer chez moi.
Le soir, alors que Sacha est dans son lit et moi dans mon sac de couchage au sol, je demande :
- Tu es stressée ?
- Non, je n'ai jamais été si excitée de ma vie.
Je ne peux pas voir son visage dans l'obscurité, mais je devine le magnifique sourire qui doit éclairer son visage.
Quand l'heure arrive de partir, nous prenons nos sacs et nos vélos avec le plus de discrétion possible. Heureusement, le sommeil des parents de Sacha est lourd et ils ne remarquent rien.
Nous nous dirigeons ensuite vers la gare la plus proche, à environ trois kilomètres. Sur le chemin, nous nous arrêtons un instant devant la maison de Francine. Je dépose sur le seuil une fleur trouvée sur la route avec beaucoup d’émotion.
- Merci pour tout, murmuré-je à l’attention de Francine. Je n’oublierai jamais ce que tu as fait pour moi.
Je me retourne pour continuer ma route avec les larmes aux yeux, mais surtout, avec beaucoup d’espoir.
Arrivées à destination, nous nous installons sur un banc pour attendre le train. Nous restons silencieuses mais soudées. C’est main dans la main que nous affronterons les épreuves qui se dresseront sur notre route.
Quand le temps est enfin venu de monter à bord de la locomotive, je sens que Sacha tremble. Je lui souris pour lui donner du courage qu’elle finit par me rendre alors qu’elle s’avance vers l’inconnu et qu’elle laisse tout ce qu’elle connaît derrière elle.
Installées dans un wagon, nous regardons le paysage se mettre en mouvement alors que le train démarre. Je tourne la tête une dernière fois vers le village qui m'a vu grandir. J'y ai affronté beaucoup de drames, mais j’y ai aussi fait de magnifiques rencontres. Même si le harcèlement scolaire, l’attitude de ma mère, le départ de mon père et la mort de Francine me pèsent, je n’effacerai pour rien au monde ce que j’ai vécu. Si j'ai bien appris une chose, c'est que mon passé fait partie de moi, et que grâce à tous ces souvenirs, je peux avancer vers un futur à mon image. J’ai aussi compris que je n’ai jamais été le problème dans l’histoire, et que je mérite mieux que le mépris que l’on m'a adressé. Je ne suis plus la petite fille qui a peur de ses camarades de classe ou de sa mère. Je suis une jeune fille remplie de rêves, et je me dirige vers eux, la main de Sacha dans la mienne.
À partir de maintenant, je ne laisserai plus personne me dire qui je dois être ou comment je dois me conduire. C’est moi qui tiens les commandes de ma vie.
FIN