Une terre de métissage part.2 : l'Engagisme
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Une terre de métissage part.2 : l'Engagisme
Depuis que je suis arrivé ici, il y a à peine 3 mois, j'ai pu assister à un festival du film indien et regarder un Bollywood avec l'éternel Shahrukh Khan dans Veer Zahra, un mélodrame traitant d'une histoire d'amour impossible à la Roméo et Juliette de 3h 30 seulement...
J'ai pu également assister à la grande fête des Lumières Dipavali (ou Diwali), l'une des fêtes les plus importantes en Inde, en l'honneur du retour de Rama avec sa bien aimée Sita, après sa victoire contre le démon Ravana qui l'avait kidnappée. Cette grande fête est l'occasion, dans différents endroits de l'ile, de spectacles de danse et de musique tamoule ; de grandes processions de chars avec statues faites de paille et de terre peintes, à l'effigie des grands héros de ce grand moment du Ramayana (l'une des 2 plus grandes épopées de la mythologie indienne telle l'Odyssée chez nous, en bien plus long !) ; d'allumer de multiples bougies ; ou de se jeter les uns sur les autres de la poudre colorée de multiples teintes différentes, dans un moment de gaieté et de communion générale extrêmement joyeux.
Je me suis également promené dans différents temples tamouls sur lesquels trônent des représentations des multiples avatars des dieux et déeesses hindous.
Et j'ai pu assister à une marche sur le feu. Epreuve initiatique afin de montrer la suprématie de l'esprit sur le corps, la force de l'energie communautaire et la puissance de la devotion envers la déesse Pandialé, des hommes, ayant préalablement suivi une periode de 17 jours de carême, de rituels et de prières, traversent une fosse remplie de braises, au cours d'une cérémonie mélant procession, musique et de chants.
La cérémonie se poursuit ensuite par le sacrifice de boucs et de coqs, dont on tient le cou bien tendu avant que la lame du katty sacrificiel ne s'abatte dessus. Très étrange et somme toute assez perturbant de voir que ces sacrifices animaux sont toujours autorisés et pratiqués ici, en France, dans une perspective rituelle et traditionnelle certes ; mais à l'heure où la mise à mort des taureaux dans les corridas est parallèlement de plus en plus bannie de la coutume, et où les musulmans n'ont désormais plus le droit de tuer eux-mêmes le mouton lors de la fête de l'Aïd el Kébir, devant passer par un abattoir.
Me reste à découvrir d'autres grands moments, comme la fête du Nouvel An Tamoul en avril, la fête du Cavadee en l'honneur du dieu Mourouga en fevrier, un fameux bal tamoul, spectacle de récitation, de theatre et de danse représentant une séquence du Mahabarata (l'autre grande épopée indienne), ou tout un tas d'autres manifestations traduisant le fait que la culture tamoule est bien vivante et active, ici à la Réunion.
On pourrait en dire aussi de même concernant la communauté musulmane, qu'elle soit originaire d'Inde (avant tout) ou de Mayotte/des Comores, très vivante et active également ici, avec les nombreuses mosquées construites existantes et les appels à la prière du muezzin qui résonnent un peu partout dans les grandes villes de l'île ; la présence de l'école coranique Medersa Tarlimoul, en plein centre-ville de Saint Denis, d'où sortent chaque jour de nombreux enfants, tous habillés d'une cheicha et d'une djellaba blanches ; de la pratique du ramadan ou de la fête de l'Aïd el Kébir prévue cette année en juin prochain.
Ou encore de la culture chinoise, avec prochainement la fête du Nouvel An chinois en février et sa danse des dragons, ou la fête de Guan Di célébrant un guerrier devenu Dieu en juillet prochain ; ses célèbres boutiks sinois, sortes de bric-à-brac vendant de tout, et notamment les fameux pétards et feux d'artifice dont les Réunionnais sont tellement friands...
Bref. Tout ceci traduit la vivacité et la perpétuation des pratiques culturelles originelles des différentes communautés qui ont émigrés sur l'île. Cette émigration a eu historiquement lieu lors de vagues migratoires successives dont l"origine est l'Engagisme... Ce qui est donc le pretexte et l'occasion pour moi d'ouvrir cette deuxième page de l''histoire du peuplement de l'île.
En 1810, au cours des guerres napoléonniennes, l'île de la Réunion devenue l'île Bonaparte tombe en 1 jour aux mains des Anglais, qui la rebaptisent à nouveau île Bourbon. l'île de France, la base navale française des Mascareignes, tombe peu après, et sera rebaptisée île Maurice. Maurice restera anglaise. Bourbon, elle, est retrocédée à la France en 1815, mais cette brève période anglaise modifiera en profondeur l'agriculture de l'île. En effet, ceux-ci promeuvent le développement de la culture de la canne à sucre, qui surplantera rapidement la culture du café et deviendra la principale activité de l'île.
Seulement, la canne à sucre demande beaucoup de main d'oeuvre. Et si les grands propriétaires se fichent de l'abolition de l'esclavage prononcé par la Révolution Française et rétabli depuis par Napoléon, une main d'oeuvre engagée provenant d'Inde commence en parallèle à se développer. Originaire d'abord du Yanaon et des comptoirs français de Pondichéry et Marikal, elle émigre ensuite de la côte ouest de l'Inde dite côte Malabare, très majoritairement hindoue ; mais également du Gujarat,(nord ouest de l'Inde) musulman ; ou encore du West Bengale (nord est). Ce phénomène s'organise et s'amplifie massivement au décours de l'abolition officielle de l'esclavage dans les colonies, le 20 décembre 1848 à l'ile de la Réunion (date à laquelle elle reprend son nom définitif), sous forme d'accords avec l'Empire Britannique d'où sont originaires les engagés.
Les conditions des engagés sont peu différentes et peu meilleures que celle des esclaves. Engagés volontaires pour 3 ou 5 ans (quand le volontariat ne devient pas contraint et forcé avec le temps), ils sont transportés à fond de cale dans des bateaux pendant 1 mois dans des conditions extrêmement précaires, puis débarqués à la grande chaloupe, où ils subissent une quarantaine avant de pouvoir gagner les plantations. Beaucoup en effet souffrent et meurent de carences et de maladies.
Aux champs, les conditions de travail ne sont pas meilleures que celles des anciens esclaves avec qui ils partagent le travail, qu'il s'agisse du rythme et du temps journalier de travail, de l'équipement et des mesures de protection des accidents, de la façon dont ils sont traités par les propriétaires.. En dehors, ils sont regroupés dans des camps d'engagés qui sont élaborés en place des anciens camps d'esclaves. Ils vivent ainsi, entassés à plusieurs dans des petites cases de 10 à 15m2 construites en matériaux légers très exposées aux intempéries, et à l'équipement très sommaire.
Toutefois, à la différence des esclaves, ils sont libres et possèdent une existence juridique. Ils ont des droits qu'ils peuvent revendiquer face à un maître devenu employeur, ne lui sont pas totalement asservis. Ils sont autorisés à pratiquer le jardinage et l'élevage pour leur propre compte, ont un droit de propriété, et bénéficient également de la liberté de culte, ce qui leur permet de construire des temples et chapelles pour perpétuer leurs rites et pratiques cultuelles. Certains sont bien-sûr évangélisés, mais ils peuvent continuer à suivre en même temps leur religion tamoule, donnant lieu à des syncrétismes et métissages des croyances et des pratiques.
D'autres engagés viennent compléter les effectifs, principalement de la côte Est de l'Afrique et de Madagascar, mais également d'Asie. Ainsi, entre 1848 et 1860, ce sont près de 65.000 engagés qui débarquent sur l'île, dont plus de 40.000 sont indiens (75.000 en tout). Pour comparaison, dans le même temps, Maurice (toujours sous domination britannique) reçoit près de 170.000 engagés (450.000 en tout).
Mais la couronne britannique finit par ne plus accepter ce système organisé de grande ampleur, sujet à de nombreuses dérives et abus, dénoncé comme de l'esclavage déguisé. Et l'Inde faisant aussi partie de son Empire, elle met un terme au déplacement massif de ses sujets en 1882.
Cela ne signe pas pour autant la fin de l'engagisme, et la France se tourne alors à l'ouest vers Madagascar, les Comores, le Mozambique, ou à l'est vers la Chine, Java (Indonésie), la Malaisie ou l'Australie pour continuer à recruter une main d'oeuvre prête à venir travailler dans ses plantations.
L'entre deux guerres sera l'occasion de grandes révoltes d'engagés contre les conditions de travail et de vie dans les plantations et verra l'engagisme fortement décliner dans les années 1930. Enfin, c'est à la fin de la seconde guerre mondiale, avec la Départementalisation de l'île qui quitte son statut de colonie et l'apparition de l'Inspection du Travail, que cette grande page de l'histoire réunionnaise se cloture définitivement.
Reste, en héritage et en témoignage de cette période, une population aux origines multiples, regroupée à la fois en communautés distinctes perpétuant ses traditions, et à la fois fortement métissée entre toutes ces origines. C'est ce qui donne cette identité créole bien particulière, multiethnique et multiconfessionnelle en même temps que fortement mélangée et interculturelle, qui se retrouve autour d'une histoire commune et d'un dialecte local dérivé du français partagé entre tous.
Et c'est clairement (à mon sens) ce qui fait tout le charme et la singularité de la Réunion telle qu'on la découvre aujourd'hui :-)
Je vous laisse essayer de comprendre (il faut lire phonétiquement et essayer de retrouver la parentalité avec le français "classique" ;-))