Sur les Campsie Fells
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Sur les Campsie Fells
Je me tiens en haut des Campsie Fells et je prends soudain conscience, dans mon immobilité, du silence qui m’entoure. A mes pieds, Glasgow et la Central Belt, la région la plus peuplée d’Ecosse. Pour trouver ce silence, il a fallu que je monte cinq cent mètres de dénivelé, et que je m’éloigne de la petite foule qui profite, comme moi, du temps estival de ce début avril, et surtout, que j’arrête de marcher.
Chaque mouvement, même lorsque je marche seule, génère du bruit et c’est uniquement lorsque je m’arrête que j’en prends conscience – lorsqu’il disparaît. Le silence ne serait rien d’autre que l’absence de bruit, ou, peut-être, l’absence de bruit humain ?
Les Campsie Fells sont les collines qui me narguent, chaque jour, depuis les fenêtres de la maison où je vis. C’est sur celles-ci que j’ai cru mourir en décembre dernier, d’une bête hypothermie. L’hypothermie était la dernière chose à laquelle je m’attendais ce jour-là. J’étais partie par 5 degrés, négligeant de prendre un pull supplémentaire, une deuxième paire de gants, ma couverture de survie, des chaussettes sèches… tout ce que, dorénavant, je trimballe avec moi à chaque randonnée en Ecosse, même par dix degrés ou plus.
Alors que je parcours ce chemin, le même qu’en décembre, ce jour d’avril si ensoleillé, si chaud, je sais qu’avec chaque pas, j’exorcise un peu plus ce souvenir qui m’a traumatisée. Je retrouve les endroits où, progressivement, chaque pas dans la tourbe gorgée d’eau m’a détrempé davantage les pieds. Les endroits où il subsistait de la neige. Le vent lancinant et glacial qui a contribué largement à me refroidir. Et puis, sans que j’arrive à en être certaine, l’endroit où la peur m’a gagnée et où j’y ai cédé, faisant demi-tour.
La peur que j’ai ressentie ce jour était viscérale, instinctive. Tout à coup, mon corps disait stop, et mon esprit n’avait plus d’autre choix que d’obéir, soumission totale, nécessaire à la survie. C’est la première fois de ma vie que j’ai ressenti cette peur bien particulière, celle que guide l’instinct aninal.
J’étais redescendue, sortie du nuage, j’avais retrouvé la civilisation, une température décente, mon corps s’était progressivement réchauffé mais je n’oublierai pas le temps passé sous la douche brûlante pour récupérer pleinement des sensations dans la totalité de mes orteils. C’est à tout cela que je pense en ce glorieux samedi d’avril où je me tiens, à nouveau, sur les Campsie Fells. C’est à tout cela que je pense alors que je parcours à nouveau ce chemin, cette fois-ci sans faire demi-tour, en m’enfonçant à nouveau dans des tourbières – voire parfois dans des mares, mais en sachant, aujourd'hui, que je ne risque ni l’hypothermie, ni de me perdre au milieu du brouillard.
Aujourd’hui, le silence n’est rien d’autre qu’un plaisir éphémère, aujourd’hui, je savoure le silence.