Katmandou au pied levé
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Katmandou au pied levé
novembre 2017
Il y a comme des appels parfois dans la vie. Des coïncidences troublantes, des lumières qui nous guident dans le brouillard dans lequel on se retrouve parfois. J’en avais déjà fait l’expérience en Inde, je retrouve ces signes si parlants au Népal. Alors que je traverse une nouvelle passe difficile de ma vie, venant de me séparer, ne sachant plus où j’habite, n’ayant aucun lieu d’ancrage, je vis depuis quelques semaines isolément dans un petit studio qu’on me met à disposition pour le travail, dans un cabinet en pleine campagne au sud de la Haute-Garonne...Et tout mon corps me fait comprendre que je ne suis vraiment pas à ma place...
L’appel d'Alex est providentiel. Ami et ancien coloc, fan de rando en cours de tour du monde pour lequel il a pris un an de disponibilité, il me téléphone pour me proposer de venir le rejoindre au Népal. C’est un signe, ou à minima une porte de sortie du marasme dans lequel je suis ! Je me libère de mes engagements professionnels, trouvant une remplaçante pour assumer le travail que je ne suis de toute façons plus en état d'assurer, et je m’envole pour Katmandou, sans trop savoir ce que je pars y trouver.
Cela ne veut pas dire que j’arrive libéré et serein au Népal, loin de là ! J'ai toujours dit que voyager ne permet pas d'échapper à ses difficultés du moment, que l'on transporte toujours ses problèmes, même à l'autre bout du monde, et qu'il ne sert donc à rien de fuir. Mais avec cette clôture de cabinet et ce voyage, j'initie la démarche de me remettre pas à pas sur un chemin qui correspond un peu plus au mien. La montagne a toujours été pour moi un espace d’ouverture et de liberté, me permettant, malgré la production obsessionnelle de mon mental, de ne pas stagner et continuer à avancer. Alors allons nous aérer la tête !
Je retrouve Alex à Pokhara, au pied du massif des Annapurna. Nous parcourons cette ville adossée à un lac, prenons le temps de déguster le petit déjeuner au soleil matinal en terrasse d’un café, visitons les temples et les stupas bouddhistes. Nous nous inscrivons quelques jours également à un atelier d'initiation mélant Yoga et Méditation, truc un peu pour touristes occidentaux en quête de découvrir, dans un cadre sécure, ces pratiques orientalistes mystérieuses et intriguantes à la fois... Mais je me laisse porter et c'est très bien pour commencer de me reconnecter à ces bases de pratiques corporelles afin de lutter contre l'evanescence nébuleuse du mental.
Nous prenons surtout ces quelques premiers jours à Pokhora pour préparer notre future excursion. La saison est avancée, l’hiver arrive, et il n’est plus temps de rejoindre les différents Base Camp pour partir à l’assaut des sommets. Mais de belles randonnées restent encore accessibles pour pouvoir s’élever et admirer de superbes panoramas. Nous préparons l’itinéraire, nos sacs à dos et débutons notre montée.
L’ascension est laborieuse, un véritable chemin de croix. Je n’ai pas souvenir d’une randonnée où on enchaine, des heures durant, des marches qui se succèdent par centaines et même par milliers. C’est un véritable travail méditatif, nécessitant patience et concentration, chacun des pas ressemblant au précédent. Nous devons juguler notre effort et notre souffle pour progresser à notre rythme sans jamais se démotiver. Par moments, nous croisons un village et cela nous donne l’occasion de nous arrêter. Puis nous reprenons le cours de notre montée. C’est surtout pour moi l’occasion de focaliser mon attention sur autre chose que mes ruminations.
Nous atteignons un village où nous trouvons une guesthouse afin d’y passer la nuit. Là, nous sympathisons durant la soirée avec un couple de français. Nous venons à discuter de méditation, et l’homme nous narre son expérience récente extrêmement enrichissante de Vipassana, une retraite méditative en silence de dix jours dont j’ai souvent entendu parler. Cela sonne comme une révélation pour moi. C’est exactement ce dont j’ai besoin. Je me suis toujours dit que je ferai un jour cette expérience, et là, aujourd’hui, ça me paraît être précisément le bon moment.
Le soir même, je prospecte sur internet. Il y a plusieurs stages proposés ici au Népal, mais la plupart commencent dès le lendemain. Un seul commence trois jours plus tard, à Lumbini, le lieu de naissance de Siddhârta Gautama, celui qui deviendra le futur Bouddha. Je vis comme une sorte de rappel de mon parcours initiatique indien, ou peut-être en est-ce son prolongement. Je contacte dès le lendemain les organisateurs qui sont d’accord pour me réserver une place. Je dois seulement arriver avant dix-sept heures sur place pour débuter la retraite, car après les portes seront closes. Le temps est compté.
Une journée pour redescendre de la montagne. Je prends ensuite un bus qui part aux aurores pour huit heures de trajet. Il me reste alors une heure de marche pour rejoindre le lieu de la retraite. Tout s’enchaîne à la perfection, sans aucune accroche ni imprévu. J’arrive peu de temps avant la fermeture des portes. Le temps de remplir les formulaires et une lettre d’engagement à respecter les règles de vie édictées, et la cession de dix jours peut commencer.