Cracovie : deux quartiers, deux ambiances
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Cracovie : deux quartiers, deux ambiances
Le centre historique d'un côté, le quartier juif Kazimierz de l'autre : deux salles, deux ambiances à Cracovie
Le premier, complètement rénové, ressemble à un petit Disney touristique. Bondé de calèches, le centre historique vante la qualité de la culture polonaise et de ses universités, qui n'auraient rien à envier à l'Europe occidentale. La religion catholique est omniprésente, on croise des églises à tous les coins de rue et l'image de Jean Paul II est déclinée à l'infini dans les étales : magnets, sacs, t-shirts, nappes en dentelle, un peu à la manière de Johnny sur nos marchés français... Ce cœur historique est propre et éclatant. Il ne faut pas y montrer les blessures passées du pays mais au contraire revendiquer sa grandeur, sa capacité à revivre. Bien que n'étant pas d'origine, les couleurs des bâtiments, la qualité des rues et la splendeur redonnée aux églises ne peuvent que plaire aux touristes : "Ah en fait c'est joli la Pologne !".
©Guillemette Lano - Centre historique de Cracovie, août 2019.
©Guillemette Lano - Centre historique de Cracovie, août 2019.
Mais il suffit de s'éloigner de quelques centaines de mètres pour tomber sur une autre facette de la ville : Kazimierz. Cet ancien quartier juif créé au XIVe siècle par le roi Casimir IIII est tout à fait différent du centre historique. Les riches églises refaites à neuf sont remplacées ici par d'anciennes synagogues à l'abandon. A l'entrée de l'une d'entre elle, une très vieille femme vêtue de noir nous demande une maudique somme pour passer la porte, et vu l'état du lieu c'est avec plaisir que nous payons l'entrée. Utilisée comme étable par les nazis (quel cynisme), elle a su conserver quelques témoignages de sa beauté d'antan. Mais les couleurs, le sol, le bois, sont complètement délabrés : quel contraste avec le quartier rutilant que nous venons de quitter !
©Guillemette Lano - Kazimierz, quartier de Cracovie, août 2019.
©Guillemette Lano - Kazimierz, quartier de Cracovie, août 2019.
Le quartier en lui-même respire la vie malgré son état de délabrement, rassemblant des bars colorés et des terrasses animées, c'est l'endroit parfait pour sortir aux côtés des locaux ! Le street art y est pour beaucoup. Les peintures urbaines siéent parfaitement aux vieux bâtiments de brique. L'herbe pousse entre les pavés des rues, nous croisons de nombreuses synagogues qui se débattent contre les plantes grimpantes et la ruine. Une minuscule plaque sur une place rappelle ce qui est arrivé à la population du quartier pendant l'occupation nazie (d'abord enfermée dans un ghetto, la population juive de Varsovie subit ensuite le même sort que tous les Juifs du pays). Mais ce rappel est bien discret par rapport à ceux d'un autre grand quartier de l'autre côté de la ville, très prisé des touristes, qui rassemble oeuvres et musées témoignant de ce douloureux passé. A Kazimierz, aucun groupe de touriste, pas de calèche, pas d'université, pas d'image de Jean Paul II, pas de musée : on se croirait dans une autre ville, mais celle-ci nous plaît mieux. Paradoxalement, ce quartier au bord de la ruine, dont les habitants d'origine ont été exterminés dans la barbarie la plus totale, semble plus vivant que le cœur historique touristique riche et aseptisé.
Deux quartiers, deux styles de "street art"
©Guillemette Lano - Centre historique de Cracovie, août 2019.
©Guillemette Lano - Quartier de Kazimierz à Cracovie, août 2019.
Masse touristique
©Guillemette Lano - Centre historique de Cracovie, août 2019.
ou poids historique....
©Guillemette Lano - Quartier de Kazimierz à Cracovie, août 2019.
Mais comment expliquer cette différence ? On peut lire beaucoup de textes témoignant d'un antisémitisme historique en Pologne (par ex Jean-Yves Potel, L'Imagnaire antisémite chrétien en Pologne, 2016), et les lois récemment votées par le PiS (Parti Conservateur au pouvoir depuis 2015) reniant toute responsabilité polonaise dans la Shoah* nous apportent peut-être un début de réponse. Pas de responsabilité historique donc pas de devoir de mémoire ? D'un point de vue politique, il est tout de même surprenant d'assumer un contraste si criant, en défaveur du quartier et de la religion dont la population a été exterminée il y a moins d'un siècle… Malgré tout, ma curiosité et mon goût pour l'histoire sont reconnaissants aux décideurs qui ont négligé Kazimierz, ce quartier nous offrant une vision bien plus authentique de la ville et de son passé.
* «Cette loi rend passible de peines allant jusqu’à trois ans de prison le fait de dire ou de laisser entendre que la Pologne porte une part de responsabilité dans les crimes contre l’humanité commis par l’Allemagne nazie. L’un des objectifs de ce texte, porté par le parti Droit et Justice (PiS), est d’empêcher l’usage de l’expression « camp de la mort polonais », un raccourci qui exaspère le pays.» Pierre Bouvier, article publié dans Le Monde le 1er février 2018.