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LILY ET FRIDA ❤️ EPISODE 2

LILY ET FRIDA ❤️ EPISODE 2

Publicado el 2, jul, 2025 Actualizado 2, jul, 2025 Tale
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LILY ET FRIDA ❤️ EPISODE 2

Le violoncelle grinça et la balade s’acheva. Mais Arielle rit.

— Et si mes cheveux n’arrêtent pas de tomber, tu vas quand

même encore me photographier ?

— Plus que jamais. Je déteste la banalité.

Le père d’Élisabeth travaillait aussi à la Maison de la radio. Il

était chargé de l’accueil du public ou des invités sur certaines

émissions. Il aimait acheter sur Ebay de vieux appareils photo, les

démonter, les réparer, les remonter. Il aimait photographier à

l’ancienne, c’est­à­dire avec un appareil photo et pas avec son

téléphone.

Peut­être qu’un jour, sur le papier glacé, se produirait la

restitution de la réalité. Élisabeth apparaîtrait plus vraie sur la

photographie qu’en son miroir, avec un cuir tout à fait chevelu.

Les parents se voulaient rassurants. Il n’y avait pas de drame,

pas de mort imminente, pas même de laideur dans le fait de se

déplumer un peu. Ils riaient. Et ils travaillaient beaucoup.

Arielle chantait des berceuses pop pour grande fille de dix ans

dont les cheveux s’envolaient comme les partitions d’un pupitre.

Alain retenait dans une boîte noire l’enfance d’Élisabeth. Le clic du

déclencheur était un son familier, apaisant, le saisissement d’un

vœu de bonheur. La vie se montrait souvent délicieuse et parfois

mélancolique.

Mais voyaient­ils tout de leur fille ? Que voyaient­ils d’elle,

exactement, les parents ? La maison ronde était leur deuxième

maison. Le soir, dans l’appartement familial, il arrivait même qu’on

chasse les contingences déprimantes pour écouter un blues, triste

et beau, celui du sud des États­Unis, bien plus élevé que les vagues

à l’âme du quotidien. Ils disaient « même le spleen peut être

sublime ».

— Ils répètent ça, que je suis toujours belle, pour me faire

plaisir, dit l’enfant à son amie, Angélina.

— Mais non !

Tout se passait plutôt bien, même si Élisabeth avait une très

grande envie de ressembler aux autres enfants, ce qui se résumait

‐ 7 ‐à avoir la même densité capillaire. Et puis elle avait appris l’expression

« cela ne tient qu’à un cheveu », et lorsqu’elle était envahie par

l’idée d’être tellement moins jolie que les autres filles à crinière

régulière, elle se répétait « ça ne tient qu’à un cheveu », jusqu’au

sourire, et un peu comme on gratte une plaie, jusqu’au sang.

Le lendemain, après ces deux semaines de vacances, une

nouvelle élève rejoignit la classe. Tout en secouant ses cheveux

noirs, elle regarda Élisabeth et lui lança :

— Manquerait plus que t’aies un cheveu sur la langue !

Mais Angélina, surgie d’une ombre de la cour, se rua sur

l’ennemie comme si elle allait la mettre à terre. Des mots furent

portés à sa tête, lourds comme des poings. Angélina tenait à

prévenir cette fille que si elle touchait à un cheveu de son amie,

elle lui couperait ses longues mèches brunes à la con. Elle avait bien

dit cela. Exactement. « Si tu touches à un cheveu de ma copine… »

La nouvelle, grâce à Angélina, retroussa chemin, en larmes,

avec l’intention chuintante de se plaindre auprès de la maîtresse.

Élisabeth trouva dans la peine infligée à l’ennemie une

vengeance satisfaisante. Mais elle avait quand même envie de

pleurer. Son crâne lisse par endroits, ses mèches folles autour des

ronds de peau nue, devaient donc être défendus comme une

laideur respectable. Le droit d’être moins belle que les autres,

raclait la gorge d’Élisabeth de larmes. Elle voulait que la nature fût

douce, qu’elle se montrât juste, que la nature rentrât dans l’ordre,

que la nature la laissât normale, comme on laisse les gens

tranquilles. Cet après­midi­là, elle se répéta : « Ça ne tient qu’à un

cheveu, ça ne tient qu’à un cheveu, ça ne tient qu’à un cheveu. »

— La prochaine fois, dis­lui qu’elle est un peu tirée par les

cheveux, sa blague.

— Vous n’êtes pas marrants !

Et puis il y eut cette fin d’après­midi presque en été, avec toute

sa pluie. De retour chez elle, Élisabeth découvrit la tache de sang

bruni. Elle se tut. Pourtant elle savait bien. Enfin, en théorie, elle

‐ 8 ‐savait. Un jour, cela se produirait et il ne faudrait pas s’affoler.

C’était la vie des filles faite comme ça, réglée comme du papier à

musique, avait dit sa mère. Tous les mois, du sang. Elle s’attendait

à une autre teinte de rouge. Plus écarlate. Plus belle. Plus

cinématographique. La flaque d’un rouge éclatant qui s’étalait

comme une auréole autour de la chevelure de la victime allongée

sur l’asphalte, dans ces séries à la télé qu’elle regardait un peu,

quand ses parents n’avaient pas le courage de lui dire non, quand

ils hésitaient, ce qui était fréquent. Très pris par leur métier, la

passion de leur travail, ils n’avaient pas assez de temps à passer

avec leur fille pour s’opposer à elle.

Un sang de cinéma, au coulis de framboise et au beurre

d’arachide qui coule comme du sirop onctueux. Ce rouge plus

visqueux que satiné, un peu terreux, ne lui plaisait pas. Sa mère

lui avait dit que ça commencerait au collège. Elle était la seule,

c’était sûr, dans ce cas­là à l’école des Bauches. Pourvu qu’elle n’ait

pas taché sa chaise de classe, pourvu que personne n’ait rien

remarqué. Elle n’avait rien remarqué… rien vu venir de cette

éclosion comme un changement de sexe. Enfin… elle aurait dû s’en

douter à cause de sa poitrine où avaient surgi des seins.

En avance d’un problème, en retard d’une enfance. Pas comme

les autres. Pas assez petite fille. Il ne lui manquait plus que ça…

Comme si l’éparpillement des cheveux, ça ne suffisait pas !

— Regarde­moi ça, j’ai même des nibards !

— Oh, je déteste ces mots, Élisabeth…

— Trop de nichons et pas assez de cheveux !

— Tu verras, c’est bien de grandir… c’est bien d’être une femme.

— Et gnagnagna et gnagnagni ! Une fille avec ses règles et

bientôt chauve, génial !

— Tu exagères, arrête !

Pourtant Élisabeth fonça dans les bras de sa mère. Il n’était pas

question de grandir, de devenir, d’être une femme. Mais de tomber

comme une mèche. Élisabeth avait les yeux bleus traversés de

filaments violets comme Élisabeth Taylor, à qui elle devait son

prénom, selon une légende familiale.

‐ 9 ‐— J’ai lu, sur internet, qu’elle avait une double rangée de cils,

dit Élisabeth, collée à sa mère.

— C’était ça le secret de son regard profond ? s’émerveilla

Arielle.

— Tu parles d’une connerie ! Comme le reste, les règles, les

seins, les cheveux. C’est une maladie, ça pousse n’importe

comment. Si ça se trouve, ça la gênait carrément. Elle était si

féminine, si belle ! Oh ouais, mon cul !

— Mon ptit lapin, arrête d’être grossière.

— Je suis grossière, je suis moche et j’en ai rien à foutre de ta

féminité à la con ! Ça ne tient qu’à un cheveu, ça ne tient qu’à un

cheveu. S’il vous plaît, faites que ça ne tienne qu’à un cheveu.

Et Élisabeth éclata en sanglots, étouffant ses larmes dans la

chaleur embrassée de sa mère, afin d’y endormir la douleur de son

ventre. Il n’y avait pas de quoi bomber le torse et acheter des

stilettos pour diriger le monde, se sentir sublime comme Beyoncé,

l’une des héroïnes d’Arielle et célébrer le fait d’être une femme.

Mille doigts de pluie tapaient aux fenêtres et, là­bas, après

l’allée des Cygnes, la tour Eiffel tremblotait.

— Appelle le dieu de la pluie en lui jouant un air, s’il te plaît.

Qu’il pleuve tous les jours à Paris ! Je me camouflerai dans une

capuche toute ma vie !

— Enfin, Élisabeth ombrophile, vous n’êtes pas née de la

dernière pluie !

— C’est quoi ça encore, une autre maladie, un truc de filles ?

— Certains êtres vivants, dits « ombrophiles », se développent

grâce à un climat pluvieux. Tu n’es pas une plante tropicale…

— Ni même une belle plante…

Arielle passa le bout de ses doigts sur le front de sa fille.

— Oh, tu connais aussi cette vieille expression débile !

— Maman !

— Mon petit lapin en colère, je ne voudrais pas que tu te

nourrisses de larmes. Je préfère que tu plisses les yeux pour défier

le soleil.

Arielle sourit toutes dents dehors.

‐ 10 ‐Ensuite, il y eut les vacances, le repli, les jours heureux avec

Angélina rien que pour elle, presque à l’abri du monde, les parents

avec qui elle pouvait rester un peu plus longtemps le soir, les jours

de congé enfin, le séjour à la mer, l’eau et le soleil couchant, le

violoncelle chantant, Ariana Grande et Nicki Minaj…

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