

4.La volière d'un savant
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4.La volière d'un savant
Le jour où les oiseaux se sont tus
Chapitre 4: La volière d'un savant
Depuis ce jour, Crow avait disparu. La fillette eut beau le chercher partout, il s'était comme volatilisé. Le soir même, le quadragénaire avait raccompagné la petite fille jusque devant la taverne de sa mère et lui avait tristement ébouriffé les cheveux avant de partir sans un mot. Il n'avait pas eu la force d'affronter le regard de l'enfant après tout ce qu'il lui avait révélé et il avait préféré fuir, comme il le faisait toujours, lui qui n'était en réalité qu'un lâche.
Les premiers jours il avait eu du mal à éviter la petite fille qui le connaissait mieux que quiconque et il dut plusieurs fois lutter contre son envie d'aller la serrer dans ses bras pour la consoler quand elle l'appelait de sa voix plaintive et pleine de sanglots. À chaque fois qu'il la voyait le chercher, il sentait son cœur se déchirer, mais le poids de sa culpabilité était plus fort et il avait peur d'affronter son regard. Pourtant, il avait fini par s'attacher à ce petit brin de fillette qui avait illuminé ses journées et il n'arrivait pas à se résoudre à l'abandonner.
Alors, il avait fait ce qu'il avait toujours fait, il s'était terré et avait juré de ne plus jamais sortir le bout de son nez. Il connaissait depuis plusieurs années déjà un endroit désert de la ville qui semblait abandonné et que personne n'osait arpenter. C'était lieu vieillot où les lampadaires ne s'allumaient plus et où les façades délabrées des bâtiments laissaient à désirer. Là-bas il avait trouvé une vielle bâtisse assez rustique dont l'unique entrée presque inaccessible s'ouvrait sur une sorte de petit carré avec un énorme trou dans le toit, une sorte de cour à ciel ouvert. Il en avait fait son jardin secret et avait aménagé au fil des années ce petit coin connu de lui seul en une sorte de refuge improvisé où il terrait tous ses mystères et son passé.
C'était là-bas que Crow avait décidé de se cacher et il était sûr que personne ne viendrait le déranger dans sa solitude. Pourtant, s'il y avait bien une chose qu'il ne pouvait prévoir, c'était que les merles étaient des animaux fort curieux qui ne reculaient devant rien pour parvenir à leurs fins.
Un matin, tandis que le quadragénaire était occupé à colmater la fissure d'un mur de sa cour, il entendit comme un léger grattement à l'extérieur. Comme la bâtisse était plutôt vielle et qu'elle avait souffert des intempéries, il n'y fit pas attention et quand il eut terminé sa tâche, il voulut prendre du recul pour contempler son œuvre. Mais à peine eut-il fait un pas qu'il se heurta à quelque chose qui lui arrivait à la taille et, faisant volte face, Ulrich se retrouva nez à nez avec Merle qui, les poings sur les hanches et les sourcils froncés, le fixait de son regard réprobateur.
- Je t'ai enfin trouvé espèce de vieux corbeau.
Étonné, l'intéressé chercha des yeux l'endroit par lequel la fillette avait bien pu se faufiler, mais il ne trouva nulle trace d'une quelconque intrusion. C'était comme si elle était tout simplement tombée du ciel.
- Où étais-tu passé ? enchaîna la petite fille qui faisait peser sur lui des yeux lourds de reproches. Pourquoi tu avais disparu ? Tu voulais m'abandonner c'est ça ? Toi aussi...
Les yeux de Merle s'embuèrent de larmes et le quadragénaire sentit son cœur se serrer douloureusement.
- Je... balbutia-t-il.
- Tu n'es pas gentil. pleurnichait la fillette. Tu sais très bien que je suis toute seule et que je n'ai personne avec qui jouer... Ma maman est trop occupée avec la taverne pour s'intéresser à moi et tout le monde dit que mon la papa est parti chercher du lait même si je ne sais même pas ce que ça veut dire. Les autres enfants se moquent tout le temps de moi et je n'ai que toi. Pourtant toi, tu as voulu m'abandonner, tu n'es qu'un lâche. Je, je te déteste !!
Puis, séchant rageusement ses larmes du revers de sa manche, elle lui tira la langue et lui tourna le dos avant de s'élancer vers l'ouverture par laquelle elle était rentrée.
- Petite attends !! cria Crow qui s'était avancé pour tenter de la rattraper. S'il te plaît, ne parts pas.
À son plus grand étonnement, la fillette s'arrêta net dans son élan mais demeura le dos tourné.
- Oui tu as raison. Je ne suis qu'un lâche, un vieux lâche qui est incapable d'affronter sa propre culpabilité. Je ne sais que fuir, toute ma vie je l'ai fait et j'ai peur de mon passé qui me hante et me ronge depuis si longtemps. Mais s'il te plaît, pardonne moi. Je ne voulais pas te blesser et je ne me rendais pas compte de la cruauté de mon acte. Je te demande pardon Merle, pour la tristesse que j'ai infligé à ton petit cœur et pour cette faiblesse dont je n'arrive pas à me défaire.
La voix de Crow se brisa et il poursuivit dans un murmure presque inaudible.
- Moi aussi je n'ai que toi et je crois que mon cœur mourrait pour de bon si toi aussi tu me tournais le dos.
Les yeux baissés, Ulrich fixait tristement ses pieds, incapable de relever la tête pour affronter le regard de la fillette. Mais après de longs instants de silence qui lui parurent une éternité, Merle s'approcha lentement de lui et plongea ses yeux vifs dans les siens fuyants avant de commencer à parler.
- C'est d'accord le vieux. dit-elle en esquissant un sourire. Je te pardonne... Mais ne va pas t'imaginer que tout sera comme avant, n'oublie pas que je te déteste toujours.
Puis, avant que Crow n'ait pu ouvrir la bouche pour balbutier une réponse, la fillette tournait les talons et embrassait l'intérieur de cette vielle bâtisse de son regard pétillant de curiosité.
- C'est petit chez toi, dit-elle anodinement comme si rien ne s'était passé, et en plus il y a plein de bazar... Oh ! c'est quoi ça ?
Aussi vive qu'une grive, la petite s'était élancée vers le fond de la cour où étaient entassés des vieux pots en terre cuite tout abîmés. Ulrich qui ne s'était pas encore tout à fait remis de ses émotions eut juste le temps de rattraper un petit vase ébréché qu'elle venait de faire basculer avant qu'il ne se brise avec fracas.
- Fais attention ! J'ai dû remuer ciel et terre pour les trouver et j'ai mis du temps à les faire germer !
- Excuse-moi... Mais du coup c'est quoi ? On dirait des papillons !
- Ce ne sont pas des papillons, mais des fleurs petite. dit-il amusé.
Fascinée, la fillette contemplait cette frêle tige couronnée de pétales rosâtres aussi délicats que de la soie. Elle n'avait jamais vu une telle merveille et cette relique de l'ancien monde la laissait présager de sa beauté. Les yeux pétillants de joie, Merle observa autour d'elle et se rendit compte que les autres pots étaient eux aussi remplis de végétaux, tous plus incroyables les uns que les autres.
- Tu m'avais pourtant dit que tout avait été anéanti, murmurait-elle subjuguée, comment ça se fait que tu en aies ?
- Cela fait des décennie que j'arpente la ville à la recherche d'anciens vestiges et je les entasse tous ici. J'essaie de faire revivre le vieux monde par acquit de conscience, mais je sais que c'est impossible.
- C'est merveilleux ! Pourquoi tu n'en fais pas pousser plus ?
- La terre est devenue stérile petite, et c'est déjà un miracle que j'ai réussi à les faire pousser. Vois tu, ces plantes ne sont que l'ombre de ce qu'elles étaient, elles ont été abîmées par la pollution et des siècles de modifications. Cette fleur que tu vois là n'est qu'un fantôme à côté de ses ancêtres, ses couleurs sont délavées et elle a perdu ce parfum qui faisait tout son charme.
Attristée, Merle se tourna vers le reste de la cour à la recherche d'une nouvelle trouvaille quand son regard fut attiré par un vieux coffre auprès duquel elle fut en quelques bonds. En voyant l'intérêt croissant qu'elle lui portait Crow soudainement mal alaise voulut l'empêcher de l'ouvrir mais la petite fille, trop rapide avait déjà soulevé le couvercle qui n'était pas fermé à clé.
- Pourquoi tu gardes cette vielle robe blanche toute sale avec toi ?
- Ce n'est pas une robe, dit l'homme de plus en plus sombre, c'est une blouse. Un vêtement que portent les scientifiques dans leur laboratoire.
Émerveillée, Merle étudia le vieil habit tout rapiécé où elle remarqua des broderies en dessous d'un logo représentant ce qui devait être un oiseau, d'après ce que lui avait raconté son ami.
- Qu'est ce qui y est écrit ?
- Il y a écrit, débuta-t-il gravement après avoir longuement hésité, 'professeur Ulrich-Emanuel Ndeke'.
- C'était à toi ?! s'exclama-t-elle. Tu, tu étais scientifique ?!
- Oui je l'étais, mais maintenant c'est fini. J'ai tourné la page, je ne suis plus qu'un vieux fou sans histoire qui erre dans une ville sans visage.
Lui arrachant assez rudement la blouse des mains, Crow la remit dans le coffre qu'il ferma à double tours avant de fourrer la clef dans sa poche. Sonnée, Merle le regarda faire et demeura silencieuse durant de longs instants. Puis, s'éloignant de ce meuble aux souvenirs visiblement douloureux pour lui, elle se dirigea vers un coin de la cour où elle avait remarqué du coin de l'œil une sorte de papier coloré tout froissé qui semblait avoir été rageusement jeté là il y avait de cela plusieurs années. Le dépliant avec précaution, elle découvrit une petite affiche bariolée qui semblait représenter un animal ailé.
- C'est quoi ?
- C'est le prospectus de l'exposition du dernier oiseau vivant au monde, dit-il les traits de plus en plus sombres.
- Un oiseau ? Vivant ?! Celui dont tu m'avais parlé ?! On peut y aller dis ! S'il te plaît...
Ulrich croisant sévèrement les bras, était sur le point de refuser catégoriquement quand les yeux suppliants de la fillette firent vaciller sa détermination. Dodelinant la tête, il finit par soupirer douloureusement et accepta à contre cœur.
- Ouuui ! Merci Ulrich ! Tu es le meilleur !!
- Je croyais que tu me détestais. fit malicieusement remarquer le quadragénaire en esquissant un sourire.
Faisant la moue, Merle croisa les bras et releva dédaigneusement le menton.
- Oui, tu as raison, mais pour aller voir le dernier oiseau, je veux bien faire une trêve.

