Longtemps avant ce jour, je redoutais que Jean ne puise plus assumer la charge de s'occuper de Marie. Et puis, avec la première vague de Covid, Jean tomba malade et je me retrouvais à devoir gérer Marie. 

Elle n'était que ma belle soeur, mais avec la différence d'âge que j'ai avec ma mari, je la considérais plus comme une amie, voire certains jours comme une maman. Elle me conseillait, me faisait profiter de son expérience, elle qui avait été responsable d'achats dans une entreprise industrielle. Elle avait un jugement très sûr et avec elle, je pouvais abordé tous les sujets. 

Elle était joyeuse, toujours d'humeur égale. Petite, brune, bien en chair, elle inspirait confiance avec son sourire espiègle et ses yaux malicieux. je l'aimais beaucoup. A part son frère et sa soeur, elle n'avait plus personne. Les amis étaient soit morts, soit ils s'étaient éloignés du faît de l'âge. Restait le noyau des 3 frères et soeurs, solide comme du roc. Moi, je m'étais greffée sur ce noyau et j'étais bien sûre solidaire de tous leurs épreuvres. Jean avait été son amoureux, mais il était épuisé et il souhaitait pouvoir se reposer sans Marie.

Ce jour-là, donc, je trouvais Jean au fond de son lit incapable de se lever et avec les enfants de celui-ci, nous sommes partis voir leur médecin traitant. Ne se dépaçant plus, il devait juger de la situation de son cabinet. Il nous a conseillé de faire hospitaliser Marie et Jean et d'appeler le 15. Nous, nous aurions bien aimé qu'il vienne les voir et qu'il gère les malades pour qu'ils puisent rester à domicile. Il n'en a rien été. Nous nous sentions responsables d'eux et en même temps un peu dépassés, car nous savions que si nous faisions hospitaliser Marie, elle n'allait pas être bien. En effet,  Marie a la maladie d'Alzheimer. Il a fallu appeler le 15, qui nous a envoyé une ambulance pour Jean. Mais malheureusement, il a fallu traîner Marie pour qu'elle sorte de l'appartement et qu'elle accepte d'être hospitalisée. Après le court parcours de l'appartement à l'hôpital, elle est restée tranquille et lorsqu'elle est sortie, elle a commencé à être agitée. Puis elle est rentrée aux urgences et je ne l'ai pas revu pendant une semaine et demie.

Ce fût une journée affreuse. Moi, je culpabilisais de devoir la traîner dehors, mais d'autre côté, elle ne pouvais pas rester seule dans l'appartement. Son compagnon ne voulait pas d'aides. Elle aurait été très isolée. Je culpabilisait aussi de l'avoir fait  hospitaliser, mais il n'y avait pas d'autre solution et je culpabilisais de ne l'avoir pas pris à la maison. Mais ce n'était pas possible. Je vous l'expliquerais dans un autre épisode .

Sophie Laroche

Photo personnelle