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Fiction
Chicago

Chicago

Publicado el 13, jul, 2021 Actualizado 18, jul, 2021 Viajes
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Chicago

Je traversais Chicago en pleurant. J’étais à Chicago, j’avais 28 ans, une bourse pour écrire ma thèse, une place réservée pour un an dans un carrel trop climatisé dans l’une des bibliothèques les plus prestigieuses au monde, une chambre confortable dans une maison bourrée d’art du monde entier, et je traversais Chicago en pleurant.

Je prenais le bus puis le métro, chaque matin. Je pointais dans mon carrel. J’ouvrais mes fichiers word, mes livres. Rien n’allait. Ma déprime était profonde, probablement l’esquisse d’une dépression. Persuadée que je devais aller bien, j’essayais de me convaincre de travailler, d’avancer. Ma logeuse, aimable, mais perturbée par l’opération de la hanche de son conjoint, immobilisé pendant plusieurs semaines, ne m’était d’aucun secours. Aucune raison n’expliquait mon état, si ce n’est l’absence totale de sens que ma thèse de doctorat, jadis primordiale, avait fini par revêtir. Une immense fatigue m’écrasait en permanence et je perdais progressivement de vue les raisons qui m’avaient poussée à entreprendre ce projet de recherche.

 

J’avais rêvé de revenir à Chicago. Un an et demi plus tôt, à Pâques 2012, j’y avais séjourné avec une amie pendant trois ou quatre jours très intenses, très lumineux. Nous y avions fait les traditionnelles visites touristiques, tour en bateau sur la Chicago River, soirée dans un bar de blues ; le temps était radieux, les arbres du Millenium park fleurissaient. Nous avions mangé un repas gargantuesque, énorme escalope de poulet à la crème, quantité délirante de purée, tarte aux pommes et glace vanille, nous étions refaites. Notre hôtel était parfait, confortable, bien situé, luxueux.

Chicago était resté comme cette ville d’une escapade de printemps, d’un moment béni, heureux, intense.

 

Un an et demi plus tard, j’étais revenue à Chicago et je pleurai. Je pleurai en descendant State Street et Michigan Avenue. Je pleurai à la bibliothèque dans mon carrel. Je pleurai en partant en week-end au bord du lac Michigan, dans le parc des dunes de sable. Je pleurai sur la terrasse de la maison de ma logeuse. Je pleurai pendant les cours de yoga. Je pleurai de tristesse, de fatigue, de frustration, de solitude. J’avais 28 ans et ma vie me semblait une tragédie sans fin. Pendant un mois, je ne parlai quasiment à personne. Je tentais de lier avec les quelques personnes à qui l’on me présentait, jeunes femmes travaillant à la bibliothèque, autres chercheurs heureux bénéficiaires de bourses comme moi. Mon état profondément déprimé m’entourait sans doute comme un halo de matière sombre, et toute personne saine d’esprit n’avait pas très envie de passer plus de temps que nécessaire avec moi.

Jusqu’au jour où G entra dans ma vie. G sortait tout droit d’un film de niveau assez médiocre : tatouée dans le cou et sur la pommette du sigle du dollar, de façon assez peu subtile, elle faisait « ce qu’une femme doit faire ». G n’aimait pas les Noirs, mais le père de ses enfants était noir. G venait de Porto-Rico. Elle exerçait le plus vieux métier du monde, et comme toute Américaine, c’est elle qui se mit à me parler comme si nous nous connaissions depuis l’école maternelle.

Je vis G pour la première fois au comptoir d’un pub où je buvais une bière à la citrouille. J’éprouvais pour elle une fascination curieuse. Ses tatouages, sa franchise, son manque total de pudeur quant à sa vie : tout en elle clamait que nous étions deux opposées. Ce fut elle qui sembla s’enticher de moi et qui insista pour que nous nous revoyions. J’étais alors arrivée à un état de tristesse et de mal-être si profond que je pensais rentrer à Paris et tout abandonner, quitte à rembourser le reliquat (important) de la bourse qui m’avait été attribuée. Sa rudesse et son absence de faux-semblant, curieusement, plus que toute l’amabilité et la gentillesse d’autres personnes, me remontèrent le moral. Le soir où nous nous rencontrâmes, je rentrai moins déprimée que je ne l’avais été depuis plus d’un mois.

Je ne revis pas G rapidement. Je continuai ma routine de déprime, ponctuée de tentatives diverses de sortir de cet état de noirceur contre lequel je luttais. Je partis quelques jours sur la côte Est, revoir des connaissances des mois passés à Yale l’année précédente. Revoir Yale et Boston me remplit de joie, je rentrais à Chicago remontée, pleine de motivation. Rapidement pourtant, la déprime revint et le cycle infernal recommença.

C’est à ce moment-là que je revis G. Nous devions prendre le petit-déjeuner ensemble dans un café. Au moment où je sortais du L, à quelques centaines de mètres dudit café, je reçus un message, elle me demandait de la retrouver finalement une demi-heure plus tard quelques rues plus loin. Elle arriva, en retard, habillée comme si elle allait travailler, c’est-à-dire dévêtue, l’air pressée. Pouvais-je lui rendre un service ? Bien entendu. Pouvais-je aller dans tel magasin, acheter un paquet de chewing-gums et payer avec cette enveloppe sans demander la monnaie ? Bien entendu.

C’est ainsi que je passais, sans le savoir mais tout en le sachant, de doctorante en histoire à blanchisseuse de fonds.

Les choses se mirent en place très simplement. Nous prenions rendez-vous pour un café. Parfois G venait à l’heure et nous faisions réellement ce qui était prévu avant de « lui rendre un service ». Parfois elle était en retard et je me contentais de lui rendre son service. J’acceptais parce que savoir que je faisais quelque chose d’aussi profondément illégal, contraire à mes principes, contraire à tout ce qui m’avait été inculqué, était, en cette période de dépression, la seule chose qui me donnait quelque émotion. L’excitation et la peur se mêlaient pour former un cocktail détonnant, addictif.

Une ou deux fois, G ne vint pas du tout, me laissant vaguement inquiète. Elle finissait toujours par me dire qu’elle avait eu un contretemps, un problème de dernière minute. Ses enfants, jeunes, ne semblaient jamais un obstacle à sa vie compliquée, faite de passes dans des hôtels de luxe, de « voyages d’affaires » un peu partout entre Miami et les Bermudes, de soirées et de très nombreux verres.

Jamais G ne chercha à me recruter pour faire autre chose que pour « acheter des chewing-gums » ou autre menue course dans divers magasins. Régulièrement, elle me glissait un très gros billet pour que je paye notre repas, et c’était alors moi qui gardais la monnaie. Cela représentait des sommes importantes, mais rien d’ostentatoire.

Ma thèse devint secondaire. Ma dépression toujours latente était le prétexte idéal pour passer un temps important à lire un maximum de choses n’ayant rien à voir avec mes recherches, fréquenter quotidiennement le studio de yoga et dormir plus que nécessaire.

Àmes propres yeux, je ne faisais que saisir l’opportunité d’une échappatoire. J’évitais de trop réfléchir à cet arrangement spontané et lorsque mes pensées s’y attardaient plus de quelques secondes, l’excitation de me sentir à nouveau vivante était mille fois plus forte que lorsque je tentais de distinguer deux scribes du XIIIe siècle à l’écriture semblable dans l’un de mes manuscrits.

Je pointais à mon carrel de la bibliothèque cinq jours par semaine, comme de rigueur. J’avais déménagé pour une colocation plus proche du centre-ville, que je partageais avec deux autres chercheurs américains, plus âgés et bien plus studieux, une femme et un homme. L’un comme l’autre vivait pour ses recherches et nous cohabitions paisiblement parce que je leur laissais croire que c’était également mon cas.

La vie était chère à Chicago, et l’argent que me donnait G contre le service que je lui rendais me permettait de m’acheter systématiquement de la nourriture bio, un peu plus de livres et de payer un peu plus de cours de yoga que je n’aurais pu. Grâce à G, ma vie était plus confortable sans être luxueuse.

Un jour, l’un de mes colocataires proposa que nous sortions ensemble, lui, moi, son compagnon et un couple d’amis. Nous allâmes dans un bar assez chic du centre-ville, très sombre, avec un pianiste qui jouait toute la soirée et des cocktails sophistiqués et ultra chargés. Au moment où nous nous apprêtions à partir dîner, j’aperçus G qui arrivait avec l’un de ses clients. Nous ne nous saluâmes pas mais nous échangeâmes un bref regard de connivence.

Ce fut la dernière fois que je la vis. Quelques jours plus tard, je reçus l’un de ses habituels messages courts et efficaces, me donnant rendez-vous pour un petit-déjeuner dans l’un de nos cafés habituels assez proches de la bibliothèque. Elle ne vint pas. Cela arrivait rarement, mais cela arrivait. Elle ne répondit pas à mon message lui demandant si elle était simplement en retard.

A cette période, je commençais à sortir de mon trou noir de dépression, m’étant liée d’amitié avec John, le compagnon de mon colocataire, qui était la seule personne dont je me sentais relativement proche et avec qui j’avais des conversations sincères. Cette relation me sauvait car me permettait de confier enfin à quelqu’un ce que je vivais réellement. Je savais pouvoir compter sur sa discrétion à l’égard de Clive, que j’appréciais, mais pas au point de vouloir ébruiter parmi la petite communauté des chercheurs en histoire mon mal-être et mes doutes quant à mes recherches. J’avais également décidé de participer à une formation de professeurs de yoga, proposée par le studio où j’allais quasiment chaque jour. La formation avait lieu un week-end sur trois, du vendredi après-midi au dimanche soir, ce qui me garantissait un week-end entièrement rempli. J’avais à ce moment-là déjà suivi deux de ces week-ends et commencé à me lier d’amitié avec deux des jeunes femmes qui y participaient aussi. Néanmoins, comme souvent aux Etats-Unis, je commençais à le comprendre, les relations restaient pour l’instant superficielles. Nous déjeunions ensemble les samedis et dimanches de formation, nous étions allées boire un verre un soir, mais cela se limitait à ça. Au vu de l’inanité de mes autres relations sociales, c’était toutefois une énorme amélioration.

La bibliothèque était passée de surclimatisée à surchauffée sans transition. Je m’ennuyais toujours autant dans mes recherches mais passais maintenant une portion certaine de mon temps à étudier les textes classiques du yoga, à lire tout ce que je pouvais sur le sujet et à travailler pour ma formation.

J’oubliais donc G pendant quelques temps. Et puis un jour, consultant mon agenda, je pris conscience que je ne l’avais pas vue depuis plus de trois semaines, ce qui était largement inhabituel. Nous nous voyions en moyenne trois fois par mois, depuis septembre, et nous étions alors en décembre. L’hiver délirant qui s’abat chaque année sur Chicago avait commencé, m’obligeant à investir dans un manteau ainsi que dans des chaussures adaptées, le tout hors de prix.

Je gardais l’argent qu’elle me donnait dans une enveloppe ordinaire, dans un des classeurs où je rangeais des documents pour mes recherches. Cette enveloppe s’était garnie copieusement au cours de l’automne, mais les achats nécessaires à ma survie à l’hiver local ainsi que le paiement de ma formation de yoga l’avait ponctionnée assez sévèrement.

Je ne m’alarmai pas vraiment, au début. Mais après six semaines sans nouvelles, une fois Noël passé, je lui envoyai un message, de simples vœux de nouvelle année. Mon téléphone m’indiqua quelques jours après l’échec de distribution de ce message. Je m’inquiétais alors plus sérieusement, mais que pouvais-je faire ? Après tout, rien n’obligeait G à me tenir au courant de ses faits et gestes ni même à continuer à m’utiliser. Peut-être notre rencontre fortuite dans ce bar l’avait convaincue que je connaissais maintenant suffisamment de gens à Chicago pour que je sois devenue trop voyante pour le jeu dangereux auquel elle se livrait.

J’étais légèrement inquiète pour mes finances, même si je n’avais pas de grosse dépense prévue ; j’étais davantage inquiète pour G à qui je m’étais curieusement attachée.

Ma thèse avançait peu mais avançait, bon gré mal gré. Je m’immergeais dans le yoga. Je devins proche de l’une des jeunes femmes de la formation de yoga, Louise, avec qui je dînais au moins une fois par semaine après l’un des cours que nous suivions assidûment au studio.

Un soir, en quittant un bar où nous avions bu un verre, nous passâmes devant l’une des supérettes ouvertes 24h/24 où j’achetais de temps en temps des chewings-gum pour G. L’homme qui la tenait, un Portoricain comme elle, fumait une cigarette devant sa boutique. Il me vit, ne réagit pas, mais me suivit du regard. J’étais à peu près certaine qu’il m’avait reconnue.

J’oubliais le soir-même l’événement, tellement insignifiant qu’il n’avait même pas eu lieu.

Quelques jours plus tard, je reçus une enveloppe, vide. Mon nom et mon adresse étaient tapés à l’ordinateur. Aucune indication d’expéditeur ou de lieu d’expédition.

Un soir, Louise devint plus qu’une amie. Elle avait dîné chez moi, Clive étant chez John et Sandra, mon autre colocataire, sortie elle-aussi. Nous avions le salon pour nous seules, l’appartement pour nous seules. Ce fut elle qui m’embrassa, un peu hésitante, puis de moins en moins.

Elle passa la nuit avec moi, nous fîmes l’amour comme des collégiennes, cachées sous la couette, la moitié de la nuit. Louise était une amante surprenante et délicieuse. Le nuage de dépression qui tournait autour de moi depuis des mois s’effilocha une bonne fois pour toute cette nuit-là. Rapidement, Louise et moi trouvâmes une routine. Diplômée de Cornell en management des biens culturels, elle avait un travail assez assommant mais très bien payé dans une multinationale qui se piquait de mécénat. Le yoga était pour elle comme pour moi, une échappatoire, la dose de paix mentale et de connexion au corps dont elle avait besoin. Nous restâmes discrètes au sein de notre groupe de formation de professeurs mais en dehors de cela, nous sortions ouvertement ensemble.

Un soir, au bout de quelques semaines, alors que ma confiance en Louise était quasiment absolue, je lui racontai G. Elle trouva l’histoire hilarante et nous convînmes que sa disparition subite était sans doute liée au fait qu’elle m’ait vue en compagnie d’autres personnes. J’avais alors totalement oublié l’enveloppe vide et je passais donc cet épisode sous silence.

Louise et moi passions une très grande partie de notre temps chez elle, nous voyant à peu près six soirs sur sept, la plupart du temps dans son appartement où nous rentrions après l’un des cours de yoga auxquels nous assistions. Contrairement à de nombreux Américains, Louise aimait vraiment cuisiner et aimait davantage encore cuisiner pour quelqu’un. Pendant qu’elle préparait un chili sin carne, une soupe ou un curry, nous discutions de tout, souvent en buvant un verre de vin.

Elle posait son courrier sur le bar de la cuisine auquel j’étais installée, et c’est en voyant cette pile d’enveloppes de toutes tailles que je repensais soudain à l’enveloppe vide et lui racontais. Louise blêmit, littéralement. Elle me demanda combien de temps s’était écoulé depuis que j’avais reçu cette enveloppe et si j’en avais reçu d’autres. Surprise par sa réaction, je réfléchis et dis que non, je n’en avais reçu qu’une, il y a trois ou quatre semaines environ.  

Elle se mit à parcourir la pile de courrier et me montra une enveloppe reçue quelques jours auparavant : blanche, longue, simple et ordinaire, avec son nom et son adresse tapés à l’ordinateur, un de ces timbres standards. La même enveloppe que la mienne, en somme, reçue vide également.

Une ex de Louise était officier de police à Chicago, et elle insista pour l’appeler sans attendre. Je trouvais sa réaction excessive, mais cela lui semblait si important que je laissais faire, sans réfléchir aux possibles conséquences me concernant. Etrangère, présente aux Etats-Unis grâce à un visa d’études, j’avais participé activement et (relativement) consciemment à blanchir de l’argent de la prostitution. Gayle, l’ex de Louise, ne travaillait ni aux Mœurs ni aux Stups, mais encadrait une équipe d’agents de rue. Elle n’était pas sûre de ce qu’il fallait faire mais en parlerait le lendemain à un de ses supérieurs, sans citer de nom.

Je me couchais assez agitée et eu du mal à dormir.

Nous n’eûmes pas de nouvelles de Gayle le lendemain, mais le surlendemain, et ce qu’elle avait à nous dire était simple : je devais incessamment me rendre, le jour-même si possible, accompagnée de Louise, au commissariat de […], où l’un des agents des Mœurs nous recevrait.  Entre temps, mon inquiétude était redescendue, pensant que la police, tout comme moi, trouvait ça ridicule et que Louise avait paniqué pour rien.

Je partis pour le commissariat dès que Louise me transmit le message. Elle ne pourrait m’y rejoindre qu’un peu plus tard, mais j’étais incapable de rester en place dans mon carrel d’un mètre carré et demi à fixer des photos de manuscrits sur mon écran d’ordinateur.

Heureusement, j’avais sur moi mon passeport qui prouvait la régularité de mon séjour aux Etats-Unis. Maigre consolation.

Je patientais un moment au commissariat, qui était comme tous les commissariats que l’on voit dans les films et les séries : moche, gris, sentant le café et d’autres choses peu agréables, vétuste. Les flics américains semblaient avoir un don particulier pour se conformer à la caricature à laquelle nous autres étrangers sommes préparés.

Je ne revis jamais Louise.

L’entretien avec le policier des mœurs dura un long moment. Je fus autorisée à rentrer chez moi et eus l’ordre d’y rester, seule, la nuit, mais pas à avoir le moindre contact avec elle ni avec qui que ce fut, si ce n’était mes colocataires. Peut-être reçut-elle les mêmes consignes, je n’en sus jamais rien car mon téléphone me fut confisqué – du moins, on m’incita assez fermement à le remettre à la police. Le lendemain, j’étais à nouveau convoquée à ce même commissariat, à 8 heures du matin et cette fois-ci, je n’attendis pas. Les faits me furent notifiés : j’avais été utilisée à mon insu pour du blanchiment d’argent dans une affaire impliquant un réseau de prostitution de luxe mais aussi un homicide, on ne retiendrait pas de charges contre moi si je quittais le pays sous 48 heures avec interdiction d’y revenir pendant dix ans. Je ne passerai pas devant un juge si j’acceptais, je pouvais demander conseil à un avocat, qui me conseillerait de choisir cette option de toutes façons. Sinon, je risquais d’être inculpée et les charges pesant sur moi seraient infiniment plus lourdes ; la question de l’homicide s’ajoutant à celle du blanchiment d’argent.

Je n’eus jamais davantage d’informations au sujet de ce fameux homicide. Qui avait été tué, par qui, pourquoi, comment, je ne pus et ne peux encore que spéculer, pariant sur G, mais aussi redoutant que ce ne soit elle qui ait assassiné quelqu’un.

Je rentrai en France 36 heures après ma deuxième convocation. J’abandonnai ma thèse, trouvai un travail d’assistante de recherche dans les archives d’une grande entreprise, continuai le yoga, repris une formation de professeur. Curieusement, l’institution qui m’avait donné cette généreuse bourse ne m’en réclama jamais le reliquat.

Louise avait disparu de facebook, disparu de linkedin, disparu des réseaux sociaux et même d’internet. Je n’avais pas son numéro, qui était dans le téléphone confisqué par les policiers américains, et j’avais de toute façon interdiction de la contacter. Elle me manquait, notre relation si joyeuse me manquait, nos échanges sous forme de piques me manquaient, nos discussions à propos de yoga me manquaient.

Je ne retournerai probablement jamais à Chicago, jamais aux Etats-Unis. Jamais je ne reverrai le doux sourire de Louise. Parfois, marche devant moi une femme dont la silhouette m’évoque celle de Louise. Un instant, mon cœur s’emballe puis s’apaise. D’elle ne me restent que des souvenirs, ombres fugaces de moments que j’ai rêvés. 

Photo personnelle, non libre de droits

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