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Pourquoi les mouvements de désobéissance civile sont-ils plus courants aujourd’hui ?

Pourquoi les mouvements de désobéissance civile sont-ils plus courants aujourd’hui ?

Publicado el 5, ago., 2019 Actualizado 25, sept., 2020 Política
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Pourquoi les mouvements de désobéissance civile sont-ils plus courants aujourd’hui ?

Depuis les années 90 les formes de contestations légales, grèves, syndicats et partis d’oppositions, s’essoufflent. A l’inverse, on observe une augmentation des mouvements de désobéissances civiles. Quelles en sont les raisons et comment se perpétue l’héritage de Henri David Thoreau ?

 

C’est le 1er Décembre 1993 que le collectif Act Up passe à l’action. Après plus de deux mois de préparation, ils participent à leur façon à la journée mondiale de la lutte contre le sida. Ils déploient alors un préservatif géant sur l’Obélisque de la Concorde pour dénoncer le manque de prévention sur ce sujet. Un symbole fort, une action coup-de-poing et non-violente : voici ce qui va faire la force de quelques grosses organisations associatives.

 

 

C’est le premier point de progression des désobéissances : la radicalisation des militants. Une partie de la population déçue des actions de son gouvernement a décidé d’agir. Les méthodes de contestations sociales légales ne suffisent plus. Les manifestations sans impact sur la politique se multiplient et les grèves ne provoquent plus les mêmes réactions. De plus, l’avancée de la pensée écologique mobilise de plus de plus de personnes de toutes les classes sociales. Le nombres de militants a donc considérablement augmenté et augmente encore au fil des ans, et ceux-ci se radicalisent de plus en plus.

 

Connus dans le monde entier pour leurs actes, les militants de Greenpeace en ont fait leur principal outil de communication. Acteurs majeurs des questions environnementales, ils se positionnent dans l’action que ce soit en attaquant des entreprises en justice tout comme en se plaçant entre des baleiniers et leurs cibles. Ils sont allés jusqu’à entrer dans l’enceinte de centrales nucléaires pour y tirer des feux d’artifices afin de démontrer les failles de sécurités les plus importantes. Pénétrer une enceinte sécurisée n’est pas légal même si vous ne faites rien de mal une fois à l’intérieur. Mais montrer la facilité que pourrai avoir une personne mal intentionnée à atteindre une telle installation a permis de mettre en place de nouveaux contrôles. Qu’est-il advenu des militants qui ont pris le risque de franchir la sécurité ? Six militants ont écopé de cinq mois de prison avec sursis. Deux autres militants, ayant déjà des antécédents, ont été condamnés à deux mois de prison ferme. Il ne s’agit donc pas de participer pour son bénéfice personnel mais bien au nom de valeurs.

 

Les mieux placés pour parler des conséquences d’un acte de désobéissance sont les lanceurs d’alertes. Que leurs révélations soient d’intérêt général ne rentre jamais en compte. Ils se retrouvent poursuivis par leur entreprise, ou même leur pays ! Ils en perdent leur travail, leur maison, leur liberté ou même la possibilité de revenir un jour dans leur pays. Ils sont l’exemple même de la désobéissance civile. Tous disent après avoir agi : «Je ne pouvais que révéler ça au grand public quoi qu’il en coûte». Je pourrais en citer des dizaines, dans tous les secteurs qui existent, dans de nombreux pays. Sans doute le plus connu des années 2000, Edward Snowden avait révélé le plus gros scandale concernant les programmes de surveillance de masse de la NSA. Il a notamment révélé, en juin 2013, le système d'écoutes appelé PRISM lancé en 2007 par le gouvernement américain pour surveiller les données des internautes sur des sites comme Google, Facebook, YouTube, Microsoft, Yahoo!, Skype, AOL et Apple sous le couvert de la lutte antiterroriste. Exilé à Hong Kong en juin 2013, puis à Moscou, Edward Snowden a obtenu le 31 juillet 2013 l'asile temporaire en Russie. Il y réside encore aujourd’hui.

 

 

Vous vous dites : «D’accord ces gens ont agis parce qu’ils avaient des informations qui ne leur laissaient pas le choix. Moi je ne connais rien de tout ça donc ce n’est pas que je ne veux rien faire mais que je ne peux rien faire». C’est aussi ce que disait Antoine Deltour, lanceur d'alerte dans le cadre des révélations Luxleaks en novembre 2014. Il est un ex-auditeur de la filiale luxembourgeoise du cabinet comptable PriceWaterhouseCoopers, poursuivi par son ancien employeur pour avoir copié des documents qui ont ensuite été à la source des révélations par l'International Consortium of Investigative Journalism. Ces documents concernent des centaines d'accords fiscaux entre le fisc luxembourgeois et des multinationales, confirment un système d’optimisation fiscale à grande échelle pratiquée au Luxembourg. Antoine Deltour indique avoir fait fuiter ces documents afin d'éclairer le débat public sur la transparence et la justice fiscale et avoir agi de manière totalement désintéressée. À la suite de la plainte déposée par son ancien employeur, il est inculpé en décembre 2014, ainsi que plusieurs autres personnes ayant contribué aux révélations Luxleaks. Il est condamné avant d'être relaxé en janvier 2018 par la Cour de cassation du Luxembourg. Il faut donc garder en tête qu’ils ne retirent jamais de bénéfice pour leurs actes.

 

Le cas des lanceurs d’alertes nous ramène sur notre deuxième point d’augmentation du nombre de désobéissance civile. C’est la criminalisation des mouvements de contestations. De part la pente sécuritaire voire autoritaire que prennent certains gouvernements et par des «lois d’exception» dues au contexte géopolitique tendu, des libertés que l’on considérait fondamentales sont remises en cause. Le nombre de manifestations interdites, de boycott condamné ou de grèves pouvant conduire à des renvois ne font qu’augmenter. Des lois votées pour agir contre le terrorisme servent alors aussi à surveiller les militants et opposants de tous bords. Ce n’est donc pas une radicalisation de la population mais une restriction du cadre légal qui rend illégales des actions qui ne l’étaient pas auparavant.

 

 

Pour finir, je voudrais vous parler d’un dernier cas : ce qui est maintenant appelé le «délit de solidarité» ou aide à l’immigration clandestine. Cedric Herrou, un agriculteur de la vallée de la Roya (Alpes-Maritimes), a offert gîte et couvert à des migrants africains en situation irrégulière. Il a été condamné à 4 ans d’emprisonnement (et 3000 euros d'amende) avec sursis, avant que le jugement soit annulé en Cour de cassation. Lors de son jugement en appel, la cour d'appel d'Aix avait estimé que le militantisme désintéressé ne suffisait pas à lui faire bénéficier de l'immunité pénale qui était prévue dans certaines circonstances par la loi. Convaincus du contraire, et promettant que ce cas ferait jurisprudence, ils avaient déposé un recours devant le Conseil constitutionnel, qui avait consacré le principe de fraternité dont découle «la liberté d'aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national». Il s'agissait de la première décision de la Justice dans ce sens. L’aide à l’entrée irrégulière reste tout de même illégale. L’agriculteur avait expliqué son acte : «Quand je vois quelqu’un en difficulté, on me demande de regarder ses papiers avant de l’aider. Si la loi c’est ça, il faut changer la loi.»

 

De la volonté d’un homme à s’opposer à son Etat il reste donc aujourd’hui un texte lu par certains grands personnages de notre histoire et une pensée profonde partagée par ceux qui veulent faire bouger les lignes, que ce soit pour le bien commun, dans un but humanitaire, ou pour abroger des lois qui n’ont pas lieu d’être et en faire passer d’autres qui semblent nécessaires.

 

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