Contre les violences conjugales
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Contre les violences conjugales
Les femmes bleuets
(13 juin 2021)
Sous les verrous de la violence,
Derrière les barreaux de l’impuissance,
Elles sont prisonnières
Du patriarcat et de la loi du silence.
La défiance face au système judiciaire
Convertit un dépôt de plainte en épreuve
Et parfois, assignées à résidence,
Ou par crainte de représailles ou par méconnaissance,
Elles ne le peuvent.
Trop souvent encore elles renoncent
Au parcours du combattant
Amorcé dès lors que l’on dénonce
Insultes, humiliations et sévices récurrents.
Elles livrent déjà un combat de titans
Sans flancher, sans fléchir,
Pour simplement « rester debout » ;
Essuyant larmes et coups
Portés par un « prince charmant » mutant
Devenu Grand Méchant Loup,
Contrecoup d’un amour aveugle et « fou ».
Sous emprise psychologique
Et de la dépendance affective et financière
Elles endurent le calvaire
Des violences domestiques
Qui peuvent mener au cimetière
Après force menaces, brûlures, agressions physiques
Sans oublier le tabou des viols —
Toutes atteintes aggravées par l’alcool.
Ce n’est pas ça être « fleur bleue » !
Regardez donc le corps bleu pervenche
De ces femmes bleuets
Passées maîtresses
Dans l’art de la dissimulation
Pour camoufler leur sort
En maladresses ;
Camoufler leur corps
Maltraité, privé de tendresse ;
Camoufler les torts
En « dérapages ponctuels »,
En « Il n’est pas si cruel,
Il n’a pas voulu
Mes yeux au beurre noir, mes lèvres fendues »…
Pour continuer à croire,
Avec l’énergie du désespoir,
Que « ça ne se reproduira plus ».
Sachez déceler l’alibi qui ne « tient » pas,
L’excuse trop fréquente du « faux mouvement »
Ou du « faux pas »
Qui a tout du faux semblant,
Mesdames, Messieurs,
Si vous ouvrez plus grand les yeux.
Ces « j’ai trébuché dans une ornière »
« J’ai glissé dans l’escalier »
« J’ai pris un coup de portière »
Doivent être interrogés
Avec courage et sans crédulité délibérée
Socialement (et savamment) organisée
Car « ça ne nous regarde pas »,
Et « On ne se mêle pas de ces choses-là ».
Sans quoi, elles seront condamnées
À la répétition de blessures
Qui doivent alerter :
Blessures évitables si l’on ose
Déchiffrer les ecchymoses.
Femmes fantômes furtives, discrètes,
Transparentes et muettes :
Au-dedans honteuses et en miettes
Au dehors, maquillées et « blindées »
Pour « faire semblant »,
Pour donner le change,
Faire écran à une réalité qui dérange.
Aujourd’hui, nos sociétés deviennent lucides.
Ces gestes fatals ont même
Reçu un nom à glacer le sang…
Les « féminicides »
Désormais tragiques emblèmes
Du sexisme le plus extrême,
Véritables prises de contrôle
Sur celle que l’on « aime mal » et malmène,
Ad mortem.
On prend conscience collectivement (trop tardivement)
Que sans éviction de domicile,
Sans bracelets anti-rapprochement,
Sans téléphone grand danger,
Sans éloignement du conjoint-bourreau,
Ni soins ordonnés par le barreau,
Les femmes iris ou myosotis
Seront meurtries (lèvres coquelicots) — sinon martyrs
De ces scènes de ménage
Basculant dans le carnage,
Bousculant tout préjugé de classe sociale,
De catégorie professionnelle et d’âge.
Quand le mot « maison »,
Havre et sanctuaire de l’intime,
Ne rime plus avec « protection »
Mais se transforme en scène de crime,
Combien d’êtres abîmés par déraison,
Par sadisme, par machisme ?
Combien de déflagrations, de victimes
De ces gifles suivies de bouquets
De fleurs pour effacer
Les pleurs versés ?
Cycle infernal de promesses (vaines),
De « Je recommencerai plus jamais »
De « Je t’aime » dits puis parjurés,
De rappels à la loi sans peine (ferme),
De soumission en galères
De « pas le choix »
En « marre de se taire »,
De peurs de la même couleur
Que leur peau tatouée
À l’encre indélébile
De l’amour dans la douleur ;
Cette peur bleue coagulée dans leur cœur
À tout jamais.