L'amertume
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L'amertume
Année de création : 2009
Publication antérieure : site de Short Éditions (ce texte n'y figure plus aujourd'hui suite à une perte de données)
Langue : français
Source de l'inspiration : j'ai écrit ce texte début 2009, peu avant l'inauguration de Barack Obama en tant que président des États-Unis. Certains se souviennent peut-être encore du slogan "Hope For Change" sur lequel il avait été élu. C'est un fait qu'un peu partout à travers le monde, il a représenté un véritable espoir de changement, en politique tant intérieure qu'extérieure. C'est peut-être le premier président de n'importe quel pays du monde qui aurait été élu président du monde si la possibilité en avait existé. Certes, tout le monde n'était pas forcément enthousiaste et certains se montraient bien circonspects, mais la vague d'espoir et la fascination ont bel et bien existé. Surtout après la présidence Bush Junior... Puis est venue l'opération "Plomb durci" au Proche-Orient, et l'usage du phosphore blanc par Israël contre les populations palestiniennes. Si Obama avait représenté un espoir de changement dans la politique extérieure des États-Unis, c'était bien dans le conflit israélo-palestinien. Ses déclarations de candidat allaient bel et bien dans le sens d'une volonté de changement, il était connu pour ses sympathies pro-palestiniennes... Et puis là, une fois élu président, plus rien. Son silence fut assourdissant et n'a échappé à personne à l'époque. De quoi dire que les promesses, politiciennes ou non, n'engagent jamais que ceux qui y croient... Ou peut-être le candidat Obama était-il sincère, mais le président élu Obama a-t-il vite dû mesurer les limites réelles de son pouvoir... Quoi qu'il en soit, le texte ci-dessous ne reflète certainement pas mon tempérament de base ni mon rapport habituel au monde - je suis normalement beaucoup moins vindicative, si même je le suis. À la base, je suis plutôt quelqu'un qui pardonne. Peut-être même trop facilement. Mais il reflète assez fidèlement ma déception de l'époque devant un espoir de changement qui tombait bien à plat.
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L’amertume.
Qui ravage les muqueuses. Qui donne à tout ce qu’elle touche son terreux arrière-goût.
Elle attaque, elle contamine, elle dégrade. Après son passage, plus rien n’est pareil.
Amertume. Goût délétère des espérances déçues. Chairs attaquées, agressées, corrodées. Goût dénaturé de tout ce qu’elle touche.
Irritation subtile du plexus solaire. Larmes de rage et de désespoir.
Relent et reliquat de ce qui nous porta.
Vestiges dévalués des merveilles d’autrefois.
L’amertume. C’est ce que je ressens aujourd’hui.
Quand des enfants se nécrosent vivants sous les bombes à Gaza.
Quand se taisent ceux qui nous avaient parlé d’espoir et promis la justice, la destruction des murs et l’abolition des frontières. Qui nous avaient promis de construire des ponts et de tendre des mains. Et de prendre la défense des écrasés de la terre comme la promesse de leur civilisation.
Et qui se taisent aujourd’hui devant l’iniquité.
Et qui trouvent même d’excellentes raisons de se taire. Tout en sachant parler quand ça les arrangeait.
Qui sont au final comme tous les autres.
Comme tous ceux qu’ils critiquaient. Et auxquels ils avaient promis de ne pas ressembler.
On ne promet pas à la légère le soleil à l’embrumé ni le vent à l’asphyxié.
Celui qui parle d’espoir n’a pas le droit de décevoir.
Certains ici manient l’espoir comme l’acide. Et on le leur reproche.
C’est qu’ils connaissent trop le goût amer des espérances déçues.
Et qu’ils ne veulent plus être ravagés. Ni dans leurs cœurs ni dans leurs âmes.
Celui qui promet la lumière n’a plus droit à l’obscurité.
Promettre le soleil puis laisser dans la nuit. Abandonner. Dans le froid. On n’en a pas le droit.
Et malheur et remords à celui qui vend son âme.
Que l’amertume le ronge tout le temps qu’il se trahit.
Et qu’il nous trahit.
Que son silence infâme lui soit brûlure au fer rouge.
Que sa conscience le dévore à en libérer sa parole.
Qu’il ne connaisse aucun repos mais revienne à lui-même.
Et que là, et là seulement, il puisse goûter à la douceur du pardon.
Si l’on décide de le lui accorder...
Crédit image : © Jonathan Evgi
Nathalie Agier hace 2 meses
Un texte très fort, qui nous prend aux tripes, et et à la fois tant empreint de mélancolie et de poésie !
Jackie H hace 2 meses
Merci Nathalie ! 🙂
Surf Xi hace 2 meses
Je ne me souvenais plus de cette séquence dramatique et je ne pense pas avoir ressenti ce sentiment d'amertume à l'époque ; vous étiez certainement plus éveillée et perspicace que je ne l'étais alors ; autant que je m'en souvienne, c'était plutôt un sentiment d'incompréhension en ce qui me concerne.
(updated)En revanche l'amertume est bien là aujourd'hui ; amertume, sentiment de trahison démocratique aussi, dégoût devant les soi-disant justifications d'exactions insupportables quels que soient les camps des assassins et des victimes.
En passant, le caractère artistique de votre texte est indéniable ; à la fois dramatique, épique, lyrique, poétique...
Jackie H hace 2 meses
N'en jetons plus, la cour est pleine 😆 C'est me faire beaucoup d'honneur que de me jeter tant de fleurs 💐 et franchement parlé, je ne suis pas bien sûre d'en mériter autant...mais après tout, si ceux qui me lisent trouvent matière à le faire, c'est qu'il doit bien y avoir une raison 🙂 donc je vous dirai tout simplement "merci" 🙂