L’homme qui murmurait à l’oreille des cheveux
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L’homme qui murmurait à l’oreille des cheveux
Il se passe la main dans les cheveux. Ce petit geste simple, réalisé par de nombreuses personnes quotidiennement et qui a pour but de redresser une mèche un peu trop rebelle ou de masquer une calvitie démesurément présente, n’était visiblement qu’une formalité pour cet homme dont je me souviens encore de la rencontre, tant elle m’a marquée. Lorsque ce dernier sortit du supermarché et m’évita une collision potentiellement lourde de conséquences avec ces portes, qui n’ont d’automatique que leur nom, je ne pus faire abstraction de sa coiffure si soignée, si propre, si…gélifiée. Je me souviens d’ailleurs m’être interrogée sur d’éventuels essais en magasin qui auraient pu expliquer cette qualité irréprochable.
Cependant, les seuls échantillons proposés étant, au choix, des dégustations de fromage et de charcuterie ou de minuscules flacons de parfum dont l’odeur me répugne davantage que le postérieur d’une moufette, j’ai rapidement compris que cette merveille capillaire était bel et bien le fruit d’un dur labeur réalisé en amont. Bien entendu, l’état végétatif incontrôlé dans lequel je me retrouvai lors de cette intense réflexion ne le rendit pas indifférent, à tel point qu’il en fit tomber l’une de ses deux oranges à terre.
Néanmoins, il fit preuve d’un calme olympien au moment de s’agenouiller devant moi pour ramasser le fruit défendu. Cette action provoqua en moi un irrésistible frisson qui me parcourut de la tête aux talons et déclencha irrémédiablement un « bonjour » qu’il me fut impossible de retenir. Une fois redressé et à ma hauteur, sa réponse fut instantanée mais pour le moins inattendue : inaudible.
En effet, après avoir délicatement orchestré la colocation des deux sanguines dans l’une de ses mains, il balaya d’un revers de l’autre sa chevelure si particulière, sans froisser un quelconque centimètre de ses bouclettes brunes. Á cet instant précis, je ne répondis plus de rien. De toute évidence, ce bellâtre ne me laissait pas indifférente mais je me devais de ne rien laisser transparaitre. Alors qu’il s’apprêta à déserter les lieux et à m’abandonner, telle une bourrasque provoquant la chute d’une moule de son rocher, mon instinct de guerrière cherchant à transpercer un cœur de sa flèche éveilla tous mes membres, entraînant ainsi un lâcher de sac à main. Je me mis à paniquer, craignant une mise à nue de ma vie privée qui anéantirait à coup sûr toutes mes chances de poursuivre cette intense discussion. Tandis que ma bourse laissa échapper mes précieux équipements et, de la même manière, fit s’envoler mon ultime espoir de séduire le charmant inconnu, un artefact sembla intriguer l’individu, qui dérapa subitement sans aucune retenue. Il jeta violement ses achats et tendit ses bras en direction de ma besace qui, de toute évidence, ne m’appartenait déjà plus, à en juger par la rapidité d’exécution de la tentative de pillage.
Ce fut totalement désarmée que j’observai l’enlèvement de mon…peigne. Celui-ci, qui n’eut à priori rien d’anormal, à première vue, suscita l’intérêt de son ravisseur puisqu’il s’empressa, sans gène, de l’utiliser pour arranger quelques poils crâniens vraisemblablement hérissés d’excitation de découvrir ce précieux démêloir. L’étreinte chaleureuse que je ressentais depuis quelques minutes cessa alors et laissa place à une certaine forme d’indignation, me permettant de dérober l’objet du délit sous les yeux ébahis de son utilisateur. Tandis que je regagnai mon véhicule après cette totale désillusion, le cœur brisé et le bagage mince en ayant simplement repris mon valeureux ustensile de coiffure avant de m’enfuir, mes espoirs vains de conquête refirent surface en retrouvant le preneur d’otage, essoufflé, adossé à mon véhicule. Stupéfaite, j’exigeai une explication mais cette tentative d’échange verbale se solda de nouveau par une caresse capillaire, effectuée cette fois-ci des deux mains, me rendant par conséquent éprise de cet hypnotiseur. Paralysée une seconde fois pour des raisons qui devinrent de plus en plus incompréhensibles, je voulus désespérément dissimuler la victime de l’incroyable convoitise, mais l’ultime tentative fut mise en échec par celui que je pus finalement qualifier de fétichiste coiffeur. Le fou s’empara du bijou recouvert de cadavres de poux, se dirigea prestement vers la sortie du parking et entama sa traversée de la chaussée, avant de se retourner et de me fixer du regard, tout en passant une dernière fois sa main dans les cheveux. Mais alors que sa journée parut absolument divine, les cieux décidèrent de clore cette impressionnante représentation et de venir le chercher, à peine cinq minutes après un tragique fauchage automobile. Rassurée et n’écoutant que mon courage, je me précipitai vers mon peigne, le récupérai et regagnai à toute allure ma petite voiture en direction de mon domicile. Depuis ce jour, malgré l’achat d’un nouveau sac à main avec antivol intégré, je ne suis plus jamais sortie en possession d’un peigne.