LA CHAUSSETTE
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LA CHAUSSETTE
C’est l’histoire d’une petite chaussette rayée et trouée qui se morfondait non pas parce-qu’elle était rayée mais parce-qu’elle était trouée. Au fond, elle était trouée parce-qu’elle avait été mordue. Elle se morfondait donc et se disait qu’elle ne valait plus rien du tout car qui voudrait d’une chaussette rayée et trouée, seule et misérable?
Elle avait entendu pourtant, quand elle habitait encore le tiroir à chaussettes, d’autres paires plus anciennes et plus expérimentées qu’elle, parler du temps jadis où l’on reprisait les chaussettes. Mais se demandait-elle, cela tenait-il de la légende ou pouvait-on vraiment refermer les trous béants?
Elle décida d’en avoir le coeur net et entrepris un long voyage de la poubelle où elle se trouvait à la décharge où elle atterrit. Un goéland de passage la prit pour de vieux restes de poisson sans doute et elle se retrouva soulevée dans les airs avant que le bec acéré ne finisse par la lâcher.
Celle qui se croyait la plus miteuse chaussette au monde, finit sa chute sur le béton d’une rue sans encombre sans plus de dégâts que cela car heureusement pour elle, elle n’avait pas d’os, pas de dos, ni de boyaux tout chaud.
Mais cela ne lui remonta pas le moral pour autant car elle était toujours trouée et esseulée. Au bout de plusieurs heures pendant lesquelles elle s’abandonnait à son abandon tout en discourant dans son fors intérieur sur le non sens de l’existence et la perplexité des mécanismes de vol des oiseaux de mer, elle se sentit délicatement cette fois, soulevée du bitume par des doigts bienveillants.
Serait-ce des doigts de fée? se demanda t’elle. En effet, une dame avec des cheveux d’argent et des lunettes comme des écoutilles de sous-marin la regardait sous toutes ses coutures et dit avec satisfaction: « -Génial cette chaussette! Voyons ce que je peux en faire! » Et sans plus attendre, elle entra dans une boutique de la rue juste en face, chaussette en main.
En réalité, la boutique était plus un atelier fait de bric et de broc où s’amoncelaient toutes sortes d’objets si bien qu’on pouvait dire en voulant faire un mauvais jeu de mots que c’était un atelier fait de broques et de Braque et que les murs étaient en briques.
La dame s’approcha d’un tourne disque qu’elle alluma. La voix de Nina Simone se mit à chanter « Love Me Or Leave Me », elle esquissa quelques pas de danse puis s’assit à un bureau, alluma sa lampe, sortit une boite en fer émaillée sur laquelle on pouvait lire en bleu le mot Vichy dessus.
La dame n’avait pas les yeux de son âge, ils brillaient de jeunesse et de souvenirs d’amour et d’eau fraîche. La chaussette était très impressionnée car elle sentait bien l’attention qui était portée sur elle. C’était comme si on la regardait pour la première fois véritablement. La dame était entrain de se plonger littéralement en elle comme si elle pouvait y voir toutes les potentialités qu’elle-même ignorait encore. Une sorte de vision par-delà le visible.
La dame ouvrit alors enfin cette boite de l’ancien monde et en sortit un objet ovale qui paraissait être un oeuf. Elle sortit également une grosse aiguille et du joli fil doré. Quand la chaussette sentit l’oeuf glisser le long de son intérieur, elle comprit que quelque chose était entrain de la changer à tout jamais, elle se sentait pleine et entière: inspirée.
La dame aussi se sentait inspirée. Et c’est à l’unisson que cette-dernière entreprit son grand oeuvre. Elle se mit à repriser le trou de la chaussette avec son oeuf, son aiguille et son joli fil doré comme dans la chanson du facteur. Et des escaliers en papier. Mais elle ne s’arrêta pas là, elle poursuivit son travail jusqu’à ce qu’elle soit satisfaite du résultat. Elle regarda alors la chaussette rayée et raccommodée sous le projecteur de la lampe de bureau et déclara: « Et voilà! Tu es devenue à présent ma marionnette-chaussette matelot! »
La chaussette pouvait en effet se mirer dans les verres à double foyers de la dame avec ses deux nouveaux yeux en plastique qui se balançaient de gauche à droite. Une nouvelle vie allait pouvoir commencer pour elle. Elle avait enfin trouvé un sens à son existence. Elle allait pouvoir écumer les mers et les océans du monde entier tout en saluant les goélands de passage! Elle comprit alors que tout cela n’aurait jamais pu arriver si elle n’avait pas été mordue, esseulée, rayée et trouée puis jetée, enlevée, envolée, abandonnée et enfin trouvée par une dame aimante aux doigts de fée et à l’imagination fertile. Foi de matelot! Désormais elle était prête à écumer les flots quelques soient les tempêtes à venir, elle ne ferait pas naufrage!