Chapitre 3
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Chapitre 3
Abygael
Recroquevillée sur le trottoir devant la grille austère de Sainte-Catherine, je n'étais plus en état de supporter la douleur cuisante qui me brûlait le cerveau. Le bruit insupportable des cloches de l’église résonnait dans ma tête me vrillant les oreilles. Merde ! Avaient-elles toujours fait un tel boucan ? Ou était-ce uniquement à cause de ce mal de crâne résultat de ma confrontation avec Willis ?
Je relevai la tête, les yeux voilés de larmes, les tympans sifflants encore malgré le silence enfin revenu. Je ravalai ma souffrance, pris en grande inspiration et me remis debout sur mes jambes encore flageolantes. Bon sang, il me faudrait une nouvelle dose de caféine pour affronter cette journée, mais j’étais déjà en retard et la mère supérieure détestait ça. Je n’suis pas à dix minutes près, après tout…
Je resserrai ma veste autour de moi et me cachai dans mon épaisse écharpe avant de prendre la direction du café A la lune. À cette heure, heureusement, l’établissement était vide, ce qui me permit de commander un expresso allongé à emporter et de revenir sur mes pas en moins de cinq minutes.
Lorsque je poussai enfin les portes de l’église, je fus accueillie par sœur Gwen en pleurs, toute tremblante. Nous nous connaissions depuis plusieurs années déjà, mais jamais je ne l'avais vu dans un tel état. Elle avait rejoint les ordres à l’âge de 20 ans, après avoir été victime de violences d’après ce que j’avais entendu. Ayant fait vœu de silence, elle ne me le confirma pas malgré nos nombreux tête-à-tête. Au fils des jours, nous nous étions rapprochées. Elle avait été d’un grand soutien, m’offrant une oreille attentive et une épaule pour chialer.
Sœur Gwen se précipita dans mes bras, manquant de me faire tomber à la renverse. Secouée par les sanglots, elle était inconsolable et incapable de me dire qui se passait. Et la voir ainsi était vraiment perturbant. Ce n’est que lorsqu’un policier apparut devant moi que j’obtins enfin de réponses : la mère supérieure était morte dans la nuit. Une crise cardiaque d’après les premiers constats.
Assise sur les marches de Sainte-Catherine, je entai de remettre de l’ordre dans mes pensées. Entre le retour soudain de ma génitrice, les secrets de Willis et les problèmes cardiaques récurrents sur cette terre sainte, je ne savais plus trop quoi penser. Mais cette journée était dédiée à sœur Hélène, alors je partis me recueillir sur sa tombe. Peut-être pouvait-elle me faire un signe. Me donner un indice pour y voir plus clair.
J’étais sous le choc, et apparemment, c'était devenu une habitude chez moi en ce moment. Mon monde s’effondrait peu à peu. Mes points de repère disparaissaient un à un. Depuis le décès de sœur Hélène, la mère supérieure était ce qui ressemblait le plus à une figure maternelle pour moi. Toujours sur mon dos, même après ma fuite, à vouloir contrôler ma vie, mes fréquentations, mes études. Elle n’était pas très présente, ou plutôt je ne lui laissais pas beaucoup de place, mais elle m’aimait à sa façon et moi aussi.
- Aby...
Willis... Il fallait que ce soit lui. J'ignorais ce qu'il était venu faire ici, mais je n'avais pas envie de le voir et encore moins de lui parler.
- Aby, je suis désolé... Je sais que tu étais proche de la mère supérieure.
Je fermai les yeux, espérant qu’il disparaisse et me laisse seule, mais de toute évidence, ce n'était pas dans ses plans.
- Aby...
Willis posa une main sur mon épaule et un courant électrique me parcourut l’échine. Un grognement sortit de ma gorge et je pouvais sentir les poils de ma nuque se redressait. La colère montait en moi, mais je ne comprenais pas d’où elle venait. Je ressentais le besoin de le défier, de lui montrer l’étendue de ma puissance. C’était tout bonnement inexplicable et si soudain. Au cours de toutes mes années de rébellion, jamais une telle ardeur, une telle soif de pouvoir, ne m’avait assaillie.
Willis ne bougea pas malgré mon avertissement sonore bestial. Il ne recula pas ni ne retira sa main. J’avais l’impression qu’il s'efforçait même de me faire plier. De me faire lâcher prise. Mais tout mon corps résistait. Une lutte faisait rage en moi et j’ignorais ce qui avait bien pu la déclencher.
Je pris une longue inspiration pour recouvrer un peu de lucidité avant de l’affronter. Je ne comptais pas m’emporter ici, pas devant sœur Hélène. Et j’avais besoin de réponses, alors arracher la main de Willis n’était pas la tactique la plus intelligente. Je me mordis la langue jusqu’au sang ce qui sembla apaiser la bête en moi et fis volte-face tout en plantant un sourire amer sur mon visage bouffi.
Je le regardais droit dans les yeux et lui demandant, d’une voix grinçante, ce qu’il venait faire ici. Il se contenta de hausser les épaules et de m’indiquer le camion du coronaire d’un geste du menton. Il était donc au courant de la mort de la mère supérieure. J’ignorais qu’il la connaissait. Je ne l’avais jamais croisé ici. Encore une information qu’il s’était bien gardé de me donner. Mais pourquoi aurait-il partagé ça avec moi ? Nous n’étions pas si proches. Il n’était que mon patron plutôt amical certes, mais rien d’autre. Je dramatisais et cela ne me ressemblait guère !
- On dirait que tes plans ont changé. Tu vas accepter l’invitation de ta mère, finalement ?
Je manquais de m’étouffer avec ma propre salive. Je n’avais même pas envisagé de rencontrer ma génitrice, mais je n’avais plus aucune raison pour ne pas me rendre au café au coin de la rue si ce n’était un horrible mauvais pressentiment. Mon intuition ne me faisait jamais défaut. Jusqu’ici, elle m’avait toujours permis de retomber sur mes pieds et d’éviter les ennuis. Et le nœud dans mon estomac était suffisant pour me dissuader de me présenter à ce rendez-vous.
Sans donner de réponse à Willis, je le contournai et pris le chemin en direction de mon studio. Il était presque onze heures. Malgré les températures basses pour un mois d’octobre, je me résolus à rentrer à pied espérant que cette petite balade me calme les nerfs et me permette de réfléchir à mon avenir. À présent, j’avais assez d’argent de côté pour quitter cette ville. J’avais traîné ici plus que de raison.
- Abygael ? C’est bien ça ?
Un homme en uniforme se tenait juste devant moi. Perdue dans mes pensées, j’avais failli le percuter. Il était plus grand que moi d’une bonne vingtaine de centimètres. La peau olive, de larges épaules, le visage carré, les lèvres pulpeuses et les cheveux blonds gominés. Ses yeux étaient cachés derrière d’épaisses lunettes noires, mais je l’imaginai aisément avec un regard bleu acier, perçant et intimidant. Le genre dieu grec imposant et propre sur lui. Autant dire, pas du tout mon style ! Pourtant, quelque chose en lui m’attirait. Peut-être son odeur qui pourrait être définie comme celle du paradis. Mais qu’est-ce que je raconte ?!
- Oui, c’est bien moi, marmonnais-je. Vos collègues m’ont déjà questionné, je n’ai rien d’autre à ajouter.
- Oh, ce n’est pas pour ça que je suis venu vous voir… souffla l’adonis un sourire aux lèvres.
Je ne lui laissai pas l’opportunité de m’en dire plus. Je n’étais pas d’humeur à discuter. Alors j'en vins à faire ce que je faisais de mieux : mettre sous clé mes sentiments avant qu’ils ne me fassent faire une énorme connerie et m’enfuir le plus loin possible.
Texte de L. S. Martins