Visite au Domaine Pignier à Montaigu
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Visite au Domaine Pignier à Montaigu
Du Moyen Âge à aujourd’hui
Nous commençons notre visite par le cellier des Chartreux, lieu emblématique datant du XIIIe siècle, de style gothique. Le domaine est, en effet, une terre chargée d’Histoire que la famille acquit à la Révolution, après l’exil des moines en 1794.
Cent cinquante ans plus tard, entre les deux guerres, le domaine est confronté à une chute d’activité. Léandre, le grand-père des actuels exploitants, passe en polyculture-élevage avec 2 hectares de vignes.
1970 : Retour à la monoculture vigne et développement du commerce en bouteilles par les enfants de Léandre. Vignoble de 5 hectares.
1984-1995 : Marie-Florence, Antoine et Jean-Étienne prennent la suite de leurs parents, devenant ainsi la 7e génération de vignerons. Le vignoble s’agrandit à 15 hectares.
1998 : Début de la formation en biodynamie avec Pierre Masson.
Aujourd’hui, la totalité du vignoble est exploité en biodynamie
La nature au service de la vigne
La famille Pignier a la particularité d’être les seuls vignerons du village, et comme le vignoble est situé autour du village, il n’y a pas de bilan carbone élevé ! Respect du lieu et des levures, pas de culture chimique autour de nous, biodiversité naturelle. On voisine avec des vaches montbéliardes pour le comté et des chevaux.
Travail des sols, enherbement, semis d’engrais vert, griffage, piochage, recépage, compost à base de bouses de vache mis au point par Maria Thun, engrais organique, apport de silice, culture sans intrant chimique, vendange manuelle, petits rendements et levures indigènes sont au rendez-vous.
Préparations à base de plantes (prêle, ortie, bardane, reine-des-prés, valériane, osier).
Arbres fruitiers à la place des faux rangs, aucune chaptalisation, pieds de cuves pour les démarrages de fermentation.
Des vins purs, droits, dotés d’une belle matière première
Le travail du vigneron ne se fait-il pas à 90 % dans le vignoble ? Antoine le constate : après les vinifications, il ne fait plus qu’un travail d’accompagnement des vins et ceux-ci se comportent parfaitement bien depuis la mise en place de la pratique biodynamique. Juste un suivi et l’ouillage nécessaire.
Les sols sont constitués de marnes argilo-calcaires, marnes bariolées du keuper, marnes micacées du Lias, marnes argileuses très lourdes, marnes feuilletées du Lias, calcaire du rhétien.
Visite des chais et dégustation des derniers millésimes, principalement 2016, hors cuvées spéciales
Élevage en cuve œuf, en jarre et en tonneau.
Répartition des cépages sur les 15 hectares de vignobles : 7 ha de chardonnay, 3 ha de savagnin, 1 ha de pinot noir, 2 ha de trousseau, 1 ha de poulsard.
Ici, les cépages blancs sont rois et plus typés et plus puissants que les rouges !
Les blancs
- Vous trouverez le chardonnay sous la cuvée Percenette, minéral, fruité et droit comme un i ! Beaucoup de pureté, un vin qui va prendre de l’ampleur avec le temps et gagner en gras.
- Un merveilleux chardonnay non ouillé, sous la cuvée des Chartreux, qui passera un peu plus de 3 ans sous voile* et qui vous donnera des notes oxydatives* et puissantes de noix verte, de curry, ce petit côté amidon de pomme de terre. Spécificité du Domaine.
- Un vin de paille, gourmand et complexe, compagnon de l’apéritif, d’un fromage crémeux ou bien d’un dessert accompagné d’une glace aux fruits confits.
Le principe du vin de paille, c’est de récolter, sans tenir compte de la couleur du raisin, des cépages blancs et rouges. Puis ceux-ci sont passerillés*, c’est-à-dire concentrés en sucre, flétris.
Au début de cette pratique, les raisins étaient récoltés puis suspendus au grenier dans le but d’être consommés comme raisins de table.
Par la suite, les raisins furent déposés sur des clayettes de paille, dans un endroit bien aéré (en général, le grenier) afin de favoriser l’évaporation de l’eau et la concentration en sucre, pour être ensuite vinifiés et donner naissance à un vin doux.
Au Domaine Pignier, on utilise nombre de cépages pour le vin de paille, mais les principaux sont le chardonnay, le savagnin, le poulsard.
- N’oublions pas le vin jaune , taillé pour affronter le temps. Vous l’achetez mais n’en êtes pas le propriétaire, ce sont vos héritiers qui en profiteront le mieux ! Le principe est de mettre votre vin issu du cépage savagnin en barriques de 228 litres et de ne pas pratiquer d’ouillage* pendant au moins 6 ans et 3 mois (7 ans au Domaine Pignier) de laisser s’opérer une oxydation ménagée et voulue.
Les pigments du vin se teintent et prennent progressivement la couleur et le goût dit de « jaune », d’où son nom. La surface de votre vin va se doter d’une fleur de levures indigènes, celles-ci vont à la fois se nourrir du vin et en même temps le protéger.
L’on part du principe qu’il y a 100 cl de vin et que la déperdition due au « non-ouillage » de votre fût sera de 38 %, donc vous aurez sur la table une bouteille de forme spécifique, aux épaules larges que l’on appelle le « clavelin » et qui renferme 62 cl de vin jaune.
Celui-ci sera servi à température de cave, vers les 13 °C -15 °C, il développera des notes de rancio*, de fruits secs comme la noix, la noisette, l’amande, de pain grillé, miel, cannelle, vanille, caramel, pain d’épices, céleri, curry, fenugrec…
C’est un vin puissant qui se mariera à merveille avec des fromages comme le beaufort, le comté ou avec un plat emblématique de la Bresse, la fameuse poularde au vin jaune et aux morilles.
Les rouges
- Les vins rouges ne sont pas en reste, en particulier un pinot noir fin et élégant, éclatant. La grande classe ! Il entre dans l’assemblage de la cuvée Léandre.
- Un poulsard gourmand aux petites notes de fruits rouges (la grenadine), à prendre en apéritif ou sur des charcuteries et des fromages.
- Un trousseau racé aux notes fumées, de poivre blanc et de fruits rouges, qui se mariera merveilleusement bien avec une saucisse de Morteaux aux lentilles. - Vous avez la possibilité d’avoir une autre version, celle-ci « sans soufre » : c’est la cuvée Gauthières. Aux amateurs et chanceux ce vin n’exprime pas la même chose, c’est une autre histoire.
- La cuvée confidentielle est issue de vieux cépages locaux et porte le prénom du grand-père : Léandre, sans soufre ajouté et sans filtration. Elle est produite comme avant les réglementations des appellations. Une merveille de finesse et d’élégance, légère et fruitée, qui ravira tous les palais.
- Et pour égayer nos soirées et faire la fête, ce crémant du Jura qui n’a rien à envier aux champagnes et se paye le luxe de rester 24 mois en cave avant d’être commercialisé. Un pur chardonnay « blanc de blancs » aux notes florales et de fruits secs. Un bel apéritif assurément.
- Cette même version, mais sans soufre, qui s’appelle L’Autre, séduira les amateurs de pureté et d’équilibre : il n’y a pas de dosage en sucre qui pourrait masquer des défauts, voire une non-maturité des raisins.
La vie reprend ses droits !
Comme me le disait Jean-Étienne au cours de ses années d'exploitation, il a vu son vignoble changer, ses vignes avoir un enracinement plus profond, il a vu ses vins s’exprimer différemment et surtout révéler la minéralité.
Puis, du point de vue de la nature, il est passé d’un seul nid d’oiseau sur la totalité de son vignoble à maintenant plusieurs nids par rang de vigne : la vie reprend ses droits !
Pour obtenir tel changement Antoine et Jean-Étienne ont fait appel à un bio-dynamiste de renom, Pierre Masson. Les principes de la biodynamie peuvent sembler mystiques, mais finalement tout peut s’expliquer de manière plus rationnelle. Quoi qu’il en soit les résultats sont là, probants, et la nature dans sa globalité est préservée de l’action de l’homme par les produits chimiques.
Au début de ce mouvement était Rudolph Steiner puis, bien plus tard, Nicolas Joly, du Clos de la Coulée de Serrant, impulsa ce mouvement et témoigna de ses expériences en biodynamie.
Nicolas Joly, qui est aux origines du salon Renaissance des A.O.C., partant du principe que les A.O.C en 1936 avaient un profil que l’on peine à reconnaître tant les vignerons et les méthodes culturales se sont éloignés des débuts par le biais de la mécanisation à outrance et surtout de l’apport du tout chimique dans les vignobles.
Ne perdons jamais de vue que la viticulture représente 3 % de la surface plantée en France et utilise 30 % des pesticides vendus à l’agriculture.
Antoine constate également que les vins issus d’une viticulture conventionnelle accusent, même au fil du temps, un déséquilibre, et que la première chose que l’on décèle chez eux au nez c’est l’alcool. Alors que les vins biodynamiques ont un fondu naturel de la structure, un bon équilibre entre l’acidité, l’alcool et les tannins.
Petit lexique
- Vin de voile. Les vins de voile se caractérisent par le développement, après fermentation alcoolique, de levures formant un voile à la surface du vin, au contact de l’air ambiant (durant sa phase de vieillissement en tonneau). Cette pratique, peu répandue pour le vin du fait des risques de piqûre acétique lors de la conservation dans des contenants non ouillés, lui confère des caractéristiques organoleptiques spécifiques (arôme de noix fraîche et très grande longueur en bouche, en particulier). Parmi les vins élevés de cette manière, on peut citer les vins de Xérès, ou les vins jaunes du Jura, qui doivent vieillir pendant 6 ans « sous voile ».
- Notes oxydatives (rancio). Résultat de l’action de l’oxygène de l’air sur le vin. Excessive, cette action se traduit par une modification de la couleur (tuilée pour les rouges, ambrée pour les blancs) et du bouquet. Arômes d’évolution (fruits secs, orange amère, café, rancio…)
- Raisins passerillés ou passerillage. Dessèchement naturel ou artificiel des raisins pour augmenter la teneur en sucre du jus.