Frédérique (Piegros La Clastre)
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Frédérique (Piegros La Clastre)
La pluie qui tombe efface les traces et les pourtours des branches. Je ne sais plus très bien si j’ai un tilleul à quatre pattes ou plusieurs arbres. Pareil pour le bosquet de chênes en surplomb. La pluie a fait taire tous les oiseaux, elle règne en maîtresse des lieux qui absorbe les sons, les contours et aussi, doucettement, la lumière. Je ne vois déjà plus les contreforts du synclinal, ni même le bout du jardin. L’ancien chemin charretier, un peu bouché par les figuiers, a disparu dans un brouillard de gouttelettes. Un brouillard dense qui me coupe peu à peu de mon environnement. Un brouillard qui me confine et me privera tout à l’heure de l’insolent spectacle du coucher de soleil.
Les branches sont vides d’oiseaux, vides des geais qui sillonnaient l’horizon de leurs allers-retours au cerisier. L’eau coule et rince l’écorce de tous les pollens odorants de ces derniers jours, venus des pins sylvestres des alentours. Bientôt les tilleuls exsuderont à leur tour leur miellat parfumé. Ballet d’abeilles à venir. Pour l’instant tout est suspendu au bruit doux de la pluie, en attente, entre jour et nuit, dans une lumière blafarde.
Je distingue à peine les godets des plants qui attendent que je les dispose au jardin. Je ne vois plus non plus le céphalenthère qui termine sa floraison blanche ; la pluie a avalé les orchidées singes qui pontillaient de rose le talus escarpé sous les chênes. Seule la voiture semble indifférente à cette agitation aqueuse autour d’elle. Elle garde sous son ventre un tapis de graviers blancs, au sec, dans lequel les graminées peineront à s’épanouir, faute d’eau.
Alors tout près de moi, au bout de mes yeux, je regarde le petit pêcher qui se tient vaillamment près du mur, pour conserver toute la chaleur possible pour faire mûrir ses pêches. Là, elles sont encore de la taille d’une amande, mais déjà délicatement colorées, couleur soleil levant pour l’instant. Promesses sucrées.