Chapitre X : "Un de moins"
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Chapitre X : "Un de moins"
Nous arrivons enfin au dernier étage, essoufflés. Un meuble au bout du couloir nous indique que Forest est dans le grenier. Les membres de la famille Esterion sont en train de nous rejoindre, sans vraiment le vouloir.
- Forest ! hurle Noémie. Forest, on arrive !
- Au secours, lance-t-il depuis le grenier. C'est en train de s'approcher de moi !
- Approches toi de la trappe !
- Je ne peux pas, elle est bloquée !
De son coté, Forest ne peut que constater que le démon s'approche de lui, lentement mais sûrement, la pluie cogne contre la vitre, la mort approche.
- Poussez vous ! lance Théodore, montant sur le meuble.
Il utilise toutes ses forces pour tenter de soulever la trappe ! Il commence à y parvenir mais d'un coup, un poids referme la trappe et fait tomber Théodore. De son coté, Forest ne peut que constater avec horreur que le démon a plaqué sa main contre la trappe, comme pour lui dire "tu ne sortiras pas d'ici". Cette chose se rapproche de lui, lentement. Forest sait qu'il n'en a plus pour très longtemps. Le démon s'apprête à abattre ses griffes sur l'enfant, mais, au rez de chaussée, Iris se débat encore ! Les griffes s'abattent juste à coté de Forest, qui continue de reculer. Une marque se fait dans le bois. Elles pourraient aisément transpercer un homme. Le démon hurle à nouveau, de quoi effrayer tout le monde. Sachant qu'il ne va pas survivre à cette nuit, Forest prend son courage à deux mains.
- Il est grand ! hurle-t-il. Sa peau est décharnée ! Ses griffes semblent mortelles !
- Forest, on arrive ! répond Noémie. Bon sang, cette fichue trappe !
- J'ai trouvé le collier, je peux le voir ! J'ai aussi trouvé une lettre ! Il est lent à se déplacer, mais ses longs bras lui permettent de combler ce défaut !
Forest ramasse la lettre du cadavre présent dans le grenier et se dirige aussitôt vers la trappe. Le démon a finit de se débattre dans le vide, il se reconcentre sur l'enfant. Noémie et moi parvenons à légèrement soulever la trappe, nous voyons Forest se retourner vers un coin du grenier en s'affolant.
- Forest ! hurlais-je. Viens, vite !
Il s'approche, mais trébuche. Comme si quelque chose retenait son pied. Forest retire le collier religieux et nous le donne en même temps que la lettre par l'interstice qui nous permet de le voir. Soudain, on dirait qu'il est tiré en arrière, il se retient de peu.
- Forest ! hurle Noémie.
- Il m'entraine ! explique Forest.
D'un coup, Forest est tiré en arrière, dans l'ombre. Nous ne le voyons plus. Un seul cri nous alerte. Soudain, trois éclairs laissent apercevoir, l'espace d'un battement de cœur, une silhouette monstrueuse. Un hurlement nous terrifie, puis soudain un bruit de fenêtre cassée nous alerte. Théodore nous écarte et ouvre brutalement la trappe, nous pouvons enfin accéder au grenier ! Hélas, nous arrivons trop tard. Le cadavre de Forest est au fond, quelque chose lui a transpercé le ventre. Je regarde le collier qu'il nous a donné... Il a sacrifié sa vie pour nous aider. Nous lui rendons hommage et mettons un drap sur lui, puis redescendons après avoir barricadé la fenêtre. J'aperçois Iris saigner du nez.
- Qu'est-il arrivé ? demandais-je.
- J'ai lutté, explique-t-elle. J'ai vu ce qu'il s'est passé. Je suis navrée.
- Tu as luttée ? s'interroge Théodore. Tu es restée ici. Comment est-ce possible ?
- J'ai utilisé notre lien, mais il ne s'est pas laissé faire. Je n'ai pas été assez forte.
- Assez de conneries, s'impatiente Noémie, Forest est mort ! Où est son meurtrier ?! Si tu as un lien avec lui, tu dois bien le savoir, non ?!
- Pas pour le moment. J'ai besoin de me reposer un peu. Si vous mettez des torches près des fenêtres, il ne devrait pas se risquer à entrer dans le manoir. Il a trop peur du feu.
Hélas, aucun de nous ne peut remettre en question ses paroles, désormais. Nous en sommes maintenant sûrs. Un démon hante cette île, et il veut notre mort. Nous nous dépêchons de disposer des torches à chaque fenêtre de chaque étage, puis nous regroupons au rez de chaussée.
- Bon. Il y avait une lettre avec le collier, commençais-je. Lorsque nous avons mis une torche dans le grenier, nous avons remarqué un cadavre qui ne date pas d'aujourd'hui. Je pense que Forest a trouvé les deux objets sur lui.
- Je pense qu'il s'agis de Dan, explique Iris. Il tentait d'autres méthodes que les prêtres habituels, mais tenait quand même compte de leur avancée. Nous nous sommes toujours demandé où il avait bien pu aller, je pense que nous avons notre réponse. Cela fait un an qu'il est dans le grenier.
- Personne n'est jamais allé dans le grenier ? demande Théodore, surpris.
- Personne ne pensait à y aller. Le démon fait en sorte à écarter les gens de cet endroit, justement pour éviter qu'on ne découvre le collier.
- Malheureusement, Forest s'est jeté dans la gueule du loup, murmure amèrement Noémie.
- Dans cette lettre, il parle de la dague et du collier, reprenais-je. Il parle de briser le collier ? Mais dans quel but ?
- Le collier permet de le voir, répond Iris. Il ne faut surtout pas le briser.
- Il parle en même temps de la dague, remarque Noémie. Peut-être qu'il faut briser le collier avec la dague ?
- La dague peut affaiblir le démon, mais aurait elle un lien avec le collier ?
- Si on lie les deux, il se pourrait peut-être que détruire le collier avec la dague rende visible le démon aux yeux de tous, suppose Théodore.
L'hypothèse nous intéresse tous... Mais nous n'avons pas la dague. C'est ce fou de Thomas qui la possède. Bon sang, il va falloir organiser une chasse à l'homme.
Les jours passent. Aucune nouvelle de Thomas. Il est forcément sur l'île, mais il attend le moment idéal pour frapper. Les torches disposées partout dans le manoir ont l'air de fonctionner, nous n'entendons plus de grincement. Nous prenons chacun un fusil et un pistolet, chargés, afin d'être prêts à tirer à tout moment. La nuit, nous faisons des tours de garde. Si mes calculs sont bons, le navire faisant le ravitaillement de l'île devrait bientôt arriver. Vu la menace, il faut faire évacuer les habitants, personne ne doit rester plus longtemps sur cette île, c'est bien trop dangereux. Une fois la nuit tombée, je prend mon tour de garde. Je vérifie les chambres, les escaliers... Le grenier. Dehors, un épais brouillard empêche de voir au loin. Je continue d'inspecter les lieux... Soudain, j'entend Iris se réveiller, comme si elle venait de faire un cauchemar.
- Adam ! appelle-t-elle.
- Qu'y a-t-il ?
- Le village ! Il se passe quelque chose !
- Bon sang ! Noémie ! Noémie, Théodore, debout !
J'ordonne à Théodore de surveiller les lieux et fonce avec Noémie en direction du village. Le brouillard nous empêche de voir le danger, une fois là-bas, mais nous comptons sur nos torches pour nous protéger de ce démon. Un hurlement quelque part. Des gens sont déjà dehors. Si c'est Iris qui nous a prévenus, j'en conclue que c'est causé par le démon. Serait-il lassé de la discrétion ? Nous nous dirigeons vers le bruit... Puis apercevons quelqu'un, un vieil homme plein de terre et avec des vêtements en lambeaux, en train de mordre la nuque d'une dame. Je lui hurle d'arrêter. Il se retourne, la bouche en sang. Son apparence décharnée aurait dû me surprendre en première, mais à la place je suis attiré par un détail des plus importants : Il a un trou dans la poitrine. Soudain, je percute. Ce n'est pas un membre du village, c'est un membre du cimetière.
- Nom de Dieu, mais quelle est cette abomination ?! lançais-je, surpris de voir un cadavre marcher vers nous.
- Adam, que fait-on ?! demande Noémie, tout aussi surprise.
- U-Un pas de plus et je tire !
Il continue d'avancer, d'autres villageois approchent, dont le médecin.
- Docteur, le connaissez vous ?! demandais-je.
- Oui, répond-t-il, mais c'est pourtant impossible qu'il soit en vie ! Il... Il n'a plus de cœur !
- Alors le problème est vite réglé, il faut viser la tête ! réplique Noémie en braquant le canon de son fusil vers le mort-vivant.
Un coup de feu se fait entendre. Le corps tombe. Toutes les personnes présentes ne savent pas comment réagir. La femme qui était attaquée se fait aussitôt examiner par le médecin. Je rejoins Noémie, qui baisse lentement le canon de son arme. Comment est-ce possible ? Comment un mort a-t-il pu revenir à la vie ? Je pense avoir la réponse, mais elle me parait complètement dingue. C'est le démon qui a fait cela. Une question me vient alors à l'esprit. Et s'il y en avait d'autres? D'autres morts-vivants? Un cri de terreur nous interpelle. En me retournant, la surprise est de taille : le mort qu'a abattu Noémie se relève. Elle avait tiré dans sa mâchoire, apparemment. Je lui tire à bout portant dans le crâne, il ne bouge plus du tout. Voilà qui va compliquer les choses. Nous rechargeons nos armes.
- Retournez chez vous, ordonnais-je. Ne sortez pas tant que ce brouillard n'est pas dissipé ! Quelque chose d'anormal est en train de se produire, nous allons enquêter !
Les gens obéissent. Nous faisons une ronde dans le village, mais on dirait qu'il n'y a pas d'autres morts mécontents de leur statut. Noémie n'a pas l'air très rassurée, mais je n'y peux pas grand chose car je ne le suis pas non plus. Une balle en pleine tête semble les calmer, mais que pourrions nous faire si jamais ils continuaient de revenir? Nous n'avons pas énormément de munitions. Il faut réfléchir à une solution. Après avoir inspecté les lieux, nous nous dirigeons vers le manoir... Mais quelque chose interpelle Noémie. Dans les bois, elle aperçoit le cadavre d'un renard. En l'examinant de plus près, nous remarquons qu'il n'a pas de trou à la place du cœur, comme toutes les victimes du démon, mais plutôt qu'il a été tué pour être mangé par quelqu'un. Je soupçonne Thomas. Un bruit de branche qui casse, au loin. La tension monte, impossible de savoir qui a fait ce bruit. Nous agitons nos torches au cas ou puis reprenons notre route jusqu'au manoir. Une fois là-bas, je me dirige vers Théodore, qui est curieux.
- Qu'est-il arrivé ? demande Théodore.
- Il se passe vraiment des choses étranges, sur cette île, répondais-je. Nous venons de tuer un mort.
- Pardon ?
- Un mort, lance à son tour Noémie. Un mort est sorti de sa tombe et a attaqué les villageois. Je n'en reviens toujours pas.
- Ce n'est pas fini, explique Iris. Il va recommencer. Ses prochaines cibles... Seront vous.
- Pourquoi ? demandais-je. Il doit bien vouloir surveiller Thomas, non ?
- Justement, il ne peut s'occuper de deux choses à la fois. Il va envoyer ses sbires. Il n'y aura pas que les membres du cimetière, mais aussi tout les animaux qu'il a emporté. Il faut se préparer à une attaque massive.
- Je doute qu'il puisse nous faire peur avec des vieillards décharnés et des renards.
- Il prend tout les êtres vivants morts de cause naturelle, Adam. Il y a des choses bien plus terrifiantes que des vieillards et des renards, sur cette île.
- Bon sang, il va falloir nous équiper, lance Noémie. Mais que faire des villageois ? Les habitants de l'île, ils ne vont pas attendre sagement dans leurs maisons que des morts les attaque ?
- Le bateau de ravitaillement devrait bientôt arriver, répondais-je. Ils monteront dedans.
- Que faire si le démon se décide à faire chavirer leur navire comme il l'a fait pour le nôtre ? demande Théodore.
- Marie-Anne montera à bord, cela devrait l'éloigner.
- Espérons que ça marche.
Deux jours plus tard, le Navire de ravitaillement arrive. Nous ordonnons à tout le monde de monter dedans. Certains sont sceptiques, mais le mort qui était revenu à la vie ne les rassure pas non plus. Je demande à Marie-Anne de renvoyer un Navire dans la semaine, elle doit expliquer qu'un meurtrier se trouve sur cette île. Il faut ramener le plus de forces armées et religieuses que possible. Si nous échouons à nous débarrasser de ce Démon, il faudra que quelqu'un prenne la relève.
Une fois que tout le monde a embarqué, nous rentrons au manoir avec le médecin. Il voulait partir, mais hors de question qu'il s'en sorte aussi facilement. Une fois à l'abris, nous mettons en place des barricades de fortune puis je rassemble tout le monde dans le salon. J'ai même fait amener le vieillard de la famille Esterion.
- Pourquoi sommes nous restés ? demande Edith.
- Vous nous mettez en danger ! accuse le médecin.
- Si vous mettez ma famille en danger, commence Arthur, vous le paierez !
- Du calme, ordonnais-je. Tous autant que vous êtes, vous avez une raison d'être ici.
- Ah oui ?! s'indigne Arthur.
- Oui. Vous doc, vous avez menti à la population de cette île. Vous saviez ce qu'il se passait depuis bien longtemps mais vous vous êtes muré dans le silence. Vous ne valez pas mieux que Thomas.
- Comment osez vous ?! peste le médecin. Je n'ai jamais demandé à porter un tel fardeau !
- Laissez le en dehors de ça ! enchaine Marylin.
- Très bien, passons à vous ! Edward et Marylin, vous avez comploté afin de libérer Thomas de sa cellule, n'est-ce pas ? Vous ne vouliez pas laisser la mort de votre fils impunie !
- Mais il l'a tué de la plus atroce des façons ! réplique Edward.
- Il, pas Elle ? Donc vous reconnaissez que ce n'était pas Iris ! C'était bel et bien le démon qui a tué votre fils, et vous avez voulu faire porter le chapeau à la seule personne que vous pouviez atteindre !
- Sans elle, peut-être serait-il parti !
- Sans elle, il serait peut-être fou de rage, à l'heure qu'il est ! Ce n'est que par miracle qu'il n'ait jamais décidé de s'en prendre à tout le village de la même manière qu'il s'en est pris à votre fils !
- Cela suffit ! ordonne Arthur.
- Oh, mais vous n'êtes pas hors de cause non plus, Arthur ! Vous et votre femme avez clairement maltraitée votre fille, si vous aviez cherché à l'aider d'une autre manière, peut-être qu'elle aurait eu une vie normale malgré ce qui nous tourmente actuellement !
- Comment osez vous ? demande Edith.
- Mettre votre fille au dernier étage avec à peine de quoi nourrir un enfant de cinq ans, ça vous parait normal, vous ? assène Noémie.
- Et pourquoi n'avez vous pas fait sortir mon père de cette île, vous qui êtes si bon ?
- Ce vieil homme aurait tué tout les membres du Navire, répliquais-je.
Les membres de la famille Esterion ne comprennent pas.
- Aden, votre père, est la meilleure proie pour ce démon, expliquais-je. Il est le plus à même de mourir de cause naturelle de par sa vieillesse.
Tous se retournent vers lui... Les grincements à chaque fois que je passais près de lui me paraissent désormais logiques : Le démon protégeait son futur repas, il vérifiait que personne ne lui fasse de mal.