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Mario 8/9

Mario 8/9

Publicado el 22, abr, 2023 Actualizado 25, may, 2023 Cultura
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Mario 8/9

Mario arrive à l’auberge dans la soirée, vers la fin du mois. Angelo le voit en contre jour mais il le reconnaît tout de suite. Son cœur accélère. Mario était la guerre, Mario était le froid des nuits au front, Mario était l’amitié, Mario était la confiance absolue, Mario était le coup d’éclat, Mario était le sanglot dans la nuit, Mario était celui dont il pouvait se fier, quand il n’arrivait pas à se fier de lui-même. Ils se serrent dans les bras, en silence, au milieu de la salle. Mario s’assoit à une table, Angelo coupe quelques figues cueillis le soir même dans le jardin et sort deux verres et la meilleur de ses bouteilles. Il en sert à tous les deux. Ils en regardent ensemble la couleur, ils en respirent l’arôme, puis ils entrechoquent les verres calmement. 

"On m’a dit, qu’il y a du nouveau à l’auberge…"," Oui". "On le comprends rien qu’en te regardant, qu’il y a du nouveau. Tu as quelques chose de différent dans le regard... ça m’interpelle plus que tout ce que j’ai entendu dire en ville…", "On entends parler autant d’elle en ville?", " Désormais on ne parle que de cela, de l’étrangère de l’Auberge de la Lagune Nord. Tu m’en dit quoi?", "Que la sagesse et l’Amour ont fini pour atterrir chez moi. Je n’imaginais pas que c'était possible de les trouver dans la même personne. Mais depuis je me sens tellement bien...", "Elle s'apppelle comment, l'étragère?", "Anna Hylan", "Nom curieux, elle vient d'où?", "Aucune idée, personne n’ose lui demander, moi non plus je n’ose pas. Je ne connais que ce qu’il y a écrit sur son passeport. Un passeport très récent. Suisse de surcroît. Le document le plus anodin qui m’est passé entre les mains dans cette auberge, appartenant à la femme la plus incroyable qui n’ait jamais mis le pieds dans cette île, j’en suis certain. Elle est née à Crète, mais Hylan ce n'est pas un nom de famille grecque...","Tu es avec elle? On dit qu’elle a un lien très spécial avec toi... "

Il est étonné que des nouvelles si détaillés soient arrivée jusqu’à ses oreilles, vu que Mario vit très loin de l’île et Anna est dans son auberge depuis peu de temps. Il ne sait pas trop quoi lui répondre: il ne veut pas lui dire que avec Anna il n’est jamais allé plus loin que quelques échanges dans la salle commune ou dans le jardin, non pas pour orgueil masculin, juste pour ne pas diminuer aux yeux de Mario l'importance d'un sentiment qui grandissait chaque jour, même si chaque nuit il lui semblait impossible que Anna prenne plus de place dans ses pensées. Il ne veut pas non plus mentir à Mario, en feignant davantage d'intimité de celle qui s'était crée spontanement entre eux. Il choisit de dire la simple vérité et il lui répond: "Effectivement je suis tombé amoureux de l’elle du premier instant où je l’ai vue, mais je ne suis pas avec elle, pas encore. Je ne sais même pas comment m’y prendre...c’est la première fois que cela m’arrive...mais si jamais j’ai voulu quelques chose dans ma vie, c’est cette femme là. Je n'ai aucune idée de ce qu'elle fait de son temps... pourtant on vit sous le même toit. On l’entend à peine bouger, mais dès qu’elle bouge, dès qu'elle parle, on a comme l’impression que … qu’il n’y a qu’elle qui existe au monde...je ne sais pas comment l'expliquer… dès qu'elle est là elle remplit tout, en quelques instants. Puis elle monte dans sa chambre et moi je pense, tout le long de la journée, aux peu des minutes qu'on a passé ensemble". "On dit qu’elle a quelque chose de si droit, de si net dans sa manière de parler, dans sa manière de faire qu’elle impose le respect rien qu’à la regarder, à l’écouter, qu’elle connaît des choses étranges et qu’elle a comme une sorte de pouvoir mystérieux, je n’ai pas bien compris, mais il paraît que c’est quelque chose de très impressionnant, du jamais vu, au moins ici chez nous... même si personne ne sait dire ce que c’est...", "Ils ne mentent pas, je ne saurais pas t'en dire davantage, moi aussi je ne cesse pas de m'interroger à ce sujet. Elle parle très peu, mais chaque fois qu'elle le fait elle dit des choses étonnantes. Pas bizarres, juste tellement insolites... et pourtant elles font sens, visiblement pour tous ceux qui l'écoutent. Quant à moi, tout ce qu'elle dit, tout ce qu'elle fait m'interpelle énorment, malgré ce soit le genre de questions sur lesquels je ne me suis jamais attardé auparavant. Je découvre un monde dont je n'imaginais même pas l'existence. C'est comme si on avait renversé la clepsydre du temps de ma vie. Quand je suis arrivé dans cette île, je pensais d'avoir vécu tout ce qu'il avait à vivre de ma vie d'homme et que la fine couche de sable resté en haut de la clepsydre allait couler vres le bas, sans m'emmener rien de nouveau, sinon la paix et du repit. Depuis qu'elle est là, j'ai comme l'impression que ce que j'ai vécu est une fine couche de sable qui s'est posé en bas et qu'en haut il y a encore une vie entiere à vivre. Une  vie où tout est encore à découvrir. Je me sens un peu comme autour de mes treize ans, quand je rêvais et j'attendais, impatient, que ma vraie vie commence. Quand elle a choisi mon auberge, elle m'a choisi, en quelques sorte...comme une espèce d'ange qui est là pour la proteger ou proteger quelques chose d'important...elle m'a dit cette phrase le deuxième jour après son arrivée, quand je me suis présenté: Angelo c'est bien. Les anges ça protège... j'y pense tout le temps, parce qu'elle ne l'a pas dit au hasard", "En Ville on dit qu’avec toi c’est comme si vous vous connaissez depuis toujours...", "Oui, c'est vrai", "Tu l’aimes?", "Oui", "Elle t’aime aussi ?", " Oui. Je pense que oui", "Elle est seule ?", " Oui, comme moi". Il éprouve un très grand plaisir en le disant. Depuis qu’il avait vu Anna déclarer avec tant de fierté qu’elle l'était, seule, qu’il n’avait plus aucune honte de le dire de lui même. N’être pas obligé d’avoir quelqu’un ou quelque chose à afficher dans sa vie d’homme lui semble une manière d’affirmer cette même force. Il avait compris que la force de leur sentiment naissait de là. La puissance de deux mondes, suffisants à eux même, qui s’étaient choisis. 

 

L'Aubergiste, texte inédit 2019.  Extrait  

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