Luque a touché Bayonne en plein coeur
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Luque a touché Bayonne en plein coeur
Je vous avais vus. Oui vous, qui, au détour d'une conversation, ou sur les réseaux sociaux, affichiez votre manque de motivation à vous rendre à Bayonne ce mercredi. "Je n'aime pas les seul contre six", "ce n'est pas une figura", "je me réserve pour Ponce le lendemain à Dax", telles étaient les excuses avancées parmi tant d'autres. Laissez-moi vous dire que vous n'aviez rien compris à l'affiche du soir. Daniel Luque, l'un des matadors les plus en forme du moment, seul contre six toros de ses trois élevages de prédilection, dans sa plaza favorite. Ajoutez à cela le décor et les costumes d'une corrida goyesque, ainsi qu'un quatuor de flamenco prêt à jouer tambour battant pour le torero andalou. Les quelques 6000 spectateurs présents dans les gradins ne s'y sont pas trompés. Ils ont même assisté à la faena de la décennie à Lachepaillet.
Dès le départ, cette soirée s'annonce spéciale. À l'arrivée de Daniel Luque, 20 minutes avant le paseo, la pression monte d'un cran. Les photographes se pressent, le maestro s'échauffe. Concentration maximale à l'abri des regards des spectateurs, qui ont eux déjà découvert le théâtre de cette corrida goyesque : les balcons sont parés de tissu, les talanquères de peintures, tout d'un bleu profond. Même la piste a été entièrement teinte pour l'occasion. Au rythme de l'Harmonie Bayonnaise, Luque pénètre sur le ruedo dans un costume bleu ciel (certains diront aviron). Le public adresse une première ovation, le spectacle peut débuter.
Torestrella, Pedraza de Yeltes, Puerto de San Lorenzo puis rebelote. Tel était l'ordre d'entrée choisi par le maestro. Dès les premiers capotes, il donne le ton : la passe est soyeuse, le touché palpable, et les véroniques comme les demis s'enchaînent sans aucun accroc. Les deux premières faenas sont déjà très abouties face à des bichos pleins de classe. Le temple est là, à droite comme à gauche, et Luque obtient sa première oreille immédiatement. Mais son estocade bajonaza l'empêche de doubler la mise au second taureau. Il se rattrape à son premier San Lorenzo, avant de rapidement jeter l'éponge au quatrième, trop faible et manquant de charge.
Daniel et Mironcillo
C'est alors qu'entre en piste Mironcillo. Le Pedraza colossal de 633 kilos donne l'impression, dès son arrivée, d'arrêter le temps. Vous savez, cette impression, tout à coup, que chaque nouvel événement ne pourra se dérouler que pour le mieux, que tout les différents éléments entrent en harmonie pour offrir un moment inoubliable. C'est à cela qu'à ressemblé la lidia de Mironcillo. Le taureau colorado offre tout d'abord le tercio de piques mémorable qu'attendait le public de Lachepaillet depuis si longtemps. Brave au possible, il se jette dans le matelas à trois reprises, dont un appel à mi-piste faisant s'écrouler le canasson. Le piquero Juan Francisco Peña sort sous une ovation méritée. Parfaitement banderillé, Mironcillo va enfin démontrer une grande classe dans le dernier tiers.
Face à ce noble adversaire, Daniel, visage impassible, se laisse porter par l'inspiration. Ses derechazos sont parfaits, léchés, le public est tout acquis à sa cause, et le Concerto d'Aranjuez repris par le quatuor musical vient finaliser la symbiose. Luque est au sommet de son art. Il domine, tout simplement, en épousant les charges parfois surprenantes de Mironcillo, avant de terminer sur des luquesinas sublimes dans les pétales de rose. Une pétition du premier indulto de l'histoire bayonnaise descend des tendidos, requête qui aurait sûrement été acceptée dans d'autres arènes françaises et espagnoles. Mais Mironcillo a malheureusement trop faibli sur la fin, et Daniel se résout rapidement à estoquer son bicho. Ses trois-quarts de lame font mouche. "Il est touché, il est mort", entend-t-on dans le callejon. Cependant, dans son ultime combat, Mironcillo lutte. Deux minutes, trois minutes passent sans que le Pedraza ne flanche. Avisé, Luque vient caresser l'autre héros du soir avant son dernier souffle, sous les applaudissements de Lachepaillet. La vuelta posthume est plus méritée que jamais.
L'afición bayonnaise est aux anges. Son protégé, ému aux larmes, vient de réaliser la faena de sa vie. Le passage du sixième taureau de San Lorenzo passe presque inaperçu tant les gradins semblent encore happés par la performance de l'Andalou. Au moment d'entamer le tour de piste, Daniel Luque tenait dans ses mains deux oreilles et une queue, la première à Bayonne depuis 2006. Mais au-delà des trophées obtenus, l'enfant de Gerena aura transmis un florilège incroyable d'émotions pendant près de trois heures, et prouvé qu'il avait définitivement l'étoffe d'une "figura". Alors messieurs-dames les absents, la prochaine fois que vous aurez l'occasion d'aller voir Daniel Luque à Bayonne, essayez d'être là. Vous ne le regretterez plus.