La Légende du grand judo d'Akira Kurosawa
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La Légende du grand judo d'Akira Kurosawa
La Légende du grand Judo est le premier film d'Akira Kurosawa. Réalisé en 1943, et bien que victime de la censure lors de sa réédition en 1944 (amputé de 600 mètres de pellicule), le film reste une œuvre d’une grande beauté où la technique et la création cinématographique du cinéaste servent un récit riche en enseignements.
En 1882, dans le Japon de l’ère Meiji, Sanshiro Sugata, interprété par Susumu Fujita, arrive dans un port japonais, à la recherche d’un maître du Ju-jitsu, Monma Saburo, interprété par Kosugi Yoshio. Bien que, reçu à l’école de ce dernier, le chemin du jeune homme prend une toute autre direction qui conduira le spectateur à suivre l’évolution d’un initié dans la voie du Judo, sous l’autorité ferme et bienveillante du maître Yano, interprété par Okochi Denjiro.
La Légende du grand judo : deux voies, un choix.
Reçu dans le groupe des rustres disciples du maître du ju-jitsu, Sanshiro Sugata entend parler d’une nouvelle technique de combat appelée le Judo. Monma et ses adeptes considèrent d’emblée Yano, comme un rival tout en jetant le doute sur les intentions du maître du Judo voyant en lui un imposteur qui convoite le pouvoir et veut gagner de l’argent.
La conspiration fait suite à un guet-apens pour éliminer Yano. L’agilité du maître du judo a raison de ses adversaires. Admiratif, Sanshiro Sugata, qui ne prend pas part au combat, prie Yano de le prendre pour disciple. En effet, le jeune homme n’avait aucun entrain à suivre l’équipe dans leur entreprise meurtrière. Le sac de voyage qu’il a emporté avec lui renseigne le spectateur sur le sentiment du jeune homme qui ne cautionnait pas le crime.
Cependant, en se proposant de faire le coursier du maître qui l’accepte, il est embarrassé par ses geta dont il ne sait que faire, il finit par les jeter à terre, non sans une certaine souffrance.
Le judo, chemin initiatique pour Sanshiro Sugata
L'aspirant Sanshiro Sugata, tout en conduisant le maître dans son pousse pousse, vient de faire son entrée dans la voie, chemin difficile dont le jeune homme ignore tout des épreuves qui l'attendent.
On se rappelle son arrivée joyeuse et le chant des trois jeunes femmes qui ouvrent le passage :
« Dis-moi donc quel est ce passage étroit ?
C’est celui de Messire Tenjin
Veux-tu bien me laisser passer ?
Nul ne passe s’il n’a affaire... »
Senshiro Sugata entre dans une voie périlleuse où la connaissance est acquise au prix de l’effort et du combat intérieur et extérieur.
La chaussure indique la direction et on se déchausse, généralement, en entrant dans un lieu sacré. L’entrée de Senshiro Sugata dans la voie du judo paraît obéir à une force extérieure qui le dirige malgré lui.
La caméra suit la chaussure et son parcours. Tantôt menée par le vent, tantôt par un chien, elle va au gré des forces de la nature. Implicitement, le spectateur est amené à deviner l’état dans lequel le disciple Senshiro Sugata se trouve depuis son entrée à l’école du judo.
En effet, Senshiro Sugata reste divisé, une partie de lui aspire à suivre le maître et une autre partie, non domptée, n’obéit à aucune volonté propre, l’illustration de cette dualité chez Sugata est présentée dans la scène de rue où il se bagarre, aveuglément, réagissant aux provocations et aux défis lancés par des jeunes gens.
Le jeune Senshiro Sugata n’a pas assimilé le principe fondamental de la voie du judo.
Le Judo, une technique au service de la vie.
La caméra d'Akira Kurosawa dirige notre regard vers les expressions des combattants pour qu’on comprenne le ressort de leurs mouvements internes. Qu’est ce qui motive leurs gestes ? Qu’est-ce qui se joue en chacun d’eux avant pendant et après le combat ?
Le cinéaste Akira Kurosawa filme l’invisible, avec sa caméra, c’est l’âme des personnages qu’il peint.
En rendant accessible l’inconscient au spectateur, ce sont les causes des mouvements et actions des personnages qui informent des états d’âmes de ces derniers.
Le maître du judo exige de son disciple, d’être conscient, de ne pas se laisser dominer par son orgueil qui le fait céder aux défis et provocations qu’on lui lancent.
L’ impulsivité et la promptitude de ses réactions, déçoivent le maître du judo qui lui signifie avec fermeté :
« ton judo et le mien sont aussi éloignés que le ciel et la terre. En es-tu conscient ?
Tu ne connais pas la Voie de l’Homme. Enseigner le Judo à quiconque ignore la Voie de l’Homme, c’est comme si on donnait un couteau à un fou...tournoyer sans raison et sans but (…)
La voie de l’Homme, c’est la quête de la vérité qui régit la nature et le monde. Seule cette vérité peut nous procurer une mort paisible. C’est le pont ultime de toutes les voies. Il en va de même pour le judo »
Cette séquence où le disciple se jette dans l’étang de la demeure du maître est édifiante.
Devant les réprimandes du senseï, Sanshiro Sugata croit bien faire en disant au maître que la mort ne lui fait pas peur, il se leurre, manifestement, sur le sens du combat, confondant courage et audace, il se jette dans l’étang pour démontrer sa témérité.
Sanshiro Sugata engagé dans la voie du Judo, n’a pas assimilé les fondements de l’enseignement du judo, l’adversaire extérieur est la projection de l’adversité à l’intérieur de soi qu’il faut intégrer pour s’élever en humanité.
Pour ne pas mourir, le disciple s’accroche à un pieu durant toute une nuit ; même les conseils avisés du bonze, interprété par Kodo Kokuten, ne fléchissent pas sa force entêtée. Son maître le laisse face à son comportement, et répond aux disciples qui interviennent en faveur de Senshiro Sugata, qu’il est libre de sortir et qu’il le fera en temps voulu, qu’il est en train de réfléchir.
La volonté est le principal problème de Senshiro Sugata, ce dernier est esclave de ses passions, c’est cet ajustement qui va s’opérer dans l’étang, au bout de la nuit, sous la lumière de la lune éclot une fleur de lotus qui va provoquer un éveil. Senshiro Sugata, transfiguré, rejoint la terre dans un geste d’humilité et appelle son maître. La légende raconte que c’est sous un arbre que le Bouddha a transformé toutes ses énergies et connut l’éveil.
Le disciple va épouser les valeurs du judo au fur et à mesure de son expérience sous l’œil vigilant du maître, un guide qui a parcouru la voie, le disciple doit de lui-même s’élever pour réaliser le potentiel qu’il porte déjà en lui et que le maître a déjà décelé.
Le judo, une voie de connaissance de soi dans le film de Kurosawa
La Voie du Judo est une voie de connaissances, le chemin est un perfectionnement de soi, le but est la réalisation de l’Homme. les chemins de traverses, servent toujours la voie, chaque obstacle surmonté est un niveau supérieur atteint. Chaque compréhension est une conscientisation.
Chaque mort suit un éveil, c’est la mort du corps qu’il faut éviter car elle donne lieu à un autre cycle de vie avec ses souffrances et les effets de la vie antérieure. La mort symbolique est celle de la mort de l'égo. Les maîtres aident dans la voie initiatique.
Se préparer à la mort, c’est se réaliser de son vivant pour atteindre la conscience, la vie.
C’est cette connaissance fondamentale qui empêche de porter tout jugement sur les adversaires ou ennemis, ils sont tous sur le chemin mais par des voies différentes et à des niveaux différents.
Akira Kurosawa, dès ce premier film adopte la position de celui qui croit en l’évolution et la réalisation de tout Homme.
L’ignorance de soi est mensonge chez Akira Kurosawa
Dans La Légende du Grand Judo, l’ignorance de soi et le mensonge se situent sur le même plan.
Akira Kurosawa met en scène une situation équivalente dans Le Château de l’araignée où Asaji traîte son époux, Takétoki, de menteur. L’épouse voit clair dans l’âme de son mari et connaît la vérité qu’il se voile à lui-même.
La sincérité du héros est un prélude indispensable dans la quête de la vérité.
Cette vertu commune aux héros de Akira Kurosawa, à l’exemple du personnage de l’avocat dans Scandale, qui est sauvé par la grâce.
Le mensonge, le mal sont l’effet de l’ignorance, donc de l’inconscience. Seule la conscience peut éliminer le mal. Le mensonge est ce qui n’est pas. C’est l’illusion de laquelle, il faut s’extraire. D’où la vérité indispensable pour accéder à la réalité.
La connaissance s’acquiert graduellement auprès du jeune Senshiro Sugata, la lumière éclaire l’ombre comme le jour suit la nuit, cette élévation par les morts et renaissances successives est aussi représentée par l’image des marches d’escaliers, tantôt ombres, tantôt lumières, où Senshiro Sugata rencontre l'amour.
La conscience est la vie dans la Légende du grand judo.
Le bonze rappelle au jeune disciple qu’il est né à la vie dans l’étang. Dans La légende du grand judo, la voie montre que l'expérience précède la connaissance. Le guide formule ce que le disciple a expérimenté.
Une autre séquence raconte la profonde dépression dans laquelle s’est trouvé plongé Sanshiro Sugata suite au combat qu'il a mené contre Monma Saburo, maître du jiu-jitsu. Le cri de la fille de ce dernier a transpercé le cœur du jeune homme qui réalisa dans l’effroi l’effet de son action, le disciple ne s’intéressait qu’à son adversaire, soudain, il prend conscience que ce denier avait une fille, une vie. Cette dernière a d’ailleurs tenté de venger son père en tuant Sanshiro Sugata, hanté par cette idée, il perdit goût à la vie et se trouva dépossédé de toute énergie. Le maître l’a pris en charge et l'a ramené à la vie, ces deux exériences transformatrices ont suivi l'expérience de l'étang où Sanshiro Suguta reçoit du ciel la lumière qui le transfigura. L'éveil à la conscience est un éveil à la vie.
De la dualité à l’éveil à soi de Sanshiro Sugata
A travers deux voies, le Ju-jitsu et le judo, sont proposés deux mondes qu’apparemment tout oppose.
Le ju-jitsu est la voie qui conduit à la mort, c’est la voie du défi, de l’inimitié, de l’honneur et de l’orgueil.
Les moteurs de l’action de cette technique de combat sont la haine, la jalousie, la peur, la convoitise et la vengeance. La férocité est animale et ne vise rien d’autre que le pouvoir sur l'autre.
la technique du combat est mise au service de la mort. L’autre, celui qu’on combat est un ennemi. On attise sa crainte. Cette technique est héritée de l’esprit des Samouraï.
L’honneur est un principe déterminant dans cette voie, le combat où Monma est battu par Yano est significatif. Ce dernier, lui demande de le tuer à présent qu’il est humilié.
Malgré les attaques subies, le maître du Judo cherche à comprendre pourquoi il a été attaqué et donne un enseignement au maître du Jiu-jitsu. C’est la pratique du combat qui résout les conflits internes.
« tu es le chef pourquoi cette haine ?
- On veut te donner une correction, répond-il.
-Tu scelles la défaite de ton art avec pareille bêtise.
-Je ne supporte pas d’être humilié par un blanc bec comme toi impossible de vivre désormais... tue- moi.
₋Tu devrais appliquer ce sentiment dans ta pratique du jiu-jitsu ! "
Ici, l’adversaire vaincu appelle la mort car il ne veut pas vivre humilié, la technique du Jiu-jitsu est un art de combat développé par les samouraï durant l’ époque d’Edo. La classe des samouraï a perdu son prestige lorsque le féodalisme fût aboli. L’honneur était alors considéré comme une vertu, on mourait pour l’honneur, on tuait pour l’honneur. Akira Kurosawa a une vision négative de l’honneur qui repose sur l’amour propre, comme il l’exprime clairement dans le film Scandale .
Le Judo valorise le respect de l’adversaire et de la vie.
Le maître de la voie du judo reste un enseignant quelles que soient les circonstances. Ici, c'est la position manifeste d'Akira Kurosawa qui croit à la transformation toujours possible de l'être humain.
La cinéaste poursuivra dans tous ces films ces directions pour mettre en lumières les causes du mal et la souffrance.
Le Judo, est une technique qui enseigne le combat de l'adversaire. L’adversité est l’autre qui doit être intégré, car l’extérieur est le reflet de ce qui se joue à l’intérieur de soi. L’adversaire doit être respectée, le combat doit être loyal. On entend les disciples clamer leur slogan : "Loyauté. Égalité", lorsque Sanshiro Sugata n’est pas nommé maître par l’arbitre.
Le judo est une voie de l’humilité, la connaissance de soi dépasse les obstacles de la dualité, le but étant d’atteindre cet unité dans l’anéantissement de l’égo.
Amour propre et oubli de soi dans la Légende du grand judo
Yano et son disciple se rendent au temple. Arrivés en haut de l’escalier, ils trouvent la fille de Murai en train de prier. Le maître élabore une description de la scène qui le comble de joie car la jeune femme est dans l’oubli de soi, elle fait Un avec la divinité, la beauté absolue. Cette transcendance est le dépassement de l’égo, le soi qui s’illusionne et se voit dans le regard de l’autre à l’image de Higaki quand il arrive dans l’école du Yoga où il cherche un disciple afin de se mesurer à lui dans le combat.
L’amour propre est incarné d’une manière optimale par Higaki, l’habit occidental est le signe de l’éloignement de son origine, de sa source, le maintien altier, c’est le soi qui se regarde à travers l’autre, celui qui méprise, la scène est particulièrement intéressante car, il arrive de dos, signe d’inimitié, Sanshiro Sugata est en train de laver son linge au sol avec ses pieds nus, son regard tourné vers le ciel et est habillé comme une femme. Ici Akira Kurosawa met en scène une représentation admise de la virilité, de la force, de l’assurance, de l’allure la plus élégante qui soit et pourtant, il n’en est rien ! Cette apparence est l’illusion qui va s’effondrer à la fin du film lors du duel qu’il a lui-même provoqué.
Sanshiro Sugata représente, dans cette scène, l’Homme qui est la jonction entre le ciel et la terre, du masculin et du féminin, ce sont les polarités qui fusionnent, c’est l’Homme en devenir et avancé dans la voie. Sugata n’a jamais cultivé le faux, il est dépourvu de malice, voir les scènes où Sayo, la fille de Murai, amoureuse, tente quelques manœuvres pour provoquer une rencontre et où il passe complètement à côté du message, incapable de déchiffrer les sous-entendus.
Sanshiro Sugata est un homme nu, il est dans la vérité de son être, sans se soucier de l’image, non qu’il la rejette mais il ne l’a jamais cultivée. Les enfants en ont déjà fait une légende, ils chantent sa force au combat et pourtant, il n’a jamais porté le costume du vainqueur. Il est très avancé dans la voie à présent.
Le maître veut le conduire à la réalisation et tout ce qui contribue à renforcer l’égo est banni.
Où s’achève la bêtise, se lève la justice
Le judoka Sanshiro Sugata accepte avec enthousiasme d’être le candidat qui représente l’école du judo contre l’école de jiu-jitsu lors du grand tournoi. Ce qu’il apprend, douloureusement, plus tard est que son adversaire est le père de celle qui a touché son cœur.
Cette fois-ci l’obstacle n’est pas à sa hauteur, croit-il, malgré la lecture du texte saint, il ne trouve pas l’issue, la prière de Sayo, la fille de Murai, le paralyse. C’est l’intervention du révérend qui déclenche l’action, il lui rappelle sa transfiguration dans l’étang. Se sentant digne du combat, Sugata court vers le lieu du tournoi.
Nous sommes très loin du jeune Sanshiro Sugata impulsif et têtu, le futur maître est animé seulement par l’amour.
L’égalité est atteinte dans ce combat où les forces opposées s’annulent dans un équilibre porté par le souffle de l’amour et l’amitié. Avant le rapprochement de la caméra, le combat ressemble à une danse harmonieuse, l’art est à son summum, de près, on se rend compte des tensions qui s’éprouvent par la transpiration des efforts en action.
Le père de Sayo perd du fait de son âge avancé, ce dernier a gagné son combat contre l’alcool, obstacle qu’il a dépassé pour combattre.
La beauté du match comble l’adversaire battu, il confiera plus tard qu’il a atteint la plénitude de sa capacité et pour la première fois, s’est exprimée, dans sa totalité, sa force vitale.
Le héros de la Légende du grand judo d'Akira Kurosawa
Le héros de Kurosawa est un être intuitif et sincère. Ce qui fait dire à son maître à la fin du film qu’il restera toujours un nourrisson. Les techniques du maître du judo révèlent plus qu’elle n’enseignent, car le disciple possède en lui ce qui doit éclore, c’est la vie qui se dévoile à elle-même, l’enseignement est postérieur à l'expérience.
Akira Kurosawa nous présente la connaissance en action, l'être en devenir, tous les personnages se transforment dans le film. Même le redoutable ennemi de Sanshiro Sugata, qualifié de serpent, change après son duel avec Sugata où se dernier près de la mort, connût une transfiguration qui lui donnne la plénitude de sa force finale et lui permet de gagner le combat contre cette ombre massive qui sembalait si puissante. Mais l'ombre n'est qu'illusion.
Sanshiro Sugata a vaincu les forces de l'ombre, ses énergies ont été transformées en forces de vie.
Dans la scéne où les maîtres sont joyeusement réunis, ils se posent des questions et se répondent, la voie n'est jamais achevée, la formation est continue.
Dès le départ de la carrière cinématographique de Kursawa, on voit les thèmes qui l'occupent et qu'il va poursuivre le long de son chemin. La relation, maître à disciple, la sincérité, l'amour propre, le chemin intiatique et la connaissnce de soi vont être peints par l'artiste. L'ombre et la lumière, le visible et l'invisible, le conscient et l'incnscient, l'être en devenir, feront le sujet de tous ses films.
En cela, on peut dire que Akira Kurosawa n’exacerbe jamais la haine du spectateur ni ne manipule son regard. Tel le maître de Sanshiro Suguta, la caméra du metteur en scène est un guide, elle ne montre pas, elle révèle.
La philosophie d'Akira Kurosawa trouve ses fondements dans le bouddhisme et le taoïsme, c'est la loi d'équilibre des forces contraires que le disciple doit connaître. l'Homme doit orienter son regard vers lui-même pour comprendre le sens de sa vie, éviter les réincarnations et se réaliser durant sa vie.
Le film d'Akira Kurosawa se termine avec Sanshiro Sugata et sa rencontre du féminin en la personne de Sayo. Comme dans La Forteresse cachée, l'extérieur est la manifestation du monde intérieur. La femme va devenir actrice dans la poursuite de l'initiation du jeune homme dans la voie de l'amour.
Le train indique le mouvement, référence à la voie qui se poursuit. Sanshiro Sugata est un être à la sensibilité neuve, la voie est un changement de nature et le film La Légende du grand judo, révèle surtout au téléspectateur la possibilité pour tout être, de trouver en lui-même, les instruments de son salut.
La Légende du grand judo, premier film d'Akira Kurosawa manifeste déjà la ligne directrice que le maître du cinéma japonais va poursuivre tout au long de sa carrière.
En donnant à voir la voie du judo qui émerge dans le Japon de l'ère Meiji, c'est la réalisation de l'Homme qui occupe le cinéaste nippon. Quelles que soient les voies empruntées, l'être humain est perfectible, son animalité, ses conflits internes qu'il projette à l'extérieur, conséquences de l'aveuglement et de l'ignorance de soi, peuvent être dépassés.
L'œuvre du cinéaste, l'acuité de son regard, sa sensibilté artistique se servent de la technique pour parler directement au spectateur et lui parler de lui. Le cinéma d'Akira Kurosawa est déjà au service de l'Homme. Comme le judo, son cinéma est une voie et Kurosawa, un senseï.