Fakir is back
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Fakir is back
La période que nous traversons ne se prête pas à la bamboche. Cette année de confinement à géométrie variable a eu raison de nos désirs d’escapade, de nos envies de voyage et de nos aspirations désuètes à bourlinguer. Heureusement, dans ce décor étriqué qui nous oppresse, on peut encore trouver des échappatoires essentielles !
Sorti en Livre de Poche en février 2021, « Les nouvelles aventures du fakir au pays d’Ikea » de Romain Puértolas, est une bouffée d’oxygène dont il serait criminel de se priver.
Un petit coup de mou ?
Un retour en arrière s’impose : à la fin de l’épisode précédent (« L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea »), nous avions laissé notre écrivain-fakir Ajatashatru Lavash Patel - dit Aja - couler des jours heureux avec sa belle Marie Rivière.
Quelques années plus tard, notre couple se prélasse désormais dans une vie conjugale dénuée de soubresauts et vogue tranquillement sur les délices insipides de la routine. Les ventes explosives du roman de ses précédentes aventures l’ayant mis à l’abri du besoin, Aja s’endort dans un quotidien d’écrivain oisif. Car oui, contre toute attente et en parfaite contradiction avec une assertion philosophico-musicale de Céline Dion, Aja a bien changé : il s'est embourgeoisé. Picolant sans soif des litres d'Actimel en matant Télématin, il a totalement oublié qui il était et d'où il venait.
Patatra ! Un beau jour, son monde pépère s’écroule : son éditeur lui refuse son dernier roman (encore plus mince qu'un Amélie Nos-Tombes) au simple motif qu’il est nul. Et c'est la brutale prise de conscience : Aja a perdu la quintessence de lui-même. Son intégration parfaite dans la bonne société française lui a ôté sa substance. Il n’a plus rien à raconter et a sombré dans une normalité fade et sans saveur.
Fakir is not dead
Notre héros décide alors de se remuer et d’aller faire relancer la production du fameux lit à clous (le légendaire KISIFRØTSIPIK) directement auprès du pédégé d’IKEA en Suède, histoire de se retrouver.
Démarre alors une escapade loufoque entre la Suède du présent et l’Inde du passé. L’auteur, particulièrement inspiré, nous offre une galerie de portraits pittoresques et une pléiade de personnages barrés hauts en couleur. Les aventures abracadabrantesques se succèdent à un rythme effréné, les calembours potaches et les clins d'œil anachroniques s’enchaînent dans un imbroglio burlesque qui reste étonnamment très cohérent. L'enfance marquée du syndrome de Stockholm d'Ajatashatru est dévoilée, et les retrouvailles improbables du maître (le perfide Baba Orhom) et de l'apprenti scellent la fin d'une longue quête identitaire troublante.
Les nouvelles aventures du fakir au pays d’Ikea est un régal d'humour et de folie douce, un succulent cocktail de fond et de forme, une bulle de bonne humeur vive et lucide. La construction narrative est maîtrisée avec ces allers-retours présent/passé qui nous éclairent sur la personnalité de notre héros. Les péripéties invraisemblables défilent sans temps mort, les piques fusent et les remarques mordent. Alors on rit, mais pas que.
Mon avis
Je gage que ces nouvelles aventures épicées et déjantées vous feront passer un moment réjouissant.
Cerise sur le gâteau, elles vous inviteront l'air de rien à vous arrêter un instant sur des histoires humaines souvent réduites à des concepts politiques désincarnés et qui nous préoccupent assez peu de ce côté-ci de la Méditerranée. Romain Puértolas laisse la porte grande ouverte à une hypothèse renversante. Qui est l'immigrant, et qui sera bientôt l'émigré ? Et si un jour les rôles s'inversaient, que deviendraient nos certitudes ?
Un roman léger, vivifiant et drôle et qui recèle mine de rien une vision du monde marquée d’un cynisme ténu mais percutant.
photo de couverture ©christelle bordet