Chapitre 7 : le royaume de Séraphin (roman)
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Chapitre 7 : le royaume de Séraphin (roman)
L’été a laissé place à l’automne et à ses couleurs chatoyantes. Aujourd’hui, Dimitri a bien envie d’aller revoir sa maman. Depuis qu’il est arrivé au royaume il y a quelques mois, il n’a pas encore pris de ses nouvelles. Il avait besoin de temps pour s’y préparer. Il se doute qu’elle souffre encore. Jusque-là, il n’avait pas envie de le voir de ses propres yeux. D’ailleurs, Martine, à qui il va souvent rendre visite en salle de confidences, le lui avait déconseillé. Mais aujourd’hui, elle lui a donné son feu vert. Lui-même se sent prêt psychologiquement pour cette épreuve. Il m’a demandé de l’accompagner. Un autre enfant vient avec nous. C’est la règle. La présence d’un pompier formé aux premiers secours est indispensable pendant ces sorties hautement anxiogènes. Dimitri est un peu stressé à l’idée de revoir celle qu’il chérissait le plus au monde. Il sait qu’il lui a fait beaucoup de peine en se donnant la mort. Aujourd’hui encore, le souvenir de cette dernière journée sur Terre lui fait mal au ventre, même après tous ces mois. Après l’humiliation subie à l’anniversaire de Michaël, il lui semblait impossible d’affronter le regard des autres. Quand il avait décidé de se pendre, il n’avait pas trop pensé à sa maman sauf lorsque, dans les derniers instants, l’oxygène lui avait manqué, mais à ce moment-là, il était trop tard pour faire machine arrière. Séraphin avait alors exaucé son vœu en estimant qu’il avait déjà assez souffert sur Terre. Une nouvelle vie, plus belle, pouvait alors débuter pour lui. Au moins, au royaume, personne ne le juge et il s’y sent utile. Son humour communicatif est une cure de jouvence pour les plus tristes.
Alors que nous survolons son ancienne maison, je sens son stress monter. Il hésite car il a peur de ce qu’il va découvrir. Sa maman, elle, est occupée à allumer un feu dans l’âtre. A côté d’elle, un bureau réglable en hauteur et un tapis de marche sous celui-ci. Elle a toujours aimé écrire et il semblerait que sa passion ait pris beaucoup d’importance dans sa vie depuis que Dimitri l’a quittée. Sur ce bureau, un ordinateur est allumé, ouvert à la page des mails. Nous y jetons un coup d’œil et nous nous rendons très vite compte que Gaëlle est très investie au sein de diverses associations qui s’occupent d’enfants différents : des trisomiques, des jeunes avec un TDAH, des autistes. Il semble donc qu’elle ait comblé le vide affectif laissé par Dimitri en se consacrant à d’autres enfants. Son agenda est bien rempli. Je vois qu’elle anime des séminaires, qu’elle répond à des interviews et se rend dans les écoles pour y faire de la prévention.
Dimitri est très ému de la revoir. Il aimerait la prendre dans ses bras car il voit bien qu’elle est triste. Son regard n’a plus l’éclat qu’il avait quand elle se battait pour lui. La flamme qui l’animait n’est plus aussi vive. C’est évident. Il a envie de pleurer. A cet instant précis, il regrette un peu son geste même s’il est persuadé d’avoir fait le bon choix. Il aurait été malheureux sur Terre. Il sait aussi que sa maman se faisait beaucoup de soucis pour lui et qu’elle était toujours sur le qui-vive. Ces angoisses-là ont disparu et c’est le plus important. Emotionnellement, il se sent un peu retourné de la voir ainsi. Mais paradoxalement, il est heureux de voir qu’elle ne s’est pas laissée abattre. Sa mort n’aura pas été inutile. Ça le réconforte de le savoir car il culpabilisait beaucoup de lui avoir infligé de la peine. Avec lui, elle a perdu une bataille mais elle en gagne d’autres auprès d’autres enfants. Désormais, Dimitri va pouvoir avancer plus sereinement. Il repart apaisé et esquisse même un léger sourire. Il a revu sa maman et elle va bien. Quel soulagement ! Il reviendra la voir régulièrement. Il a eu une idée en revoyant le verger qui jouxte sa maison. Il a bien envie de le voir porter beaucoup de fruits l’année prochaine. Ce sera son cadeau à lui pour sa maman. Comme il n’a pas ce pouvoir, il va demander à Thibaut d’exaucer son vœu à sa place.
Du côté de Sophie, comme elle s’est rendue compte qu’au royaume personne ne lui veut de mal, bien au contraire, elle est beaucoup plus joyeuse. Elle a repris confiance. Elle a retrouvé le sourire et rit même à gorge déployée aux blagues de son ami. Dimitri et elle sont devenus inséparables. Il lui a raconté avec beaucoup d’émotion sa journée sur Terre et comme lui, elle aimerait bien revoir sa maman. Elle nous demande de l’accompagner. Après avoir obtenu le feu vert de Martine, nous nous rendons à Nîmes. Elle n’a que très peu de souvenirs de son ancienne vie mais elle se rappelle qu’elle vivait dans un immeuble du centre-ville et qu’elle allait à l’école à pied. Nous survolons la cour de récréation. Il est dix heures. Les élèves sont de sortie. Ils jouent en petits groupes. Sophie reconnaît quelques camarades mais elle ne se souvient plus de leurs prénoms.
Nous la tenons chacun par la main alors que nous nous approchons de son ancien appartement. Je sens ses doigts devenir moites contre les miens. Tout comme Dimitri à l’approche de sa maison, elle se raidit. Elle s’arrête net nous obligeant à faire de même. Elle nous tire même en arrière. L’angoisse la submerge. Elle ne veut plus y aller. Le souvenir de son papa la terrorise. Les images de ses derniers instants sur Terre lui reviennent à l’esprit. Comme souvent, il était rentré ivre à la maison. Pendant le repas, Sophie avait eu le malheur de renverser son verre d’eau par terre, déclenchant ainsi sa colère. Il l’avait alors saisie par les cheveux et l’avait balancée de toutes ses forces dans l’escalier. Elle se rappelle qu’elle était terrorisée en haut des marches… ensuite, c’est le trou noir. Elle ne se souvient de rien jusqu’à ce qu’elle ait repris connaissance aux bras de deux pompiers ailés qui l’emmenaient dans le ciel.
Nous sentons bien qu’elle perd pied à nos côtés. Elle est à deux doigts de s’évanouir tellement la pression est forte. Elle pleure et nous supplie de l’éloigner de cet endroit.
- Non, non, gémit-elle. Je veux rentrer.
Je me sens désemparé comme lorsqu’elle se mettait en boule à l’approche d’un homme au royaume. A mon tour, je me sens mal. Je ne sais pas comment l’apaiser. On n’aurait pas dû venir ici. A quoi bon lui infliger cette épreuve ? Nous devons la ramener d’urgence à l’infirmerie. Contrairement à moi, Dimitri ne perd pas son calme. Avec ses interventions en tant que pompier, il a appris à gérer les situations difficiles et à rester serein quoi qu’il arrive. Il a l’habitude de côtoyer la mort et la souffrance des humains. Il ne se laisse pas démonter par les cris et les pleurs de Sophie. Il garde son sang-froid. Il sait exactement ce qu’il doit faire dans pareille situation. Il a sur lui une crème apaisante qu’il applique sur le front de Sophie. Je la vois se détendre progressivement. Ses pleurs cessent. Le silence revient. Je décompresse. Je n’ai vraiment pas aimé ce moment. Je me suis senti dépassé par les événements et incapable de prendre une décision. S’il n’avait tenu qu’à moi, je me serais bouché les oreilles et j’aurais appelé à l’aide.
- Bravo Dimitri ! Quel sang-froid ! Je t’admire. Quel professionnalisme aussi !
- Merci Timéo, tu me flattes mais j’accepte tes compliments avec grand plaisir.
Il accompagne ses paroles d’un geste qui me fait rire. Il fait semblant de retirer un chapeau imaginaire qui serait posé sur sa tête, se courbe et effectue une jolie révérence. Un vrai clown ce Dimitri. Un acteur de talent et un humoriste au grand cœur. Je suis bien content d’être son ami et que ce soit lui qui nous ait accompagnés. Aujourd’hui, j’ai eu une bonne leçon. L’histoire se termine bien mais j’ai eu terriblement peur. Quand j’ai pris mon envol ce matin, je n’ai jamais imaginé que ça pouvait aussi mal tourner. Je me faisais une joie de sortir avec Sophie. Je pensais qu’elle serait plus heureuse après avoir revu sa maman, mais j’ai bien compris que le retour sur Terre pouvait être une étape éprouvante pour les enfants et qu’il ne faut pas prendre à la légère leurs réactions. J’ai besoin de me faire réconforter. Comme Sophie est apaisée, nous pouvons rentrer.
A peine arrivés, Martine me demande de la suivre.
- Viens Timéo. Je dois te dire quelque chose.
J’aurais préféré un câlin là tout de suite. Pourquoi aller en salle de confidences ? Je suis un peu stressé à cette idée. Malgré tout, je m’installe dans le canapé, prêt à entendre ce que Martine a de si important à me révéler.
Elle me badigeonne de crème apaisante. Je me détends quelque peu.
- En voyant la réaction tout à l’heure de Sophie, de commun accord, Séraphin et moi, nous avons décidé d’effacer de sa mémoire tous ses souvenirs de sa vie terrestre. Son traumatisme est trop important pour qu’elle arrive à le surmonter.
Je ne savais pas que c’était possible. J’en suis à la fois épaté et perplexe.
- Ma question va sans doute paraître bête…mais pourquoi ne pas lui avoir effacé sa mémoire dès son arrivée ? On aurait pu éviter tout ça, non ?
- C’est un peu plus compliqué que ça. Avoir des souvenirs, c’est bien aussi car ça permet de garder un lien avec sa famille. Regarde Dimitri : même si c’est douloureux pour lui de revoir sa maman, cela lui fait aussi du bien de la revoir car elle fait partie de ses souvenirs heureux. Il ne voudrait certainement pas qu’on les lui efface.
- Je comprends.
- C’est une décision qui ne se prend pas à la légère. Après ce lavage de cerveau, Sophie n’aura plus aucune attache sur Terre, comme les bambins.
- Au moins ses futures sorties seront sereines !
- Oui, en effet. Elle a bien assez souffert. C’est pour cette raison que Séraphin et moi nous sommes tombés d’accord. Une mamie est en train de la consoler. Quand elle dormira, nous l’emmènerons en salle d’oubli. Quand elle en sortira, elle n’aura plus aucun souvenir de sa vie sur Terre.
- C’est cool pour elle. Elle repartira de zéro et sera plus heureuse !
- Exactement, tu as tout compris, Timéo !
Je me sens mieux, mais après toutes ces émotions, j’ai quand même besoin d’un gros câlin. Je vais voir ma mamie préférée, Séraphine.
...la suite au chapitre 8...
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