

1) Mon histoire de surdité : comment un médicament a détruit mes oreilles.
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1) Mon histoire de surdité : comment un médicament a détruit mes oreilles.
Mon histoire de surdité : comment un médicament a détruit mes oreilles.
Quand j’étais bébé, ma vie a pris un tournant que personne n’aurait pu prévoir. Tout a commencé avec un médicament, le Rimifon®, prescrit pour me protéger d’une maladie dangereuse : la tuberculose. Ce médicament, supposé inoffensif, a détruit mes cellules auditives, lentement mais sûrement. À cinq ans, ma surdité était déjà profonde.
Le monde sonore s’était presque entièrement effacé pour moi. Ce silence soudain, imposé par un remède qu’on croyait sûr, a bouleversé ma vie. Bien plus tard, ma famille et moi avons découvert que le Rimifon® était la cause de mes difficultés. Ce médicament, apparemment banal, s’est avéré être un poison pour mes oreilles. En détruisant mes cellules auditives, il a transformé ma perception du monde et m’a enfermée dans une bulle de silence. À l’époque, je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. Mais les effets étaient bien réels, et mon comportement à l’école en témoignait.
Privée de sons, je me sentais frustrée, isolée, et je ne savais pas comment exprimer cette frustration. J’étais turbulente. Très turbulente. Un jour, en jouant avec un camarade, je l’ai griffé au visage. Une autre fois, j’ai mordu une copine, sans même comprendre pourquoi. Pendant les siestes, c’était pire. Je ne voulais pas dormir ; je voulais que les autres sachent que j’existais. L’ATSEM, qui s’occupait de nous, m’a confié des années plus tard qu’elle devait souvent m’isoler pour ne pas perturber le reste de la classe. Je cherchais désespérément à me faire entendre, même si moi, je n’entendais plus les autres.
Quelques mois après le diagnostic, on m’a prescrit un appareil auditif pour mon oreille droite. Ce petit appareil, bien qu’imparfait, était une bouée de sauvetage dans ce silence grandissant. Grâce à lui, je pouvais entendre un peu, suffisamment pour capter des mots ou suivre une conversation. Mais il était encombrant, inconfortable, et me rappelait chaque jour que je n’étais pas comme les autres enfants.
Avec cet appareil, les choses ont commencé à s’améliorer petit à petit. J’ai suivi trois années de séances d’orthophonie pour perfectionner ma prononciation, car certains mots restaient difficiles à signes articuler correctement. Mon orthophoniste m’a également initiée au langage des Cependant, comme je me débrouillais bien avec le langage parlé et que personne autour de moi ne pratiquait la langue des signes, elle a décidé de ne pas poursuivre ces séances. Cela semblait inutile à l’époque, et cela me convenait. Malgré tout, je me suis accrochée. J’ai continué à aller à l’école, à me faire des amis, et à participer à des activités sportives. Mais je savais déjà que ma vie ne serait plus jamais la même.
Ce n’était que le début de mon combat pour m’adapter à un monde où les sons m’arrivaient de manière différente. La surdité profonde est un mur qui me sépare du monde depuis mes 15 ans. C’est à cet âge que j’ai perdu l’audition du jour au lendemain, sans explication.
Je me souviens encore de ce matin. Je me suis levée comme tous les jours, mais quelque chose n’allait pas. Le silence. Pas de réveil qui sonne, pas de bruits de pas dans la maison, pas de voix. J’ai d’abord cru que c’était un cauchemar, mais plus je bougeais, plus la peur montait. C’était réel. Mes parents, affolés, m’ont emmenée d’urgence chez l’ORL qui me suivait depuis mes 5 ans. Dans son cabinet, tout semblait flou : ses lèvres bougeaient, mais je ne comprenais pas ce qu’il disait. Il m’a fait passer un test appelé « audiogramme », une expérience que je n’oublierai jamais. Un audiogramme, pour ceux qui ne le savent pas, est un test qui mesure les capacités auditives à différentes fréquences. On place un casque sur vos oreilles, puis on vous fait écouter des sons, des bips, des tonalités. Mais moi, je n’entendais rien. Absolument rien. Le médecin m’a expliqué que le test avait confirmé le diagnostic : j’étais sourde. En l’espace de quelques heures, ma vie avait basculé.
Tout est allé très vite. J’ai été hospitalisée en urgence pour recevoir un traitement intensif. Pendant dix jours, on m’a perfusée avec un médicament utilisé pour traiter certaines surdités soudaines chez les personnes entendantes. Le médecin m’a expliqué qu’il voulait tenter, même si mes chances de réussite étaient très faibles.
Après tout, ma surdité, présente depuis l’enfance, était différente de celle des patients entendants qui récupéraient parfois une partie de leur audition avec ce traitement.
Malgré tout, cet infime espoir m’a poussée à m’accrocher. Mais les jours passaient, et rien ne changeait. Plus l’échec devenait évident, plus l’angoisse montait. Un jour, submergée par la fatigue et l’inquiétude, j’ai fait un malaise vagal. À la fin du traitement, la vérité est tombée : il n’y aurait pas de miracle. Le traitement n’avait pas fonctionné.
J’étais définitivement sourde. Quand le médecin m’a annoncé cela, il a également évoqué une solution pour l’avenir : être orientée vers un hôpital spécialisé à Paris. Il m’a parlé d’espoir, mais dans ma tête, tout était flou. À ce moment-là, je ne savais pas quoi penser. J’étais perdue, répétant en boucle dans ma tête : « Je verrai bien… ».
À Paris, il faudrait envisager des solutions pour m’adapter à ce nouveau silence. Mais cela impliquait aussi de prendre une décision difficile concernant ma scolarité. La première option était d’intégrer un institut pour sourds, où je pourrais apprendre la langue des signes et rencontrer d’autres jeunes dans ma situation. Cependant, cela signifiait quitter mon lycée, mes amis, et recommencer dans un nouvel environnement, en plein milieu de l’année. La deuxième option était de rester dans mon lycée actuel, entourée de mes camarades et de mes professeurs.
Je pourrais bénéficier d’un suivi pédagogique adapté, mais cela impliquait d’affronter les regards, l’incompréhension et les difficultés à suivre les cours sans entendre. J’étais face à un dilemme. Devais-je tout quitter pour m’intégrer dans un nouveau milieu ou rester et affronter une réalité que je savais éprouvante ? Finalement, j’ai choisi de rester.
Par attachement à mes amis, à mes professeurs et à tout ce que j’avais construit dans mon lycée. Je savais que ce serait difficile, mais je voulais me battre pour conserver un semblant de normalité dans ma vie. Je me souviens encore d’une séance marquante. Nous devions regarder un documentaire sur Tchernobyl. À cette époque, le sous-titrage n’existait pas encore.
J’étais assise au premier rang, essayant de suivre. Je me concentrais autant que possible, mais la frustration était omniprésente : les autres semblaient captivés par la vidéo, tandis que moi, j’étais enfermée dans un silence pénible et frustrant. Je trouvais ça ennuyeux, mais je prenais sur moi. Je faisais semblant de suivre, simplement pour rester avec les autres.
Heureusement, je n’étais pas seule. Sev, une camarade qui s’asseyait toujours à côté de moi, était un véritable soutien. Elle me laissait suivre sur ses notes dès que je perdais le fil et m’expliquait ce que je n’avais pas compris. Pendant les pauses, Rachelle, qui était à une autre table, venait parfois discuter avec moi et m’aider à mieux comprendre les cours. Et il y avait aussi Alis, notre déléguée de classe.
Alis était une excellente déléguée. Elle veillait toujours à ce que tout se passe bien pour moi, mais aussi pour le reste de la classe. Elle prenait son rôle à cœur et s’assurait que chacun se sente inclus. Parfois, elle venait me demander si j’avais besoin d’aide ou simplement si tout allait bien.
Sa gentillesse et son sens de l’organisation rendaient l’ambiance de la classe encore plus agréable. À cette époque, il n’y avait pas de téléphones portables. Nous étions tous bien plus présents dans nos échanges, plus attentifs les uns aux autres. Cette absence de distraction favorisait l’écoute et l’entraide. J’ai eu la chance de profiter de cette dynamique bienveillante, où chacun trouvait le temps de s’entraider. Nous étions peu nombreux dans la classe, ce qui facilitait beaucoup les choses. Nous avions des relations proches et sincères. Ce n’est plus trop le cas aujourd’hui, où les classes sont bien plus grandes et les distractions omniprésentes.
Mais, à ce moment-là, ce contexte m’a permis de mieux m’intégrer et de me sentir soutenue. C’est aussi pour cela que je suis restée dans ce lycée.
Nous nous connaissions déjà, ayant été dans la même classe durant le cursus précédent. Même avec l’arrivée de nouveaux élèves, je me sentais bien avec eux. Nous avions déjà bâti des relations solides, et j’avais confiance en eux. Ces liens m’ont donné la force de continuer, malgré les obstacles.
Fin (1)

