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Des semaines, des mois, des années même, que je vais presque tous les lundis et jeudis à la piscine. Au début, c’était angoissant. J’avais peur de voir les gens. De me montrer en maillot de bain. De me noyer, même si je sais nager. Qu’une énorme créature arrive du fond de la piscine pour m’engloutir comme un amuse-bouche.
Puis je ne peux pas nager, alors je vais faire des exercices de renforcement musculaire et alterner avec de la marche dans le bassin.
Ne vais-je pas être ridicule ? Voilà qui devrait changer, par rapport à tous ceux qui nagent et enchaînent les longueurs sans les compter.
Après plusieurs mois, je commence à être à l’aise. Je ne guette plus chaque nouvel arrivant qui traverse le pédiluve. Il y a des visages que je reconnais. De plus en plus de personnes me sont presque familières. J’observe tout, tout le monde, tout le temps.
Au fil du temps, lorsque je vais à la piscine, j’entre dans une sorte de bulle qui me protège et me rend imperméable à tout ce qui est extérieur.
Dans le bassin, je saute, je tends une jambe, plie l’autre, remue un bras, reste en équilibre à cloche-pied, me penche, plie les genoux, serre le ventre…
Maintenant, j’ai l’impression que ça fait plusieurs années que je viens presque chaque semaine. Tout en me baignant, j’exécute mes exercices. Pour ne plus être nerveuse, j’ai réussi à me persuader que j’étais toute seule dans ce grand bassin. Personne ne me voit, je suis dans ma bulle protectrice et imperméable. Rien ne peut m’atteindre.
Ce jour-là, je m’approche du bord du bassin, la moitié du corps toujours dans l’eau. J’écarte les jambes pour commencer mes étirements.
Là, dans mon monde, dans ma bulle, à l’abri de tout danger, une voix m’interpelle :
— Bonjour.
Qui parle ? Je me tourne, en réalisant qu’on s’adresse à moi.
— Ca fait longtemps que je vous vois toutes les semaines, vous êtes assidue et…
Les mains toujours sur le bord, je souris bêtement. Pourtant, je suis extrêmement mal à l’aise et n’arrive déjà plus à me concentrer sur mes mouvements.
En une seconde, ma bulle a éclaté. Me voilà forcée d’admettre que, malgré mes croyances, tout le monde peut me voir.
Couverture créée sur Canva.

