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Le bouton du réveil

Le bouton du réveil

Publicado el 28, sept., 2023 Actualizado 28, sept., 2023 Bienestar
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Le bouton du réveil

Aujourd'hui il fait grand soleil et nous avons écouté des chansons de ma jeunesse dans la voiture cette après-midi, cela m'a mise d'excellente humeur !

Maintenant ma Mémé prépare la soupe avec les légumes du jardin sous les yeux gourmands de ma fille Laura... Je prends des photos tellement c'est mignon !

 

Arrive l'heure du goûter au cours duquel nous ne manquons pas, avec Laura, de croquer dans une grande brioche plate au sucre qui finit par former une moustache de petits grains blancs. Mmmmm, ça croustille sous la dent tandis que la pâte fond dans la bouche, un vrai délice. Et bien-sûr un bon souvenir de chez Pépé et Mémé en perspective, tant qu'ils sont là...

Le soir plus frais nous découvrons le goût de l'oseille dans une soupe verte, chaude et onctueuse.

 

A mi-chemin de nos vacances de la Toussaint, serions-nous entourées de la douceur de ce couple qui, au creux de la nuit, déclare s'adorer après 60 ans de mariage ?! Si, si, j'ai bien entendu ! J'ai même souri en enfonçant plus ma joue dans l'oreiller tiède, comme pour l'embrasser tendrement moi aussi...

 

Le lendemain il fait moins beau mais le changement d'heure nous fait prendre notre temps d'un dimanche cotonneux.

Un dimanche pour prendre la plume... des années que cela ne m'est pas arrivé !

Ma fille Laura a décidé d'en faire autant et j'adore lire son "Histoire vraie" où elle décrit avec malice et tendre humour que sa Mémé l'énerve quand elle refuse systématiquement son aide proposée avec tant de gentillesse pourtant.

Laura a lu à haute voix son texte à Mémé. Pépé en a bien ri lorsqu'il s'est permis de tendre l'oreille discrètement bien que sourd sur les bords.

Maintenant c'est le temps calme, celui de la sieste. Avec Laura nous restons devant nos pages à remplir de nos écritures rondes et généreuses. Le délié défile au rythme de notre tranquille respiration, pas de précipitation dans le stylo, juste une encre fondante sur les lignes d'un cahier d'écolier.

 

Souvenir d'une écolière qui remplissait des pages et des pages de confidences à un écolier qui en faisait autant sur le même cahier, en vis-à-vis, comme dans un miroir à deux faces qui s'aiment platoniquement.

L'écriture était un lien si discret qu'il en devenait permis à nos yeux. Quel miel de le lire, les petites lettres dessinées par lui déclenchaient en moi l'envie de les avaler une à une ou de les laisser couler le long des joues, chacune liquide et salée.

La venue du soir procurait l'apaisement aussi, le cahier vert entre les mains : le sommeil venait me gagner après des émotions que seule la sensualité dans l'écriture peut procurer, ma joue endormie sur le cahier n'était pas solitaire.

Le lendemain, dans ce grand lycée, bordé de palmiers, c'est entre deux mains tremblantes, que l'échange pudique avait lieu. Un acte d'amour indescriptible !

 

L'écriture, depuis ce temps-là, m'apparaît comme un don de soi, une confidence amoureuse de la Vie. La vision d'une photographe qui ne veut voir que la beauté du présent : une lumière dans le vert d'un arbre qui nous frappe l'œil, toc-toc : le bonheur est à la portée de nos sens ! Vite une photo, vite un partage en interrompant une discussion. "Comme c'est beau !" Temps d'expectative, temps suspendu dans l'œil de celui qui admire avec moi le présent.

 

Tiens ! La douce chaleur qui se pose sur mes épaules m'invite à me retourner. Justement derrière moi le soleil m'adresse un clin d'œil amusant, il s'infiltre dans les couleurs d'automne du jardin de Mémé : vert, jaune, orange, rouge, dans un ciel gris foncé, en contraste.

 

Mémé dort toujours dans le salon, elle est bercée par ces couleurs qui passent les obstacles pour l'atteindre.

Il en reste des rides comblées de tons aquarelles, en-dessous des portraits noirs et blancs, de ma sœur et moi, jeunes.

En fait, les murs de cette maison de famille sont le pilier de notre enfance de voyages. Nous y voyons nos visages à différents âges. C'est peut-être pour cela que l'on se sent bien ici, au milieu de cette campagne préservée, généreuse et tellement stable. Les photos fixent les naissances de la famille, dont celle de Laura, représentée fendue d'un large sourire alors que ses mains potelées attrapent mes joues roses de plaisir.

Le mouvement de la complicité immortalisée par ma sœur, elle aussi bonne observatrice du bonheur.

 

Ce sont donc des bouts de présents très précis qui tapissent ces presque 40 ans de murs. Là une discussion autour de la prise de vue, ici une odeur de l'herbe arrosée par Pépé, encore là-bas la musique sur laquelle nous dansions lors d'un Noël lointain, et même les cadeaux reçus à cette occasion.

Il y a aussi les plats immuables préparés par Mémé : le gratin dauphinois uniquement à la crème fraîche, le riz au jus de viande et oignons entiers que Mémé réserve à Pépé, la compote de pomme tannées, uniquement ramassées au pied des arbres de différentes variétés, le clafoutis aux 100 cerises...

 

Le retour chez nous se fait gorgé de ces bijoux sucrés qui réchauffent le cœur. Nous retrouvons le rythme du chemin de l'école, sur notre parcours les arbres ont pris les feuilles d'automne également, les oiseaux les animent avec joie. Chaque matin, les yeux et les oreilles sont contentés !

 

Deux bises devant l'école et la journée de chacune débute, que de choses à raconter ce soir !

 

Déjà 9 heures 15, il est temps de passer boire un café chez mon ami, grand par son originalité. Il nous met toujours une chanson de circonstance, en fonction de notre humeur de début de journée. Aujourd'hui c'est une Nouvelle vie de Tom Frager, enfin je crois... Ensuite, vient Laura de Johnny Hallyday. Pour l'un comme pour l'autre, le temps passe et nous remplit de la présence de Laura, comme du temps où nous vivions à trois, au pied de cette colline verdoyante qui nous enlace de nouveau. Un son d'avion dans le ciel fend la musique qui embaume son foyer, poésie d'un voyage imaginaire.

 

Nous partons vers des destinations qui prennent leur source dans des pays de sables ocres ou or, emportés par des zéphyrs chaudement légers. Le sourire aux lèvres et l'échange de regards complices tanguent sur le rythme de nos veines, c'est viscéral ! Le café dégusté, je repars la tête emplie d'octaves, vers chez moi.

 

Le soleil baigne mon salon d'une chaleur bienfaitrice qui s'installe sur mon carrelage, par vagues, au rythme des nuages de cette saison. Comment résister au vert visible de mon balcon, il m'invite à venir humer de là-haut la nature en contrebas. J'ai tant besoin d'elle, celle qui poussait le long de mes années d'enfance à Madagascar.

 

Souvent, je raconte devant les yeux grands ouverts de Laura, comment nous apprivoisions avec ma sœur, Ariane, les caméléons de notre jardin, griffus et chatouilleux, en les invitant à parcourir nos bras et notre dos, sous des tee-shirts orange ou verts mais qui, eux, n'avaient pas le mérite de varier de couleurs ! Cela me donne l'envie d'ouvrir un certain album de photos, le plus gros, celui à la couverture grenat de cuir. Il contient deux photos qui attestent que mon histoire est vraie, comme celle de Laura l'autre jour  !

Incroyable pour Laura de voir sa maman à son âge !

La journée se poursuit, parfois me revient la phrase la plus émouvante que Laura m'ait dite, un matin au réveil, c'est : "Je suis contente de t'avoir choisie comme Maman !". De quoi vous tirer des larmes de diamant et un sourire attendri à chaque montée de souvenir !

 

Nos retrouvailles de la fin de journée d'école sont souriantes. Avec son ami Timéo ils s'attendent pour ensuite parcourir en courant le parc de notre résidence, c'est la course de gambettes minces et alertes. Leur passage dans l'herbe fait s'envoler les insectes en pleine sieste, en temps d'hiver comme de printemps.

Vite-vite, sautillons vers notre goûter fait de chocolat chaud, de roulés aux framboises et de BN à la vanille dorée. Laura nous parle du Père Noël, sa copine Emmy lui a affirmé qu'il n'existait pas mais elle, elle a failli le voir à deux reprises, donc c'est qu'il existe d'autant qu'elle l'a vu sur une photo avec ma sœur, Ariane, à l'école maternelle des Colibris à Tananarive ! "La preuve !!"

Aujourd'hui je lui ai acheté un calendrier de l'avent en forme de sapin et elle a promis de faire parvenir à son grand-père, par MMS, une photo d'elle qui dit "Calendrier de l'Aveeeeeent !", ce dernier dans les bras... Je ne sais pas encore si mon appareil photo va pouvoir capter le son de son exclamation... à moins que son visage expressif ne fasse aucun doute, et ça c'est tout à fait réalisable pour l'actrice qu'est Laura !

Le lendemain c'est un rituel inventé de toute pièce qui fait office de réveil : nous cherchons un fameux "bouton du réveil" sur le corps de Laura qui éveille tout d'abord son regard d'une étincelle malicieuse au fur et à mesure que j'approche mon doigt de l'issue joyeuse et fatale. Celle qui finit par la réveiller toute entière d'un bond... Après plusieurs hésitations, il suffit d'enfoncer mon index dans le moelleux de son nombril et ma jolie figurine s'anime dans des éclats de rire. C'est parti pour de nouvelles aventures, comme chaque jour c'est d'un bonjour enjoué que je reçois sur mes joues les tendres bises de Laura.

 

Plus tard, Laura me raconte qu'elle a deviné à l'école comment comprendre de loin si une enfant exprime une demande à sa copine dans la cour, il suffit d'observer si ses sourcils font des vagues en forme de question !

 

Chaque jour, nous marchons vers la route d'une Vie unique et inventée. Comment faire fondre le miel destiné à une salade de fruits ? Un parfum de fleur d'oranger orientale s'en échappe alors que le jus de citron dilue le miel de lavande au micro-ondes... Je rajoute un peu de jus d'ananas en souvenir de l'Afrique noire, voilà le voyage olfactif est prêt ! Une quiche à la poudre de coriandre, aux yeux vert tendre des poireaux coupés en rondelles, aux joues roses des lardons et au jaune des œufs qui complètera ce dîner parfait. Le goût de ce repas, partagé avec Laura et mon tendre, est encore bien amélioré par une ambiance de franc bien-ensemble. Le sommeil de la nuit prend ensuite les couleurs de la douceur.

 

Aujourd'hui je recherche comment construire un sapin de nos mains artistes et un jardin aromatique sur notre balcon inondé de soleil une bonne partie de la journée. Le plus beau c'est maintenant !

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