Les temps changent, le présent a migré vers plus de morosité couleur mauve.

Une pandémie a frappé notre quotidien, nous cachons nos respirations et nos sourires derrière des masques qui mangent la moitié de notre visage.

Nos petits enfants ne savent pas comment apprendre à articuler, pas d’exemples.

Qui porte une moustache ? Qui sait sourire à pleines dents ? Seuls les miroirs isolés de notre salle de bains le savent !

Mes grands-parents sont eux hospitalisés, pas question de visites car le virus sévit dans l’étage où ils ont échoué. Les infirmiers débordés et exténués ne donnent au téléphone que des informations contradictoires…

Les moments de bonheur avec mes grands-parents sont de plus en plus précieux, ils s’éloignent du présent et se dispersent dans le passé comme du sable fin. Mais pas tous ! Certains grains dorment dans le creux de ces pages et ne pourront pas s’envoler ! Leur description détaillée redonne à ces souvenirs couleurs pastelles : des éclats de rire. Le son des éternuements tonitruants de Mémé qui faisaient à chaque fois sursauter et maugréer Pépé comme à la première fois, me rappelle nos bouffées retenues dans nos joues pour ne pas exploser d’amusement !

Champomy ! C’est bientôt la nouvelle année 2022… Je me dis que l’avenir est maintenant à portée de la faculté de nos enfants à s’adapter. Ils le devront car le futur semble exigeant en imagination pour atteindre le bon équilibre.

Ça y est, Laura m’interrompt pour me lire un passage de son nouveau roman où une chatte a un accent parigot tandis que le chien parle en marseillais et que son pull tigre blanc me regarde avec des yeux interrogatifs… Tout un programme !

Elle réalise que c’est un métier de théâtre de jouer les voix des personnages, mais non elle ne va pas encore rajouter une corde à son arc ! Architecte et soigneuse dans un zoo et chanteuse devraient déjà la combler !

Puis ma fille me fait la réflexion, tout en lisant les petites lettres qui s’alignent en rang sur mon écran, que « c’est trop bien de raconter les grains de sel de notre journée qui rajoutent quelque chose à la salade de la Vie ! ».

Une salade bien méditerranéenne, faite de voyages salés entre les rives des deux continents de ma vie. Dans certaines langues, les mots dont je ne connaissais pas l’exacte signification voyageaient, eux, entre des définitions approximatives, enrichies par le contexte de leur usage, l’intonation de leur prononciation (injure ? compliment ?). Le mystère était délicieux. Il s’entretenait jalousement. Surtout pas de coup de baguette magique pour éclairer tout cela ! Ah ça non ! Restons imprécis, indéfinis et ouverts à tous les possibles. La langue en question offrait plus de réponses que prévues.