Je suis donc en pleine cure ayurvédique. L'occasion de découvrir en pratique et d'approfondir mes connaissances sur cette pratique médicale traditionnelle très ancienne !

Provenant du terme Ayur « la Vie » et Veda « la connaissance, la science », cette médecine est probablement le plus ancien système thérapeutique connu au monde. On en retrouve les premières mentions dans le quatrième Veda (les premiers livres sacrés de l'Inde, datant d'il y a 5.000 ans), l'Atharva Veda, avant qu'elle ne soit systématisée en tant que système de soins par les sages Charaka et Sushruta il y a 2.500 ans. Antérieure à la médecine traditionnelle chinoise, elle en aurait d'ailleurs inspiré certains principes.

A la fois médecine, philosophie et art de vivre, cette pratique thérapeutique se veut naturelle et holistique, c'est à dire soignant l'être humain dans sa globalité, corps et esprit associés, intégré dans son environnement. Elle s'inscrit, avec le Yoga et le Tantra, dans un triangle de disciplines visant à rétablir l'harmonie et l'équilibre au sein de chaque être, pour lui permettre d'accéder à la guérison et atteindre la réalisation du Soi.

Dhanvantari, Dieu de l'Ayurveda

Elle repose sur deux théories principales :

1. la théorie des 5 éléments (Panchamahabhuta Siddhanta), définissant les 5 éléments primaires appelés pancha bhutasoutattvas, qui composent l'ensemble du monde physique ou manifesté : L'Ether/Espace Akasha, l'Air Vahyu, le Feu Agni, l'Eau Djalam, et la Terre Pritvi.

1. Et une théorie des 3 énergies ou humeurs vitales, qui déterminent 3 constitutions ou tempéraments et qu'on appelle les 3 doshas : Vata (le vent, associant l'Ether et l'Air), Pita (la bile, associant le Feu et l'Eau), Kapha (le mucus, associant l'Eau et la Terre)

On associe ainsi un certain nombre de qualités fondamentales (gunas) à chacun des doshas, qui se définissent selon des couples d'opposés : chaud/froid, sec/huileux, léger/lourd, mou/dur, mobile/fixe...

De là se définissent des traits physiques et psychiques particuliers, propres à chaque dosha. Ainsi, on attribue aux 3 doshas les qualités suivantes :

1. Vata : le côté léger, froid, rugueux, sec, subtil, mobile, clair, dispersant, astringent ;

ce qui donne des traits physiques plutôt fins, et une orientation vers la créativité, la liberté, la spontanéité, la générosité, l'enthousiasme, la joie, la vitalité.

1. Pitta : le côté léger, chaud, huileux, tranchant, liquide, aigre, piquant ;

ce qui donne des traits physiques plutôt moyens et bien proportionnés, et une orientation vers la confiance, la concentration, le courage, l'ambition, la soif de connaissance, l'intelligence, le bonheur

1. Kapha : le côté lourd, froid, huileux, lent, visqueux, dense, statique, doux, sucré ;

ce qui donne des traits physiques plutôt imposants, et une orientation vers l'attention, la compassion, la stabilité, la concentration, la patience, la foi, l'accomplissement, la tendresse.

Ainsi, chaque individu est constitué d'une composition de base singulière, fruit d'un équilibre subtil entre ces 3 doshas, appelée Prakriti, qui sont en proportion différentes au sein de chaque individu. Mais il y a le plus souvent un ou deux doshas qui domine sur les autres, donnant 7 profils différents : Vata, Pita, Kapha, Vata/Pita, Vata/Kapha, Pita/Kapha, et Vata/Pita/Kapha.

NB : on peut trouver un certain nombre de petits quizz en ligne pour identifier son profil

Mais cet équilibre originel est en permanence modulé par des tas de facteurs extérieurs comme la météo, l'alimentation, nos interactions... et des facteurs internes comme nos idées, nos émotions, nos activités.., qui viennent perturber cet équilibre constitutif, et risquer de générer le trop plein d'un dosha sur les deux autres.

Cet état d'écart à l'équilibre est appelé Vikriti, et l'excès d'un dosha commence à diffuser alors en dehors de sa localisation habituelle, à générer des perturbations et des symptômes physiques et/ou psychiques, à libérer des toxines, pour arriver finalement à saturation et provoquer l'apparition d'une maladie.

Il s'agit donc, comme la médecine chinoise, d'une conception énergétique de la santé et de la maladie, basée sur la notion d' un équilibre subtil entre des couples d'opposés (à l'image du Yin/Yang).

Chaque excès de dosha génère ainsi des symptômes et des maladies qui lui sont propres, chaque dosha étant relié à des parties du corps, des organes et des fonctions de l'organisme préférentiels.

C'est souvent l'excès d'un aliment, d'une substance, d'une activité, d'une pensée ou d'une émotion qui vient renforcer notre dosha prédominant, favorisant l'apparition de déséquilibres. Il est en effet intéressant de noter que notre dosha dominant a lui-même tendance à nous orienter vers des activités, des pensées et des comportements qui vont avoir tendance à l'intensifier, entrainant le cercle vicieux de son renforcement.

Par exemple, un excès de Vata génère de l'agitation, des troubles du sommeil, de l'anxiété ; quand un excès de Pita génère colère, tensions, inflammation, fièvre ; et un excès de Kapha génère excès de poids, sédentarité, hypersomnie, léthargie, dépression.

Tout l'objectif de l'Ayurvéda est donc :

- D'une part de favoriser cet équilibre par des préconisations nutritionnelles (Ahar) et comportementales (Vihar) adaptées à notre constitution originelle et notre dosha prédominant, à appliquer au quotidien. En tempérant notre(s) dosha(s) prédominant(s) et en soutenant ses opposés, elles vont maintenir notre état de bonne santé et prévenir l'apparition des maladies.

Il s'agit notamment d'être vigilant à notre style de vie, notre rythme, nos habitudes, nos pensées, nos activités (travail, exercice physique, moments de détente) ou notre alimentation..

- D'autre part de corriger les excès de doshas, par des techniques d'élimination douces (Shamana) ou plus intenses (Shodhana) des toxines, puis des techniques de régénération, afin de ramener l'organisme vers sa prakriti, son état originel.

C'est là le rôle de la Médecine Ayurvédique, qui utilise notamment :

1. des traitements à base de plantes, avec une pharmacopée très développée et étudiée, pouvant être utilisés de différentes façons (ingestion, tisanes, application sur le corps...) ;

1. différentes techniques de massages à base d'huiles (huile de sésame surtout/mélanges d'huiles), de décoctions de plantes, de laits ou de crèmes, de poudres, d'emplâtres, et d'autres techniques utilisant la chaleur (application de chaud par eau/huile, bains de vapeur swedana..), des tampons kizhi remplis de feuilles ou de riz et imprégnés d'huile, de lait, ou d'une décoction.., ou encore le très connu Shiro Dhara, versement d'une huile ou autre liquide au niveau du 3ème œil, au niveau du front entre les sourcils ;

1. et des techniques de purification intérieure, appelées Panchakarma, « les cinq actions », qui reposent sur l'évacuation par le nez Nasya, les vomissements Vamana ou la purge Virechana (provoqués par l'ingestion de plantes), les lavements rectaux Vasti, ou la détoxification du sang (par saignées ou utilisation de sangsues) Raktamoksha.

Après cette brève présentation, probablement très simplifiée, comment se déroule donc une cure ayurvédique, en tout cas la mienne ?

Le vrai Panchakarma se déroule sur 3 semaines minimum avec réalisation de 2 soins par jour, et des restrictions assez strictes en termes nutritionnel et d'activités.

Je choisis pour ma part une version un peu plus soft et simplifiée, sur 14 jours, comme la plupart des personnes présentes ici, à raison d'un soin par jour, associé à des recommandations nutritionnelles à favoriser et une activité modérée autorisée, comprenant notamment la pratique du yoga et les sorties hors du centre. A chacun donc de choisir dans quelles mesures il se met en mode retraite, ou préfère faire du tourisme ou quelques emplettes le reste de la journée !

La cure débute par une consultation médicale avec un médecin ayurvédique. La médecin que je rencontre m'explique qu'il faut 6 ans d'études pour se former en médecine ayurvédique, qui est un cursus différent des études médicales conventionnelles ; mais de plus en plus de cours d'initiation à l'approche ayurvédique semblent être dispensés dans les Facultés de Médecine.

L'examen commence par une évaluation globale de notre physionomie et la prise du pouls à 3 doigts (comme dans la médecine chinoise), puis l'inspection des yeux, de la bouche et la langue, et quelques questions notamment concernant notre digestion, notre sommeil, le fonctionnement de nos 5 sens, les maladies et symptômes que nous pouvons présenter.

Il se termine par un diagnostic définissant notre profil, et l'établissement de notre programme de soins pour les semaines à venir, ainsi que les éventuels compléments alimentaires à base de plante envisagés.

Le soin se déroule la plupart du temps en deux phases, d'une durée totale de 1h15, réalisé pour moi par un masseur grand et costaud, pratiquant depuis 33 ans, nommé Prassad, exceptionnel :

1. On commence par un massage complet du corps à l'huile, nommé Abhyangam (mais il en existe de multiples sortes) débutant en position assise par le cuir chevelu, les cervicales et les épaules, puis allongé s'intéressant successivement au visage, puis aux 4 membres et au tronc, de face puis de dos.
2. Ensuite a lieu le soin spécifique, prescrit par le médecin à la consultation initiale, pouvant être l'utilisation de tampons, l'application d'emplâtres ou de chaud, un bain de vapeur, la purification par l'un des panchakarmas, ou le fameux shiro dhara.

Le reste du temps, comme je vous le décrivais dans mon article précédent sur Maithri Mandir, je participe dès le matin 6h30 aux séances de Méditation et de Yoga proposées par Sarva Atma ou Bhavani, une française venue superviser localement l'ensemble des séjours et le bon fonctionnement de la structure ; je me repose et consacre beaucoup de temps à des activités calmes telles que lire et écrire ; je me régale de la cuisine préparée par nos adorables cuisinières ; et participe aux différentes activités que nous organise l'incroyable Jay, superviseur indien du lieu, homme de toutes les situations, premier arrivé, dernier parti.

Merci à vous tous ! Car comme je vous le disais, tout cela fait de ces deux semaines une retraite des plus confortables et agréables qu'il m'ait jamais été permis de suivre !