Moi, Hannibal et la débrouille ...
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Moi, Hannibal et la débrouille ...
Quand j'étais plus jeune je pouvais rester scotchée pendant des heures devant des séries télés montrant des personnages usant de toutes sortes d'astuces pour se sortir de situations inextricables. Ces personnages font en quelques sorte partie de ma culture familiale.
L'horizon des cintres
Je me rappelle en particulier tous ces dimanches après-midi passés devant l'Agence tous risques ou MacGyver. Tous des hommes bien sûr mais je me rappelle avoir aussi beaucoup apprécié ce côté débrouille dans le personnage de Veronica Mars, la détective lycéenne.
De ces longs moments passés à se gargariser en famille du dernier coup d'Hannibal, j'en ai gardé un attrait particulier pour tout ce qui est de faire beaucoup avec pas grand chose. Derrière un rouleau de papier toilette, une ficelle et un cintre usé, que de possibilités !
De là se pose mon problème : l’irrépressible envie de garder tout, ne rien jeter et forcément, se laisser envahir. Je vous avoue que parfois cela me plonge dans une série de dissonances cognitives pas possibles. J'ai, par exemple, fait l'erreur de m'abonner à une page Facebook sur le minimalisme, ce qui est très apaisant et à première vue, porteur de bonnes prises d'initiatives.
J'y vois du beau, du zen et bien sûr je rêve souvent du même intérieur. Mais comment dire bye bye à ce vieux stylo usé qui pourrait peut être me servir à réparer mes lunettes de soleil ?! PO FACILE. Pourtant je préfère le dire tout de suite, derrière le minimalisme, j'ai bien compris qu'il se cachait un truc pas très clair ...
Photo de Hutomo Abrianto sur Unsplash
L'adition salée du minimalisme
Pour être ultra minimaliste - je veux dire au point d'avoir deux chaises, une table, une plante dans le salon - le porte monnaie doit aussi être sérieusement diminué. Pour mener notre vie trépidante d'aujourd'hui, nous avons besoin d'avoir les bons outils tel le portable qui a toutes les options ou la meilleure ceinture durable. Cela demande d'avoir suffisament de temps et d'argent à consacrer à cette quête irrésistible du meilleur, du plus beau, du plus perfect. Ajoutez à ça que j'essaie d'être zéro déchet le plus possible et le temps de recherche se rallonge. Et puis, les gourdes et les culottes menstruelles ça coûte cher, même si on les achète qu'une fois. Tout ça me semble parfois bien loin de l'esprit Agence tous risques qui m'est si cher.
Derrière l'idée de débrouille, il y a l'idée de base que tu n'as pas grand chose à ta disposition. La débrouille est ton alliée dans plusieurs situations. Quand par exemple, tu es comme Hannibal enfermé avec tes copains dans une maison au beau milieu de la campagne et que des fous furieux armés tapent à ta porte. Là, clairement, tu as besoin de transformer ton matelas en arme. Mais elle peut aussi t'aider quand tu es comme moi à 12 ans, que tu as envie d'une nouvelle déco pour ta chambre et qu'aller à Ikea n'est pas une option possible/souhaitable/essentielle pour le budget de ta famille. Donc tu te retrouves à faire ta nouvelle étagère avec cette ficelle qui traîne depuis 2 mois dans le garage et la palette du magasin d'à côté. Avec de l'imagination ça fait un super DIY à instagramer. Mais la débrouille est aussi bien utile quand ton patron refuse de prolonger ton contrat et que tu as 2 enfants et un chien à nourrir et abriter. Cette réalité est celle de tous ceux qui n'ont que Emmaüs et les restos du cœur comme option pour manger et avoir l'essentiel. Et l'étalage de ces salons zen et cuisines zéro déchet me fait parfois mal au cœur quand j'imagine le temps et l'argent que ces personnes ont eu la chance de consacrer à ces beaux et sains intérieurs.
Photo by PJ Gal-Szabo on Unsplash
Se contenter de peu, beaucoup d'entre nous sont obligés de le faire chaque jour, où l'ont été. Derrière les modes du minimalisme et du zéro déchet qui reviennent par certains aspects à cet esprit là (faire beaucoup avec peu), ces façons de vivre représentent parfois une obligation vitale pour beaucoup de personnes.
Regarder ces séries télés a fait naître en moi une passion inébranlable dans les manuels et guides "à tout faire" regardés en douce à la bibliothèque municipale ou chopés dans le placard familial. Je crois qu'ils agissaient sur moi comme détenteurs d'un horizon d'autonomie et de créations. Aujourd'hui grâce à cet esprit, je trouve ça personnellement très rassurant d'avoir, comme dirait Mamie, "de la ressource" : elle me sert tous les jours à m'adapter dans un nouvel environnement ou une nouvelle situation, que ce soit au travail ou dans ma vie personnelle. Alors souvent, je ris intérieurement quand j'entends quelqu'un parler de ces séries télés avec mépris.
Photo initiale de Victória Kubiaki à retrouver sur Unsplash
Julien Guyomard 3 years ago
J'ai beaucoup aimé votre point de vue et ce retournement sur le minimalisme! Merci pour le partage.