

A propos des assistants parlementaire
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A propos des assistants parlementaire
L'actualité judiciaire a récemment évoqué le statut des salariés du politique. J'aimerais y apporter mon éclairage, sans porter de jugement sur l'affaire elle-même, ce qui a été largement développé par ailleurs.
J'ai été à plusieurs reprises assistant parlementaire, ou en cabinet politique. J'ai aussi très souvent côtoyé des personnes qui mêlaient salariat public / para-public et responsabilités politiques. N'importe quel juge un peu zélé sur la question du "détournement de fonds publics" aurait pu tous les mettre / nous mettre en examen. Par exemple, qui de mieux pour préparer une élection régionale que des personnes qui sont dans l'institution régionale, élus, évidemment, mais aussi salariés en cabinet ou en groupe ?
Dans le passé, j'avais exposé l'absurdité de la situation des assistants parlementaires, Assemblée comme Sénat. Lors du tunnel élection présidentielle => élections législatives, 3 mois pendant lesquels le parlement est suspendu, les assistants continuent à être salariés, mais sans réel travail, auxquels un juge d'instruction un peu zélé pourrait voir à redire de les voir militer pour le candidat à la présidentielle soutenu par son parlementaire, puis pour les législatives. C'est à ces cas absurdes que l'on voit combien une législation est mal faite.
Car voilà.
Il y a un tabou en France sur le financement de la vie politique. Parce que faire fonctionner une démocratie, cela coûte de l'argent, beaucoup d'argent. Si on veut qu'il existe un lien entre les élus, leurs partis, et les citoyens, ce qui fait vivre la démocratie représentative, il faut des moyens pour cela. Des locaux où se réunir. Des gens qui organisent les réunions. Une égalité de moyens entre ceux déjà en place - dans une mairie par exemple - et les oppositions. Essayez d'organiser des débats citoyens dans une ville pour préparer bien en amont les municipales, contre la mairie sortante, vous allez vite comprendre l'ampleur du problème... Et je ne parle là que des municipales...
Dans ce contexte, où l'argent est très rare pour financer la vie politique, et cela à tous les niveaux, les bricolages avec les contrats à disposition pour financer un temps partiel de permanent politique sont monnaie courante.
Il y a dans l'affaire du FN-RN de vrais "détournement de fonds publics" quand par exemple un chauffeur payé par le parti avant se retrouve sous contrat d'assistant. Mais dans une campagne régionale, l'assistant qui donne au permanent de la campagne toutes les infos pour organiser la visite d'une ferme bio, même en dehors de son temps de travail, il utilise bien des moyens de l'institution pour un projet électoral. C'est là un détournement de "moyens" publics, au moins éthiquement condamnable.
Le tournant de l'affaire Fillon
Depuis qu'a éclaté l'affaire Fillon, avec mise en examen des assistants parlementaires, ma ligne n'a pas bougé d'un iota : la justice n'a pas à mettre le nez dans la façon dont un élu utilise les moyens mis à sa disposition pour faire de la politique. Cela ne regarde au maximum que sa propre institution.
Ce qui a été édifiant, c'est que la justice s'est autorisée, avec l'accord du président de l'Assemblée nationale de l'époque de perquisitionner les locaux parlementaires pour s'assurer de la réalité, ou non-réalité, du travail des assistants de Fillon.
Il faudrait que tout le monde relise cette dernière phrase la tête reposée.
Les locaux d'un parlementaire fouillés par la justice, non pas dans un cas de terrorisme, de meurtre, de flagrance, mais pour estimer la façon dont les moyens mis à la disposition du parlementaire par l'institution parlementaire ont été utilisés.
Si cela ne vous choque pas, c'est que vous êtes prêts à accepter toute forme de dictature, et je n'exagère pas écrivant cela.
Parce que, et quiconque a milité aux côtés d'élus avec de fortes responsabilités le reconnaîtra s'il est sincère, la limite entre le militantisme bénévole et non-bénévole est plus que mince, elle n'existe pas, et si on laisse au juge la possibilité de déterminer la limite, alors une justice à la main d'un pouvoir illibéral pourra mettre en examen tout élu qui déplaît.
J'ai donc été assistant parlementaire. D'une députée suppléante d'un ministre. C'est dire que je naviguais au milieu d'un réseau fait de centaines d'amitiés, de fidélités, d'entr'aide.
C'était le temps, au siècle dernier, où les permanents des fédés étaient à tiers-temps assistants parlementaire, ça finançait leur protection sociale, le reste payé de main à la main, au noir. Leur retraite ne doit pas être bien élevée...
Mais j'ai aussi connu l'inverse, les deux-trois retraités experts qui aidaient le ministre ou les députés proches du ministre sur des dossiers, et qui avaient une carte d'entrée à l'Assemblée, où ils venaient bosser bénévolement.
Le militantisme politique, entre salariat et bénévolat
La politique, c'est un sacerdoce. Une salariée vendeuse en boulangerie ne l'est plus passée ses 8 heures de travail salarié. Attend-on de l'assistant parlementaire, par ailleurs militant, qu'il refuse de discuter d'un dossier parlementaire en dehors de son temps légal de travail lorsqu'il assiste à une réunion en tant que militant ? Elle passe où la limite entre les deux fonctions, l'une bénévole, l'autre pas ?
Sans doute mes propos prêtent à controverse. Mais il y a -t-il vraiment détournement de fonds publics quand un député verse 800 euros par mois à un gars qui dans la vraie vie est permanent du parti du député, dans le département du député, et que une ou deux fois par mois, le gars en question organise des réunions pour le député ou lui remonte des données du terrain ?
Une fois encore, je ne cherche pas à disculper MLP, et j'ai l'impression qu'il y a eu de vrais détournements dans son dossier, et un système pour se financer sur la bête.
Pour le reste, je continue à penser que des gens payés par un parlement pour faire de la politique aux côtés d'un parlementaire n'ont pas à être jugés ni sur la forme, ni sur le fond de la réalité de leur travail dès lors qu'il est démontré qu'ils sont activistes dans le parti du parlementaire.
La solution à mon sens est le contrôle renforcé par l'institution elle-même de la réalité du contrat - pour que l'enveloppe ne serve pas à payer son coiffeur ou son chauffeur - et la plus totale transparence sur l'utilisation des moyens mis à la disposition du parlementaire. Avec ce système, Fillon n'aurait pas pu publiquement payer ou faire payer sa femme au hauteur de deux salaires d'assistants, sans qu'un journaliste ne vienne contrôler la réalité de son activité politique.
Pour finir, et pour savoir de quoi l'on parle, je vous invite à regarder la série "Parlement" sur le site de France Télévision.
Pour apprécier ce que l'on attend d'un *vrai* assistant parlementaire selon les institutions européennes.
Chacun selon son vécu répondra alors, qui est le plus utile à la démocratie en Europe, celui qui travaille sur une directive sur la pêche, au milieu d'un dizaine d'eurocrates, ou celui qui monte une réunion publique dans un canton rural, réunion publique qui n'aurait pas eu lieu s'il ne l'avait pas prise en main.
Normalement, les deux ne devraient pas s'opposer, hormis que désormais la justice valorise l'un, et jette la suspicion sur l'autre.
Et vous, pensez-vous qu'il est du rôle de la justice d'apprécier le travail d'un parlementaire, et de ses assistants ?


Stéphane Hoegel 1 month ago
Article très intéressant, merci à vous.
Et pour le conseil télévisuel, je me joins à vous : j'ai trouvé la série "Parlement" à la fois drôle et instructive.
Bernard Ducosson 1 month ago
Dubitatif sur "un détournement de fonds" au titre de l'Europe et non de la seule France, n'est-ce pas Bruxelles qui aurait du porter plainte et de plus la somme "détournée" devrait être minorée de la part des autres nations. Quelle légitimité pour un tel procès ?
Thomas Andouard 1 month ago
L'argent de l'Europe est aussi celui des français et la France est compétente pour juger ses ressortissants. De plus les inculpés sont des législateurs, ce sont eux qui font les lois. Ce sont les moins bien placés pour critiquer les lois appliquées par les juges vu que ce sont eux qui les votent. C'est tout de même difficilement défendable.
Bernard Ducosson 1 month ago
OK mais pour un détournement public à l'Europe, c'est L'Europe qui aurait du attaquer en Justice et non la France seule, car c'est l'Europe qui a payé les assistants donc la France n'a rien perdu...
Thomas Andouard 1 month ago
L'argent de la France et de l'Europe, c'est la même chose.
Par contre il me semble que le cour européenne de justice ne peut pas attaquer en justice, cela reste une prérogative nationale. Elle est compétente lors de l'interprétation des traités mais je ne suis pas sûr qu'elle puisse attaquer en tant que personne morale puisque supranationale. C'est une bonne question. Je me renseignerai.
Si quelqu'un lit ceci et s'y connaît en droit: La Cour Européenne de Justice peut-elle attaquer en son nom propre des personnes physiques ou morales relevant d'un État membre sans passer par la Justice de celui-ci?
Je pense que non mais sait-on jamais on va ptet apprendre des choses intéressantes.
Bernard Ducosson 1 month ago
Heureux d'avoir échangé avec toi.
BD
Thomas Andouard 1 month ago
Pareillement cher monsieur
Bernard Ducosson 1 month ago
Non non pas cher, je rase gratis...
Alexandre Leforestier 1 month ago
Et bien voici un retour d'expérience et un point de vue fort intéressant.
Merci pour celui-ci !
Et j'ai bien relu la phrase... ))
Franck Contat 1 month ago
merci de vos remarques... et de votre attention !
Thomas Andouard 1 month ago
J'ai plein de questions!
Déjà, à partir de quand parle-t-on d'un poste d'assistant parlementaire? J'imagine qu'il faut un contrat de travail et donc un salaire... Mais comme vous le dites, au niveau communal un bénévole peut-il être mis en cause s'il travaille pour un ou une candidate de façon... disons illégale.
Toutes ces histoires me semblent souffrir d'un bête manque de précision dans un intitulé de poste: comme pour une loi mal écrite et laissant place à l'interprétation.
Même si dans le cas de MLP, payer son garde du corps 9000€ mensuels... bon là y'a peu de doute.
L'assemblée Nationale et le Sénat n'ont ils aucun moyen de contrôler le travail des assistants parlementaires?
Dans tous les cas il me semble normal qu'une enquête soit menée dès qu'il y a des soupçons de mauvaise utilisation d'argent public.
En tout cas merci de nous avoir partagé votre expérience.
Franck Contat 1 month ago
Merci de vos remarques !
Un poste d'assistant est défini par un contrat de travail hors du droit commun, ni CDD, ni CDI, l'embauche se fait par le parlementaire, mais la gestion du contrat (et le paiement des salaires) par le parlement. Il existe un contrôle à ce niveau-là.
J'ai envie de dire que le travail de l'assistant à Paris peut être facilement défini. L'assistant vient faire ses heures à l'AN ou au Sénat, au Parlement européen il doit badger une fois par jour ouvrable.
Ces contrôles n'existent pas pour l'assistant en circonscription, et c'est là que le flou peut s'installer. Il y a des députés qui vont tout faire dans leur permanence, d'autres toujours sur le terrain. Et puis d'autres... ne rien faire (c'est leur droit...). Il n'y a donc pas un profil unique de l'assistant en circo, et si l'assistant est par ailleurs militant, le chevauchement des 2 activités est certain.
Voilà en quelques lignes ce que je peux vous répondre sur ce vaste sujet !
Alexandre Leforestier 1 month ago
C'est intéressant et très concret ainsi, cela fait du bien ! ;-)
Thomas Andouard 1 month ago
Merci pour ces informations j'en sais désormais un peu plus sur ces fameux postes d'assistants!