Lettre d'un battement de cils
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Lettre d'un battement de cils
L'horreur s'infiltre tout en lenteur lorsque force est de constater que l'être tant aimé ne peut se volatiliser. Et ce, qu'importe le temps passé à prier.
J'ai rarement gardé les doigts croisés si longtemps. Peut-être aux enterrements, peut-être sous les sermons des plus grands, mais jamais ô grand jamais pour m'ôter d'ardents sentiments.
Je voudrais crier au diable mais à dire vrai, j'aime fièvreusement mon châtiment.
Mon cher, mon fervent lecteur, tu te retrouves témoin de toute l'étendu de ma sensibilité. Je te serais gré de te faire l'unique confident de telles agitations.
Dans les jours qui ont suivi la rencontre, je n'ai plus touché le sol. Je me rappelle l'avoir foulé ce sol et m'être fouillé à la recherche d'une adresse, d'un nom, d'un billet doux qu'on aurait déposé et qu'on aurait voulu que je trouve pour réitérer un tel moment d'enchantement. Mais rien de cette nature hélas, rien que des poches vides, des mains vides, une tête pleine qui rembobine la scène pour contrer le sommeil.
Rêver se mue en un désintérêt rarement approché auparavant. Je m'abandonne aux souvenirs.
Le quai.
Sa figure.
Notre discussion.
Mon adoration.
Je me rappelle être revenu dans la rue de la rencontre, dès que je le pouvais. Je me rappelle avoir encouru de grands risques dès que je suffoquais. Souviens-toi bien que les risques ne signifient rien en temps d'hémorragie animique.
Mon âme, sordide chose dont le contrôle échappe à mon esprit, me fait monter dans un voilier naviguant vers cette dulcinée. Cette femme, jamais vraiment mienne, trop irréelle, est une terre fertile que le voilier ne saurait atteindre ; seuls les véritables bateaux savent s'y rendre, et y demeurer.
Pour la bonne fortune de la belle, je me retiens de trop longtemps la chercher. Le séjour dans ce village finira bien par s'écourter, aussi dois-je t'informer que ce serait d'une bêtise absolue de m'y attacher. Et pourtant, lorsque je brûle cette cigarette en me remémorant les mouvements de ses cheveux sujets aux caprices du vent, je la découvre se baladant sur l'axe adjacent.
Je cligne, je cligne, mais aucun mirage ne sévit sous mes yeux.
Comment décrire un tableau pareil ? Le sourire qu'elle me renvoie, sa danse du regard, ses rires rosés, sa main qui salue ma personne, sa joue qui pourrait se poser sur la mienne ou sa bouche, que seul le rêve me permet à ce jour de rencontrer. Sa bouche qui se déforme, s'agrandit, l'embellit, me fortifie.
Comment t'écrire sa beauté, sa sagesse d'esprit, sa tempérence, sa spiritualité, sa singularité de femme à aimer ? Ceci me bouleverse : cela paraît si facile de l'aimer que je me surprends à lui proposer, en ce jour empli de félicité, de m'accompagner boire une tasse de thé.
Comment me rappeler de ce qu'elle m'a précisément répondu ? Je n'ai pu qu'apercevoir les rayons de la création l'habiller du manteau que chaque homme veut un jour voir à ses côtés, celui d'une tendre femme dont il ne reste que l'alliance à enfiler.