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Prologue - Déconstruction

Prologue - Déconstruction

Published Aug 23, 2024 Updated Oct 2, 2024 Humor
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Prologue - Déconstruction

Non, ne commence pas par cela. Tu dois d'abord briser les liens, désengager toutes les dépendances. Sinon tu n'y arriveras pas. Pour commencer, supprime tes comptes personnels, nominatifs, ou du moins ceux dans lesquels ton identité civile est encapsulée. Tous, ceux-là, sans exceptions. De toutes façons ils ne te servent à rien. Ton "moi" à l'intérieur, tout le monde s'en fout, personne ne le voit. Ne garde que des comptes techniques pour accéder à ta banque, ton épargne, tes impôts, un boite mail générique, un téléphone prépayé, une clé 5G pour l'accès internet. C'est tout. Tu ne les supprimeras même pas. Puisqu'ils ne sont pas toi, ils ont le droit d'exister, eux.

Alors seulement tu pourras t'occuper du reste: démissionner, vider tes comptes, vendre, donner, rejeter, repousser, partir. Cela peut prendre du temps, des mois ou des années. Il ne faudra pas flancher! Dis-toi qu'à la moindre hésitation, qu'à la première marche arrière, il faudra presque tout refaire! Et ne commence pas à chialer! Si tu étais resté seul, cela aurait été tellement plus simple! Si tu n'avais pas imaginé une fois, une seule petite fois, que tu valais quelque chose, que tu pouvais prétendre exercer un métier, avoir femme et enfants, même un ami ou deux, tu n'en serais pas là. Mais tu croyais quoi? Qu'ils verraient en toi ce que personne ne voit? Mais personne ne le voit parce qu'il n'y a rien à voir! Quand on croise ton regard, on se demande seulement pourquoi tu n'as pas été noyé à la naissance. Et on se dit simplement qu'il ne devait pas y avoir de rivière à côté. Que l'on était en période de restriction d'eau pour cause de sécheresse. Et on finit par maudire le réchauffement climatique! Et on allume la clim, ou bien un ventilo, juste parce qu'on a trop chaud. Et on te chasse comme ça, dans le courant tiède d'un souffle d'air moisi. C'est tout ce qu'ont fait tes amis. Tu ne méritais pas mieux. Alors qu’eux, si.

Maintenant, ferme-la et écoute-moi. Quand tu seras tout seul, personne à tes côtés, personne même pour penser que tu aies existé, que tu n'auras plus rien, pas de toit, pas d'argent, à peine un vêtement puant et dégueulasse, et que tu auras faim, soif, que tu seras malade et que ton corps vulgaire commencera à se décomposer, tu pourras commencer doucement à tout désassembler. Si tu veux que cela marche, tu devras jusqu'au bout y mettre un peu du tien et tout faire par toi-même.

Tu arracheras tes cheveux, du moins tous ceux qui restent et les poils de ton corps. Si cela ne veut pas venir, tu trouveras un moyen de tous les enlever. Un traitement à l'acide, cela devrait marcher. Puis tes ongles, un à un. La technique est plus simple: tu as une bouche, des dents. Même tes chicots noircis, boueux, nauséabonds devraient y parvenir. De tes deux incisives tu feras une entaille, juste à la base de l'ongle, tout au bord du sinus. Elle doit être profonde pour bien prendre la racine. Puis une fois ancré, tu tireras ton doigt d'un mouvement régulier, sans à-coup pour racler chaque fragment de matrice, chaque petite tranche de veine et de veinule gorgée de ton hémoglobine corrompue et véreuse. Et tu iras au bout, jusqu'au bout de toi-même. Tu vas gouter ton sang, mélangé à ta crasse, aux abcès de ta bouche, ta merde au bout des doigts. Et tu vas avaler. Et tu vas t'en nourrir. Tu comprendras alors à quel point tu n'es rien, que ta vie ne compte pas, que tu n'es même pas.

Tes doigts ensanglantés pourront finir le reste: tu trouveras une bouteille, un tesson aiguisé et tu couperas ton nez, tes oreilles, ta langue, ta bite, tes testicules qui n'ont jamais brillés par leur utilité. Puis tu crèveras tes yeux, à l'aide de clous rouillés, que tu laisseras en place. Et enfin pour finir, tu trouveras un feu, un brasier, un fourneau, un enfer dans lequel te plonger totalement. Faire fondre sur tes os ta chaire répugnante, faire bouillir tes organes nécrosés et bouffis, exploser ton squelette poussiéreux et cassant sous l'effet d'une fournaise euphorique et riante mais un peu dégoutée de n'avoir que toi pour attiser ses braises. Tout cela dans un but, une seule finalité: réduire ton enveloppe à de simples cellules, de pauvres molécules, des atomes atrophiés voire moins si Dieu le veut, même si sur ce coup-là, il y a fort à parier que Dieu s'en batte les couilles et te laisse en l’état, tel qu’il t’a créé.

Une fois déconstruit, une fois ramené à ta valeur réelle, au rien fondamental, au rien originel, au rien qui n'est que toi, alors là, seulement là, là tu t'apaiseras. Et si ce n'est pas le cas, eh bien, tant pis pour toi.

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Comments (2)

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Luce 1 month ago

La vache !! J’ai écris sur la déconstruction aussi mais en moins violent 😂😂! On n’est pas vraiment obligé d’en arriver là ? Hein !!!!

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Arthyyr 1 month ago

Je n'ai pas l'habitude de faire les choses à moitié, ce doit être pour ça...🙂

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