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Prologue - Déconstruction

Prologue - Déconstruction

Published Aug 23, 2024 Updated May 25, 2025 Humor
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Prologue - Déconstruction

Non, ne commence pas par cela. Tu dois, avant tout, briser les liens, désengager toutes les dépendances. Sinon, tu n'y arriveras pas. Pour commencer, supprime tes comptes personnels, nominatifs, ou du moins ceux dans lesquels ton identité civile est encapsulée. Tous ceux-là, sans exception. Comprends qu’ils ne te servent à rien. Ton « moi intérieur », tout le monde s'en fout, personne ne le voit. Ne garde que des comptes techniques pour accéder à ta banque, ton épargne, tes impôts, une boîte mail générique, un téléphone prépayé, une clé 5G pour l'accès internet. C'est tout. Tu ne les supprimeras même pas. Puisqu'ils ne sont pas « toi », ils sont dignes d'exister, eux.


Et ce bout de peau morte ? Cette épluchure animale que tu nommes portefeuille ? Une fois débarrassé de son contenu bidon, permis et cartes, pièces et billets, photos jaunies, souvenirs ternis, mange-le. N’attends pas d’avoir faim. N’attends pas de n’avoir d’autre choix que celui d’apprécier cet effroyable repas.


Puis démissionne, vide tes comptes, vends pour donner, offre pour abandonner, perds pour oublier. Rejette, repousse, pars. Cela prendra du temps, des mois, voire des années.


Surtout ne flanche pas ! Dis-toi qu'à la moindre hésitation, qu’au premier recul, tu recommenceras absolument tout ! Et ne chiale pas, par pitié ! Si tu étais resté seul, cela aurait été tellement plus simple ! Si tu n'avais pas imaginé une fois, une seule petite fois, que tu valais quelque chose, que tu pouvais prétendre à exercer un métier, avoir femme et enfants, même un ami ou deux, tu n'en serais pas là. Mais que croyais-tu ? Qu'ils verraient en toi ce que personne ne voit ? Mais personne ne le voit parce qu'il n'y a rien à voir ! Quand on croise ton regard, on se demande seulement pourquoi tu n'as pas été noyé à la naissance. Et on se dit simplement qu'il n’y avait aucune rivière à proximité. Que l'on était en période de restriction d'eau pour cause de sécheresse. Dès lors, on maudit le réchauffement climatique ! Puis on allume la clim, ou bien un ventilo, pas parce qu'on a trop chaud mais uniquement pour te chasser dans le courant tiède d'un souffle d'air moisi. C'est ce qu'ont toujours fait tes amis, non ? Tu ne méritais pas mieux. Alors qu’eux, si.


Maintenant, ferme-la et écoute-moi. Quand tu seras seul, personne à tes côtés, personne même pour penser que tu aies existé, que tu n'auras plus rien, pas de toit, pas d'argent, à peine un vêtement puant et dégueulasse et que tu auras faim, soif, que tu seras malade et que ton corps vulgaire commencera à se décomposer, tu pourras commencer doucement à tout désassembler. Si tu veux réussir, achever, pour une fois, un projet dans ta vie, tu devras t’impliquer. Sans retenue, sans pudeur, sans limite. Corps. Puis âme.


Tu arracheras tes cheveux, du moins tous ceux qui restent et les poils de ton corps. Si tu n’y parviens pas, tu n’as qu’à essayer la créativité. Tu sais, ce petit plus que toute ta vie passée tu n’as fait qu’ignorer. Un traitement à l'acide, par exemple, me semble approprié. Puis tu déracineras tes ongles, un à un. La technique est plus simple : tu as une bouche, des dents. Même tes chicots noircis, boueux, nauséabonds y parviendront sûrement. De tes deux incisives tu feras une entaille, juste à la base de l'ongle, tout au bord du sinus. Elle doit être profonde, prendre la racine, pleine, charnelle . Puis une fois ancré, tu tireras ton doigt d'un mouvement régulier, sans à-coup pour racler chaque fragment de matrice, chaque petite tranche de veine et de veinule gorgée de ton hémoglobine corrompue et véreuse. Et tu iras au bout, jusqu'au bout de toi-même. Tu goûteras ton sang, mélangé à ta crasse, aux abcès de ta bouche, ta merde au bout des doigts. Et tu avaleras. Et tu t'en nourriras. Tu comprendras alors à quel point tu n'es rien, que ta vie ne compte pas, que tu n'es même pas.


Et par tes doigts putrescents, tu t’accompliras : tu trouveras une bouteille, un tesson aiguisé et tu couperas ton nez, tes oreilles, ta langue, ta bite, tes testicules qui n'ont jamais brillé par leur utilité. Puis tu crèveras tes yeux, à l'aide de clous rouillés, que tu maintiendras enfoncés. Ton cerveau effaré, surpris par la douleur, sera oblitéré, empêché de penser, insensibilisé. À toi de savourer.


Et pour finir, tu allumeras un brasier, un fourneau, un enfer dans lequel te plonger totalement, que fonde sur tes os ta chair répugnante, que tes organes ruinés, nécrosés et bouffis dégueulent en mijotant, que ton squelette poussiéreux et cassant implose sous l’oppression d'un bûcher euphorique et riant mais un peu dégoûté de n'avoir que toi pour attiser ses braises. Tout cela dans un but, une seule finalité : réduire ton enveloppe à de simples cellules, de pauvres molécules, des atomes atrophiés voire moins si Dieu le veut, même si sur ce coup-là, il y a fort à parier que Dieu s'en batte les couilles et te laisse en l’état, tel qu’il t’a créé.


Une fois déconstruit, une fois ramené à ta valeur réelle, au rien fondamental, au rien originel, au rien qui n'est que toi, alors là, seulement là, là tu t'apaiseras. Et si ce n'est pas le cas, eh bien, tant pis pour toi.



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Comments (2)

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Luce verif

Luce 7 months ago

La vache !! J’ai écris sur la déconstruction aussi mais en moins violent 😂😂! On n’est pas vraiment obligé d’en arriver là ? Hein !!!!

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Arthyyr verif

Arthyyr 7 months ago

Je n'ai pas l'habitude de faire les choses à moitié, ce doit être pour ça...🙂

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