La Porte.
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La Porte.
La douceur diaphane d’un soleil clément se posait, tel un voile, sur sa joue. Allongée sur une couverture épaisse, elle percevait le délicat parfum de l’herbe subtilement humide. Son cœur était apaisé, caressé par le souffle discret du vent printanier. Au loin, elle entendait les rires de son mari et de son fils, jouant, complices. Amusée par leur hilarité, elle se redressa et fit glisser ses lunettes de soleil sur son nez.
Elle admirait la bucolique beauté de l’endroit, un coin de paradis végétal qui glissait dans les eaux cristallines d’un lac de montagne. La nature renaissante s’ébrouait, multiple et féconde, dans une symphonie prolifique. Tout dans cette journée semblait avoir décidé de s’agencer en une délicate harmonie.
Au loin, au bord de l’eau, elle apercevait la silhouette de son mari, portant leur fils tant aimé sur les épaules. Elle les héla en agitant la main, un sourire radieux aux lèvres, signifiant par ce salut toute la joie qu’elle ressentait à partager leur existence. Ils se retournèrent et répondirent d’un geste en riant.
– Maman ! Regarde, je suis un géant !
Une voix d’enfant pleine de candeur, d’émerveillement, vierge devant les plaisirs du monde.
Une goutte glaciale s’écrasa sur son front. Les couleurs pâlirent. Un gris galopant sous la menace d’un ciel ombragé. Le ciel si bleu, s’était drapé de sombres nuages. En un instant. Un vent cinglant balaya le sol, emportant affaires et vêtements vers les buissons devenus épineux. Les branches des arbres se racornirent, se fendirent, dans un craquement atroce, alors que du sol poussèrent des racines malades et des ronces menaçantes. Elle sentit un puissant frisson lui parcourir l’échine et une sueur givrée glisser le long de son front. Une brume épaisse s’éleva du sol, et avant qu’ils ne disparussent complètement, elle put voir l’expression de son mari tordue de douleur, ravagée par un chagrin profond que jamais elle ne lui avait connu. Leur fils convulsait sur ses épaules.
Son visage s’était évanoui derrière une ombre brumeuse.
Il n’avait plus de visage !
Bientôt, un manteau de brouillard, impénétrable et blafard, ne laissa plus d’eux que des silhouettes imprécises. Elle hurla de terreur, et se redressa, pataugeant dans un sol devenu boueux, elle courut dans leur direction. Elle courut, courut, courut. À en perdre le souffle, à suffoquer, à chercher, haletante, un air qui semblait ne plus être. Mais jamais elle n’atteint le lac, jamais elle ne les retrouva. Ils s’étaient dissipés dans des éthers inconnus, n’étaient plus qu’un songe lointain devenu inaccessible. Elle s’écroula dans la fange en pleurant, maudissant le ciel qui avait ravi, dans ce cauchemar éveillé, les êtres aimés.
Bientôt, elle perçut un bruit au loin. Un son strident qui emplit le silence. C’était une alarme intermittente, sinistre et régulière, implacable et lancinante. La brume se retirait lentement et elle aperçut face à elle une chose à la fois terriblement commune et pourtant singulière. Une porte. Une porte blanche. Érigée, solitaire, au milieu de la nature. Sans rien. Ni devant, ni derrière, ni autour. Une simple porte blanche, plantée là, isolée de toute cohérence. Elle se leva lentement, le corps agité de frissons. Une appréhension suffocante la saisissait à la gorge, tandis que l’alarme se faisait de plus en plus puissante, de plus en plus stridente. Elle porta sa main sur la poignée métallique et lentement l’actionna. Terrorisée, elle ferma les yeux tandis qu’elle ouvrait la porte. L’alarme devint assourdissante.
Elle ouvrit les yeux en sursaut. En proie à la surprise d’un endormissement involontaire et d’un réveil soudain. Elle était visiblement dans une pièce d’hôpital, assit sur une chaise face à ce qui semblait être un grand couffin de verre d’où sortait, immobiles tentacules, des fils et des tubes. Deux infirmières aux blouses roses étaient penchées sur le couffin, en proie à une urgente agitation. À ses côtés, debout, blême, se tenait son mari. Son regard était plein d’une terreur indicible et son visage portait une expression tordue de douleur, ravagée par un chagrin profond que jamais elle ne lui avait connu. L’alarme insupportable provenait d’un boitier aux lignes de couleurs électriques qui affichaient une platitude macabre. Bien que cachée par la soignante, elle aperçut une partie de ce qui occupait le couffin.
Une main minuscule qui portait un petit bracelet de plastique vert pâle.
Les doigts étaient recroquevillés, refermés à moitié.
Cette main, belle et fragile, était...
Bleue.
Elle sut alors qu’elle l’avait perdu.
Elle sut que son fils, son bébé, son ange chéri, son amour porté au plus profond de ses entrailles, s’était éteint.
Elle sut que son fils était mort.
Sans un mot, elle se recula.
Franchit à nouveau la porte et la referma.
S’allongea en silence sur le sol.
Elle ferma les yeux dans un soupir.
La douceur diaphane d’un soleil clément se posait, tel un voile, sur sa joue. Allongée sur une couverture épaisse, elle percevait le délicat parfum de l’herbe subtilement humide. Son cœur était apaisé, caressé par le souffle discret du vent printanier. Au loin, elle entendait les rires de son mari et de son fils, jouant, complices.
Mael Maurin 3 months ago
J'ai beaucoup aimé ! Si vous souhaitez découvrir le poème que j'ai écris récemment "Un pas vers l'autre", n'hésitez pas à consulter mon profil, le lire et me donner un avis ;) J'en publierai d'autres prochainement que j'ai déjà écris mais connaitre votre avis serait super ! Merci beaucoup à vous ;)