Little Goya et Le roi triste
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Little Goya et Le roi triste
Dans le château sans nuage, bien au-delà du pays des songes où flottent les nuages et ceux qui y vivent, vivait le roi triste, seul dans sa grande demeure, sombre et sans couleur.
Ici nul ne venait perturber cette solitude, cela le rendait encore plus triste et il aimait ça !
Il y avait bien une petite tache de couleur qui se hasardait de temps en temps, poussée par le vent, loin du pays des songes. Mais cela ne durait jamais bien longtemps, la petite tache se noyait, perdue dans l’incolore.
D’ailleurs le roi ne préférait pas les voir. Il aimait sa tristesse incolore et monotone, il aimait s’y morfondre et répéter qu’il était triste : le plus triste!
Aussi regardait-il le monde extérieur avec des grands yeux sombre, remplit de mépris. Les gens d’ailleurs ne pourraient jamais comprendre ce qu’il avait compris, avec leurs gaietés et leurs rêves stupides.
Le futur est pessimiste!
Tout est noir ou gris et tout doit le rester. Au moins comme ça c’est stable!
C’est la raison pour laquelle il dépêchât ses hommes-machines, tout vêtues de noir, aux frontières du royaume. Ils avaient pour ordre d’arrêter toutes les taches de couleurs.
Grand-papa roule vite sur la grande route d’un pays très froid, que l’on appelait autrefois la Sibérie. Dans son camion, il transporte des petites boites de peinture à l’eau, marquées «Made in Taiwan». Un pays où les gens seraient jaunes, aux dires de certains.
C’est pour cela que grand-papa ma surnommé «Little Goya», parce que j’aime bien ces petites boites. Même qu’une fois j’en ai pris une et j’ai barbouillé tout son camion. Il n’était pas content grand-papa.
Un barrage se dresse face à nous, au travers de la route, dans ce pays toujours très froid où y a pas de nuage mais beaucoup de brouillard pour pas qu’on voit le ciel bleu non plus, des hommes en noir nous arrêtent.
Ils sont bizarres ces bonshommes avec leurs voix métalliques. Ils en veulent à grand-papa et à ses boîtes. Alors ils le tirent du camion, j’entends «PAN!» et puis plus rien. Je tente bien de voir ce qu’il se passe en jetant un coup d’oeil par la porte, mais j’ai peur qu’ils me découvrent.
Alors ce que j’ai vu?!
J’ai vu grand-père,
Grand-père par terre.
Même qu’y a un joli rouge tout autour de lui.
Même que les hommes en noir le cachent sous la neige,
Et le rouge rejaillit toujours!
Sans doute n’aiment-ils pas le rouge.
Moi je m’enfuis par l’autre porte avec trois boîtes de couleurs dans les poches. Et je cours dans la neige. Les hommes en noir, ils ne me voient pas. Ils sont trop occupés à brûlé l’intérieur du camion.
Ce pays là, il est vraiment trop froid, et puis plat, encore plus plat qu’une palette de peinture. Alors le vent il souffle et soulève la neige par bourrasque.
Dur, dur! Pour une petite fille comme moi dans un pays si froid. Heureusement, rapidement je rencontre quelqu’un ou quelque chose.
Lui aussi c’est un homme en noir, mais différent des autres. D’ailleurs ce ne sont pas des hommes, les hommes en noir, ce sont des androïdes. C’est lui qui me l’a expliqué, entre deux «GRR BZZ BZZ». Lui il est différent parce qu’il a «pété les plombs», il m’a dit, ou disjoncté si vous préférez. Bref y comprend plus les ordres du chef, c’est pour cela qu’il erre dans la plaine. Il n’a pas compris où on lui avait demandé d’aller.
Il est gentil, il me fait profiter de sa chaleur électrique et m’emmène dans le seul endroit où je pourrais manger de la nourriture humaine, dans ce royaume triste, où il n’y a pas beaucoup d’être humain. Ce seul endroit, c’est chez son chef. Ils l’appellent le roi, comme dans les contes, car dans la réalité ça n’existe plus les rois, dans la réalité les chefs on les appelle «Mrs le Président Directeur Général», c’est grand-papa qui l’a dit.
Le château l’était pas bien loin, car ce royaume, finalement, l’est pas bien grand. Ce n’est qu’un tout petit coin, dans un immense pays très grand et très froid où toute vie a disparut depuis le gros accident.
Alors c’est pour ça que personne ne le connaissait, sauf moi maintenant! C’est un château étrange tout de verre fumée, comme des lunettes de soleil, sauf qu’ici y a pas de soleil.
Le roi d’ici, d’après ce que m’a dit l’androïde, avait fuit les humains, ses semblables en réalité. L’était pas bien avec eux. Au début, tout petit et bien obligé d’y rester, y s’était réfugié dans ses rêves, mais à force d’y rester et de grandir ses rêves devinrent monotone, il était partit bien plus loin que les songes et leurs nuages protecteurs, dans une sorte de long cauchemar gris où tout indiffère.
Alors il était parti, construire son dernier cauchemar.
_ _ _
« Barnabé! Qu’est ce qui t’as pris de me ramener ce vilain petit gnome! »
« C’est un enfant, monsieur! »
« Peu m’importe! Avec un pull de couleur en plus! Mets-le donc à la porte le froid fera le reste. »
Mais Barnabé, comme d’hab., il ne comprend pas. Au lieu de me jeter à la porte il m’enferme dans un placard! Peut-être s’est-il trompé de porte? Moi je ne dis rien et mets ma faim de coté, puis j’ouvre mes trois boîtes histoire de passer le temps. Y’en a une c’est que du jaune, l’autre que du bleu et la dernière que du rouge.
Bizarre pour des boîtes de couleurs!
Je pense que ça doit être un défaut de fabrication?
Au bout d’un certain temps je me suis vite ennuyé dans c’te placard. Alors je tambourine, tambourine! Je veux sortir!
Un androïde arrive, ouvre la porte... Barnabé!? Non, grand-pére!
C’est à ses yeux que je l’ai reconnue, derrière son masque d’acier, mais lorsqu’il me prend le bras c’est d’une poigne de fer. Je l’appelle «pépé», mais il ne me répond pas. Pourtant, d’habitude la réaction était imparable quand je l’appelais comme ça. L’aimait pas ce nom là, ça le rendait vieux qui disait. Alors je frappe et me débat, mais sa poigne de fer ne lâche pas.
Où m’emmène-t-il?
Je ne le saurais jamais.
Après de nombreux détours dans ce château sombre et translucide, comme des lunettes de soleil, un drôle de petit bonhomme apparaît. Il se déplace comme un crapaud, par bonds gigantesques. Il jaillit d’un coin sombre, où débouche peut-être un couloir, pour atterrir face à moi et grand-père.
C’est un drôle de petit bonhomme tout gris avec un bonnet à grelots comme l’on en voit parfois au carnaval, à la seule différence que là le bonnet il est tout gris. Il s’arrête, nous regarde, fait trois pirouettes, se campe face à nous, nous fixant de ses grands yeux globuleux soulignés par de lourdes valises.
«C’est donc toi le vilain petit gnome? Mais pourquoi es-tu encore ici? Tu devrais être au frais.»
«Et toi t’es qui?»
«Je suis le fou du roi. C’est bien connu, tous les rois ont un fou, même lorsqu’ils sont tristes!»
«Mais dans les contes ces gens-la sont là pour faire rire le roi? Jamais tu n’y arriveras avec ta grise mine.»
«C’est normal, je suis là pour le faire pleurer! Mais réponds donc à mes questions.»
«C’est là qu’on m’a mis, c’est là que je suis resté!»
«C’est donc Barnabé, qui t’as mis là. Ah! Sacré Barnabé il nous fera toujours r... Oh! Mon dieu que n’allais je pas dire!
Eh! Toi le nouveau, lâche-la donc! Je vais l’emmener devant le roi.»
C’est en tentant de le suivre que mes trois boîtes tombent. Il avançait bond par bond, et moi je voulais faire de même. Sous les secousses, les couleurs glissent de ma poche pour s’écraser par terre.
«Oh! Malheureuse qu’as-tu fait là! Sais-tu que tu risque la peine capitale pour introduire de la couleur illégalement?»
«Mais monsieur, ce n’est pas de la couleur, ce ne sont que les ingrédients pour faire du gris!»
«Comment cela? Avec de la couleur tu fais du gris? Mais d’où tiens-tu cet admirable secret? Courons à la salle du trône, mon maître sera si heureux d’apprendre cela! C’est la vérification même de toutes ces théories. Le futur est pessimiste! Même les couleurs aboutissent au gris!»
Après une longue palabre avec le roi, ils décident de m’asseoir à une table et me regardent avec de grands yeux émerveillés.
Tout d’abord je me mets bêtement à faire du gris, comme ils me l’ont demandé, puis encouragé par leurs exclamations, je veux leur montrer tous mes talents.
Car je connais la formule de nombreuses autres couleurs, bien plus gaies.
Ainsi je me mets à barbouiller la table de rose fuchsia, de violet et de vert chlorophylle. Fier de mes prouesses, je me retourne m’attendant à des compliments.
Tous deux tremblent comme des moteurs diesels, le roi est rouge de colère tandis que le fou balbutie des mots incompréhensibles comme : «Toute notre enfance, toute notre enfance...»
Tout à coup un flash coloré jaillit, m’éblouissant.
Le fou et le roi se confondent pour ne former qu’un. Un petit garçon d’à peu près mon âge, ressemblant étrangement à grand-père.
_ _ _
Le camion roule toujours lorsque je rouvre les yeux, réveillé par les phares d’une autre voiture que nous croisons. J’ai drôlement mal dormis, même que j’ai tout froissé la photo de grand-papa quand il était tout petit comme moi. J’aimais bien cette photo, il était marrant grand-papa quand il était tout petit avec son costume de fou coloré pour le carnaval.
Ce n'est pas comme maintenant...