On lui avait dit qu'il n'arriverait à rien. Après tout, tous les inventeurs de la cité avaient déjà produit leur première oeuvre à succès, et leurs mécènes étaient plus que généreux. Tous ceux qu'il avait rencontrés lui avaient claqué la porte au nez. Presque tous lui avaient ri au nez.

Mais il n'abandonnait pas.

C'était son père qui lui avait transmis sa passion de l'invention. Architecte de renom, son nom avait brillé par-delà la mort, et son oeuvre continuait à faire vivre tant de personnes à Néo-Crète.

Il avait été patient, il avait essuyé les échecs et les moqueries. Il savait que beaucoup pensaient qu'il avait perdu la tête, que la mort de son père l'avait bouleversé au point de la folie.

Mais il n'était pas fou. Il avait un rêve. Et si, dans sa première vie, il ne l'avait pas atteint, il ne manquerait pas de toucher les étoiles cette fois-ci.

De toucher le Soleil.

Seul, il oeuvrait. Il devait faire avec les moyens du bord, contrairement aux autres inventeurs de Néo-Crète. Il n'avait pas de moyens matériels, mais il s'était fait un ami au centre de recyclage, où il pouvait trouver quelque matériau utile. Il n'avait pas d'atelier, mais il avait son appartement, tout en haut de la plus haute tour de la ville, loin du bruit des moteurs et de la vie.

Il avait les plans de son père.

Il avait échoué, tant de siècles auparavant, mais il avait appris. Il savait comment faire, maintenant. Il avait grandi, et le monde avait changé en son absence.

Imperturbable, debout sur son balcon silencieux et faisant face au jour qui se levait, il était prêt. Calmement, bien que son coeur tambourinait dans sa poitrine, il enfila une manche, puis une autre. Son invention était plus lourde que dans son souvenir. Son souvenir, après tout, était si lointain. Il testa ensuite le poids des ailes le long de ses bras, appréciant leur fluidité malgré toute la mécanique qu'il avait mobilisé pour leur donner vie.

Il avait échoué une fois, et il avait tout perdu.

Plus personne ne croyait en lui.

Mais il croyait en lui-même.

Dans le silence du jour naissant, il se hissa sur la rambarde de son balcon. Il était prêt, enfin. Le soleil s'était levé, majestueux et tout puissant.

Il avait attendu ce moment depuis si longtemps.

Il fit un pas en avant.

Et Icare vola.