Ah ! Tu écris un livre ...
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Ah ! Tu écris un livre ...
Quand je dis aux gens que j’écris un livre je suis très amusée des réactions que ma déclaration peut susciter. Avec le recul, je crois que je peux les regrouper en trois catégories (clichées mais tant pis), qui montrent à quel point suivre une passion peut interroger. On retrouve :
- Les « Ah oui ? C’est génial ! Il va parler de quoi ton livre ? » aka l’enthousiaste
- Les « Ah oui ? Tu en es où ? Tu as trouvé un éditeur ?» aka le/la pratico-pratique
- Les « Ah oui ? silence » (Question sous-entendue : et sinon ton vrai travail c’est quoi ?) aka le/la capitaliste
Comme quoi, une phrase qui commence par les deux mêmes mots peut amener à trois conclusions totalement différentes. Miracle de l’écriture.
Heureusement pour moi, je rencontre BEAUCOUP d’enthousiastes. L’écriture d’un livre c’est fou comme ça émerveille. Le fait que l’on ne sache rien de comment ça se passe, ni des qualités requises pour réussir, ou des étapes à suivre pour aboutir, contribue fortement à entretenir le mythe.
D’ailleurs c’est un peu pour ça que tu es là non ?
Je vais te confier un secret, aujourd’hui encore, quand j’achète un bouquin de 300 pages je me demande comment l’auteur a fait et si je serai capable du même exploit. Ce qui me rassure dans ces cas-là, c’est de me rappeler que tous les auteurs, même publiés, vivent avec le même doute.
Ecrire un livre, un acte politique
Je comprends les « pratico-pratiques » et les « capitalistes ». Vraiment. Une partie de moi pense comme eux. La vie coûte cher, la vie est pleine de doutes et d’insécurités, et écrire un livre à mi-temps, juste par conviction, peut sembler être un acte complètement déconnecté de la réalité.
L’autre manière de le voir, c’est de se dire que je suis à un moment de ma vie où je peux me permettre de tenter l’aventure. Et même si c’est un choix qui implique toujours des risques, ne pas le faire signifierait, à titre personnel, s’exposer à avoir des regrets, et à titre sociétal, être irrespectueuse envers toutes les personnes qui rêveraient de se lancer mais n’en ont pas la liberté.
Ainsi mon livre, mes publications sur les réseaux sociaux, et cette newsletter, ont un objectif noble, celui de transmettre une vision, des valeurs et des convictions.
Celui inavouable de participer à l’évolution de notre société.
Soyons réalistes, je n’ai pas la trempe d’une Rosa Parks. Néanmoins écrire et amener les lecteurs à se questionner, pour progresser vers une société plus inclusive et respectueuse des êtres et de la nature, ça je crois que je sais faire.
Et peut-être que c’est justement à nous, les personnes qui peuvent « se permettre de », sans avoir le risque de finir à la rue ou en prison, d’ouvrir la voie aux autres, par nos petits et grands actes du quotidien.
Oui mais sinon, tu vas en vivre ?
Alors là franchement j’en doute ! J’ai beau être passée aux vêtements de seconde-main et aux paniers de fruits et légumes pour ne pas être tentée par tous les rayons alléchants de mon magasin bio, c’est clairement compliqué de vivre de l’écriture en France aujourd’hui.
Pour te donner une idée, si tu vends ton livre via une maison d’éditions, tu toucheras entre 6 et 12% du prix de vente. Admettons pour faire simple que l’on me rémunère 10% du montant TTC, et que mon livre soit vendu à 20€, je vais toucher 2€ par livre. Si l’on part du principe qu’en 2014, selon les dernières données disponibles à l’observatoire national de l’économie du livre, le tirage moyen était de 5606 exemplaires, on peut imaginer que je pourrai peut-être gagner 11 212€ avant impôts pour plus de deux ans de travail, sans compter les salons où on va peut-être me demander de me déplacer gracieusement pour soutenir mon livre (oui c'est une longue phrase, mais les problèmes de maths me font toujours cet effet-là, désolé).
Attention image libre de droits … promis quand j’aurai fait mon premier salon je te mettrai une photo de moi qui claque ! (Au fait, as-tu toi aussi remarqué le mec musclé et torse nu derrière l'autrice ? On est en droit de se demander quel était le thème du livre ;))
Tu l'auras compris, sauf miracle, (cher Dieu de l'écrivain si tu m’entends), je te confirme que l’écriture de ce roman est pour moi un objectif de vie, un acte qui donne du sens, et non un choix économique pour anticiper mes vieux jours. Qu’importe. J’ai décidé d’en découdre avec ma peur de la précarité. Et puis si j’avais eu la conviction en 2008, lorsque j’ai quitté mon job très rémunérateur et prometteur à Londres, que l’argent était le critère de vie le plus important pour moi, et bien je ne serais jamais partie... CQFD
Plaisir et risque, le sel de la vie
Je sais pas si c'est le cas pour toi, mais la trentaine me réussit assez bien. La vingtaine c’était le foutoir et j’ai passé pas mal de temps chez ma psy. Ou dans les livres. Pour ce qui est de la quarantaine et de toutes les -aine qui suivent… j’ai pas trop envie d’y penser pour l’instant.
D'ailleurs plus j'y réfléchis et plus je me dis que la trentaine c’est vraiment top. Tu te connais mieux, tu es plus sûre de toi, t’as déjà fait ton lot de conneries, et tu te sens encore assez jeune pour te lancer dans de nouveaux projets.
J’ai mêmetendance à me dire qu’il faut m’y mettre maintenant avant que la suite des années ne me rattrape. Il y a vraiment ce besoin chez moi. Peut-être chez toi aussi ? Tu sais, faire quelque chose qui a du sens, et qui te mettra sur de bons rails pour les années à venir ?
Anticiper, et oser.
Prendre un risque pour le plaisir de s’épanouir.
Donner du sens à sa vie.
Yolo, comme le disent les plus jeunes que moi "you only live once", "tu ne vis qu’une fois" (sauf si tu crois en la réincarnation mais c’est un autre sujet).
Cette philosophie de vie, je la transmets dans mon livre. Parce qu’aujourd’hui plus que jamais, je pense que notre société et nous-mêmes, avons besoin de ralentir, de faire moins de choses pour l'argent, mais plus avec le cœur ♥.
Sur ce, je te dis à dans quinze jours, ou à très bientôt si tu as envie de me joindre de l’autre côté de cet email.
Dans tous les cas, merci de m'avoir lue,
Séverine