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Intelligence artificielle et émotions humaines, les nouveaux espaces de jeux profesionnels.

Intelligence artificielle et émotions humaines, les nouveaux espaces de jeux profesionnels.

Veröffentlicht am 5, Feb., 2020 Aktualisiert am 25, Sept., 2020 Technik
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Intelligence artificielle et émotions humaines, les nouveaux espaces de jeux profesionnels.

Intelligence artificielle et émotions humaines, les nouveaux espaces de jeux professionnels.

Le monde change vite, très vite. En l’espace de quelques mois, le marché s’est emparé du concept d’intelligence artificielle, bousculé par les démonstrations d’Amazon et Google et interrogatif quant aux immanquables changements de modèles à venir.

Une récente étude d’Accenture projette une croissance du PIB français de l’ordre de 20% à horizon 2024, soit environ 500 milliards d’euros en année pleine. Une autre étude de Venture Scanner estime à 4,6 milliards d’euros le montant des investissements mondiaux produits en direction d’un millier d’entreprises pure players de l’intelligence artificielle.

Nous sommes en face d’une révolution industrielle aussi décisive que celles expérimentées à l’émergence de la vapeur, du moteur à explosion, de l’électricité ou des puces électroniques. C’est toute la place de l’homme au regard de la machine et du vivant qu’il convient de réinventer. C’est également le moment de s’interroger sur ce qu’est l’intelligence artificielle au regard de l’intelligence humaine, postulat qui permet de déminer une projection anxiogène et d’élaborer de possibles scénarii économiques expurgés de tout science-fiction.

Qu’est-ce que l’intelligence artificielle ?

Rien d’autre qu’un code informatique, dans toute son efficacité et toute sa limite. Elle est donc un domaine de l’informatique regroupant plusieurs briques technologiques dont les algorithmes. 

C’est également une nouvelle interface entre l’homme et la machine. Amazon echo et Google Home s’interfacent, à cet égard, par la voix quand Hololens de Microsoft s’interface essentiellement par une gestuelle manuelle.

C’est une branche des sciences cognitives développant et promouvant des services spécifiques comme le fait d’analyser, tester, d’apprendre et de s’adapter à partir d’un type d’information comme l’image ou le son.

Le postulat de base peut ainsi être circonscrit à ces trois éléments clefs.  

L’intelligence humaine, produit de milliards d’années d’évolution, est à ce point plus complexe, que la science en est encore au stade de l’exploration. Il existe plusieurs façons de la définir et nous en aurons une approche simple.

D’abord, celle de la psychologie cognitive qui permet de mettre ce curseur quantitatif à l’intelligence qu’est le quotient intellectuel (QI). Sa moyenne est de 100 et 2/3 de la population mondiale a un QI compris entre 85 et 115. Ce test, dit de WAISC-R (pour Wechsler Adult Intelligence Scale Revisited) décrit et mesure, dans sa dernière version, l’intelligence en quatre sous-catégories :

Un indice de compréhension verbale (Similitudes, vocabulaires, informations et compréhension)

Un indice de raisonnement perceptif (Cube, matrices, puzzle visuels, compléments d’images, balances)

Un indice de mémoire du travail (Mémoire des chiffres, arithmétique, séquence lettre-chiffre)

Un indice de vitesse du traitement (Symbole, cube, barrage).

C’est dans cette dimension quantitative que l’intelligence artificielle dépasse déjà les capacités humaines en certaines circonstances spécifiques et encore circonscrites.

La psychologie apprécie également une dynamique qualitative, non plus de l’intellect mais de la psyché, c’est-à-dire dans une perception plus grande de l’intelligence incluant l’inconscient. Freud, dans sa seconde théorie de l’inconscient (1923) définissait trois instances :

Le « Ca » : réservoir pulsionnel de puissance et de jouissance essentiellement présent dans l’inconscient.

Le « Surmoi » :  instance gardienne des règles, refoulant et censurant, essentiellement présent dans l’inconscient.

Le « Moi » : Essentiellement conscient, il est le produit des conflits entre le Ca et le Surmoi.

Enfin, une autre façon de comprendre l’intelligence humaine est celle mise en avant la psychologie analytique fondée par Carl Gustav Jung qui, au travers du concept de « l’inconscient collectif » conditionne une individualité à un « tout » plus large le dépassant et le transcendant. Jung traite également le concept d’âme singularisme du vivant.

Ces mouvements pulsionnels, cette « libido », animent et dirigent la force intellectuelle mesurée en points de quotient intellectuel. L’intelligence artificielle est un automate sans âme qui ne peut reproduire que des schémas sans en revendiquer. Autant l’automate aura un score de QI sera très élevé, autant son quotient émotionnel ou social sera bas, incapable qu’il sera de « sentir une personne ou une situation ». Son absence de « ca » et de « moi », d’inconscient et de conscience, dont les essences sont encore impossibles à modéliser, invalident une supplantation de l’intelligence humaine par l’intelligence artificielle. En un sens, aussi brillante soit-elle, l’intelligence artificielle restera dans l’ombre de l’Homme.

« Do androids dream of electric sheeps ? » Philip K. Dick.

 

L’accès au capital, à la connaissance, aux capacités de stockage et de calcul n’a jamais été aussi facile qu’aujourd’hui. Après sa naissance, au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’intelligence artificielle est aujourd’hui dans son adolescence. Elle gagne en robustesse et finesse, devient indépendante jusqu’à l’impertinence. Mais la théorie veut qu’elle ne soit jamais rien d’autre qu’une machine incapable de s’affranchir de son substrat informatique comme le vivant ne peut dépasser son ADN. C’est ainsi qu’elle ne pourra dépasser une certaine singularité en n’offrant qu’une forme limitée d’humour, d’intuition et de sentiments, ce qui constitue en partie la particularité de l’humain au regard de la matière. Les robots ne rêveront pas, les machines ne seront pas capables de perceptions extra-sensorielles, les androïdes ne chercheront pas leurs créateurs pour gagner l’immortalité. 

En revanche, et c’est un des intérêts de la marche Schumpéterienne en direction de la création destructrice, de nouveaux métiers vont se créer, précisément pour programmer, éduquer et gérer « l’intelligence artificielle » à mesure que d’autres, essentiellement sur des actions à faible valeur ajoutée, vont disparaitre.

Ces nouveaux métiers seront multiples à l’image des emplois créés dans la « long tail » mobile – depuis le développeur Android jusqu’au revenue manager d’une plateforme publicitaire. Nous nous concentrerons ici sur trois positions essentielles :

Le psydesigner.

L’intelligence artificielle, par sa nature et sa fonction, appelle de nouvelles compétences. La psychologie trouve précisément son sujet d’étude dans ce qu’un individu ou un groupe comprend d’intelligence (eg, l’apprentissage, la mémoire, la perception, le comportement, …). C’est donc probablement sur ce socle de compétences que se construiront les personnalités des nouvelles incarnations de l’intelligence artificielle. Aujourd’hui, Alexa, Cortana, Siri ont une forme de personnalité construite et perçue à travers le service rendu, un champ lexical, et un form factor. Ces intelligences seront amenées à se complexifier et à se segmenter comme les applications mobiles se sont enrichies et fluidifiées pour délivrer, non plus un service, mais une expérience. Au surplus, ces assistants personnels partageront beaucoup de notre quotidien voire de notre intimité. Il est donc essentiel qu’ils incarnent des valeurs et des traits de personnalités compatibles avec les nôtres, jusqu’à nous être unique.

Le psychologue deviendra le « psydesigner » comme l’ergonome est devenu user experience et user interface designer. A la fois artisan et technicien, il construira une charpente d’incarnation de l’intelligence artificielle comme un « nez » construit un parfum.

L’ego teller.

L’expérience induite par ces nouvelles interfaces se matérialisera dans une incarnation dont le comportement, le champ lexical, la prosodie, la relation construite provoquera des émotions. Comme dans la « vraie » vie, certaines personnalités, certaines « âmes » nous semblent plus sympathiques que d’autres, par ce qu’elles dégagent, par ce que nous comprenons d’elles. L’ego teller sera le scénariste des personnalités charpentée par le psychologue. Il sera la touche artistique, le modeleur d’une entité technique construite par le psydesigner, définissant des traits de personnalités en pleins et en creux, dans une instantanéité ou sur la durée en fonction d’objectifs de marques scénarisés, comme un metteur en scène donne vie à un scénario.

Il s’agit donc ici d’une démarche bipédique avec le psychologue comme aujourd’hui, un jeu mobile est construit par un « producteur » (garant d’un délivrable technique) et un « monetization manager » (garant d’une maximisation des revenus).   

L’éthicien.

Dernier exemple d’une liste plus large, on peut comprendre ici le concept d’éthicien sous deux acceptations différentes.

C’est d’abord la dimension éthique qui primera. L’intelligence artificielle devenue auto-apprenante, c’est-à-dire libérée d’un cordon ombilical numérique, cristallise un certain nombre de fantasmes, de peurs et d’espoirs. En tout état de cause, elle appelle un certain nombre de questions fondamentales tant, en creux, c’est la place de l’homme qu’il convient de recomprendre et de repenser.

Les grands éditeurs de logiciels construisent également leurs plateformes en fonction de ce que leur compréhension de l’éthique commande. Et l’on comprend que cette notion est plurifactorielle (financière, culturelle ou politique), et donc à géométrie variable. Ces départements dédiés, nouvellement créés et parfois très étroitement associés à l’exécutif, définissent sinon les lois, du moins les règles algorithmiques qui soutiendront les « totems et les tabous » de leur intelligence artificielle.

C’est en somme une définition d’un nouveau monde qui s’annonce à nous. L’intelligence artificielle n’est pas l’apocalypse millénariste d’une nouvelle ère technologique. Ce n’est que la marche, certes, plus rapide mais naturelle d’un monde qui évolue depuis la première nanoseconde de son existence. 

Certains des spectateurs de « l’arrivée du train arrivant en gare de La Ciotat » (1895) des frères Lumière, fuirent. Certains passèrent un moment agréable et inédit, d’autres enfin « prirent le train » en marche et créèrent de la valeur sur cette nouvelle technologie. 

L’intelligence artificielle ne supplantera pas l’intelligence humaine. Elle la complétera, la stimulera, l’augmentera et la libérera. De nouveaux champs d’exploration s’ouvriront alors à l’homme, capable d’user d’une autre de ses compétences uniques, le libre-arbitre. Et, en un sens, c’est un nouveau rapport à soi qu’il conviendra d’inventer, une exploration de ce dont nous n'avons pas eu encore besoin d’être jusqu’ici, en développant une maitrise plus poussée des émotions, de l'intuition ou d’une certaine idée de la transcendance : ce qui fait de nous l’Homme et non plus seulement l’homme.

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