Partie 2 : La remise en question - Chap. 3 : Le prix de l'énergie
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Partie 2 : La remise en question - Chap. 3 : Le prix de l'énergie
Un élément non négligeable qui a favorisé notre mode de mobilité - et de vie - actuel particulièrement énergivore (et pas juste en matière de déplacements) est le fait que pendant les... "Années Record", "Golden Sixties" ou "Trente Glorieuses", enfin pendant la période où il s'est développé et qui a vu l'essor de notre société de consommation, l'énergie était abondante et bon marché. Les prix des carburants et combustibles en vigueur à l'époque feraient rêver tous les consommateurs d'aujourd'hui qui arrivent encore à peine à payer leurs factures : en comparaison des prix actuels, ils étaient presque gratuits. Les perspectives paraissaient illimitées, donc personne ne voyait de raison de se priver et de ne pas en profiter. S'il y en avait bien quelques-uns ici ou là qui tiraient la sonnette d'alarme en disant que nous tirions notre énergie des hydrocarbures, que leurs réserves étaient limitées et qu'en plus ils étaient polluants et parfois même cancérigènes, ceux-là ont longtemps prêché dans le désert (c'est le cas de le dire quand on sait où se situent la plupart des gisements 😆).
Il a fallu que les pays producteurs de pétrole s'organisent en OPEP, qu'ils prennent conscience de la richesse que représentaient leurs gisements - et aussi de l'exploitation dont ils faisaient l'objet - qu'ils aient voulu en tirer un juste revenu pour eux-mêmes et qu'en conséquence, ils augmentent brutalement les prix du pétrole (et décident également d'un embargo pour faire pression sur les pays occidentaux dans le cadre du conflit israélo-palestinien) pour que tout aussi brutalement, tout le monde se réveille de son rêve doré et réalise qu'au rythme où l'on était en train de puiser dans les gisements, les réserves de pétrole n'allaient pas durer sept cent cinquante ans comme le disaient encore certains pas si longtemps auparavant, mais tout au plus quelques décennies ! Il était donc temps, si j'ose écrire, de mettre la pédale douce sur la consommation.
Les plus anciens d'entre nous, ceux qui étaient assez âgés en 1973 pour avoir une idée au moins sommaire de ce qui se passait autour d'eux même s'ils n'en comprenaient pas forcément tous les tenants et aboutissants, se souviennent probablement de ces "dimanches sans", entendez "sans circulation de véhicules à moteur", au cours desquels les gens ont redécouvert la marche à pied, le vélo, les balades en famille et les ressources de leur environnement immédiat (comme quoi certaines des choses que nous avons vécues pendant le COVID n'avaient rien de vraiment nouveau - pas toutes, tant s'en faut, mais certaines).
C'est depuis cette époque que la faible consommation en carburant est devenue un argument de vente pour les voitures (tout en maintenant les performances, en termes de vitesse notamment) - parce que les constructeurs, brusquement conscientisés eux aussi, ont commencé à travailler là-dessus et que ceux qui n'avaient pas voulu le faire, comme Chrysler par exemple, en ont payé le prix en subissant une chute vertigineuse de leurs ventes. C'est à cette époque également que l'on a commencé à plancher sur les sources d'énergie alternatives (de préférence aussi proches que possible de l'inépuisable) telles que le solaire et l'éolien, et même le nucléaire - des décennies de recherche et développement dont nous commençons à récolter les fruits aujourd'hui (ou dont nous les récoltons déjà depuis une vingtaine voire une trentaine d'années).
Sans doute avons-nous gagné quelques décennies de sursis dans le processus. Et encore, pour n'en rester qu'aux déplacements puisque le voyage est le thème de cette série, encore en étions-nous encore à l'époque à une voiture par famille, pas par personne - même si le mouvement était déjà amorcé aux États-Unis - encore l'avion était-il toujours hors de prix pour le commun des mortels (donc à cette époque, les voyages en avion, ce n'était pas encore pour tout le monde comme ça l'est aujourd'hui), et encore la voiture, même familiale et même d'occasion, restait-elle un luxe en dehors des pays dits "développés" (les pays "en développement" ayant depuis lors rattrapé une bonne partie de leur "retard" et étant encore en train d'y travailler - maintenant, leur "retard" en est-il vraiment un ou bien se révèlera-t-il être en réalité une "avance" sur leur temps comme pour Bruxelles et la côte belge avec leur tram, cela, c'est l'avenir qui nous le dira).
Autant dire que depuis lors, le parc automobile mondial a littéralement explosé. Autant dire aussi que la même chose peut être dite d'autres véhicules et déplacements en "équivalent voiture". Or avoir une source d'énergie capable d'approvisionner un véhicule (ou son équivalent), ou se mêler à partir de cette même source d'en approvisionner dix, ou cent, ou mille, ou des millions (ou leurs équivalents), évidemment, ce n'est pas du tout pareil. Et ceci n'a bien entendu fait qu'aggraver les problèmes de pollution dont il a été question précédemment et accélérer l'urgence de la recherche de sources d'énergie alternatives - sans parler du recyclage des véhicules en fin de vie.
Quoi qu'il en soit, l'explosion du prix de l'énergie, en sonnant le glas de l'ère de l'énergie abondante et bon marché, n'a pas fait que rappeler aux gens les vertus de l'économie, du recyclage et du réemploi (même si l'on n'utilisait pas encore à l'époque le terme d'"économie circulaire" en vogue aujourd'hui dans certains milieux, mais que les pauvres, eux, pratiquent depuis toujours par nécessité économique). Elle a aussi initié chez certains une première remise en question de tout un mode de vie. Et vu que, les réserves de pétrole n'arrêtant pas de diminuer et les sources alternatives tardant à se mettre en place, le prix de l'énergie est appelé à monter encore - il ne faut pas se faire d'illusions - la remise en question ne va faire que s'intensifier. Dans ce contexte, ce que les pays européens sont en train de vivre depuis la guerre d'Ukraine n'est qu'un avant-goût de ce qui nous attend, et les pressions diverses des politiques ne sont en fait que des avertissements du destin. Que ces avertissements soient calculés ou non dans certaines officines plus ou moins occultes, là n'est pas la question. C'est une question mathématique de disponibilité globale d'une ressource par rapport au besoin que l'on en a et à l'usage que l'on en fait. Et à partir de là, de ce qu'il est possible de faire - ou non. Toute autre considération est anecdotique.
Crédit image : © Allili Mourad/SIPA