Chapitre 2 : Retour à la vie
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Chapitre 2 : Retour à la vie
Image de Jills sur PixaBay :
Au réveil, j’étais mal. Très mal. La tête en compote. Le ventre en miette. Des odeurs insupportables remontaient à mes naseaux, et me donnaient envie de vomir. Quand j’ouvris les yeux péniblement, ce fut le noir complet. Mes bras étaient comme bloqués, mais j’arrivais péniblement à les bouger. Mes jambes étaient enlisées dans je ne sais quoi, et impossibles de faire un quelconque mouvement. Quelque chose bougeait en permanence autour de moi. Quand je sus enfin ce que c’était, mon envie de régurgiter fut encore plus prononcée. Je sentis une sorte de plaque en matière plastique juste au-dessus de ma tête. Appuyant dessus du mieux que je puisse, elle bascula. C’était un couvercle. Celui d’une benne à ordure, à première vue. La lumière entra peu à peu. Je plissai les yeux, comme si je pouvais alléger cette sensation de brûlure et la gêne d’être aveuglé. Quand ma vision fut plus claire, je pus confirmer que j’étais bien au milieu de sac poubelle, de déchet en tout genre. Je compris d’où venait cette puanteur. Des restes de nourriture, qui pourrissaient ici et là. Vous vous rappelez cette sensation de mouvement sur ma peau ? C’était des vers, oui. Ils grouillaient, de partout. J’ai même peur d’en avoir avalé dans ma semi-conscience. Devant ce fait accompli, je pris toutes mes forces disponibles pour rapidement me dégager de ce bourbier.
Une fois sorti, dans un état lamentable, j’essayais tant bien que mal de reprendre mes esprits. Que s’était-il passé pour que je me retrouve là-dedans ? Ma mémoire était comme le reste, hors service. Je pris la décision de rejoindre mon foyer, mais, avant cela, sur un sursaut de conscience, je pris cinq minutes pour fouiller la poubelle, histoire d’y retrouver mes affaires. Mon sac à dos, mon portefeuille, mon téléphone y étaient. N’arrivant toujours pas à me souvenir de ce qui s’était passé la veille, je pris la route pour mon appartement. La rue où j’avais été déposé, si je puis le dire ainsi était sombre et glauque. Pourquoi n’avais-je aucun souvenir ? Rien. Nada. Comme si j’avais perdu une journée entière. Comme si ma vie avait effacé irrémédiablement tout ce qui avait pu se produire. Incroyable. Et pourtant, ce mal de ventre, je ne l’avais pas il y a deux jours. Cet endroit m’est complètement inconnu. Je ne traîne jamais de ce côté de la ville dans mes habitudes. Il y avait que deux solutions à ce problème, soit j’y suis venu par moi-même et je n’arrive toujours pas à savoir comment et pourquoi, soit on m’avait entraîné de force ici. Et, à voir où on m’a laissé, on cherchait à se débarrasser de moi. Je penchai sur le deuxième cas, qui paraissait plus probable. Une série de questions me vint pendant que je marchais péniblement pour sortir de cette ruelle, mais mon cerveau me fit défaut. Le mal de crâne était trop prononcé pour que je puisse me résoudre à jouer les Sherlock Holms.
Après dix minutes de galère où chaque pas fut comme un geste surhumain, je pus récupérer un bus. Par chance, son trajet me permettait de rejoindre mon domicile assez facilement. Pris pour un vagabond, les regards des passagers se tournèrent vers moi, dégoûtés. Il faut dire que j’avais toute la panoplie : Puanteur, vêtements déchirés, l’allure d’un alcoolo sorti du bar. Mais, sur le moment, je n’en prenais pas garde. Quand je sortis à mon arrêt, je sentis comme un soulagement général dans le bus. Et moi donc, j’étais enfin à deux pas de mon appartement. Après une douche rapide, mais forcée, changement d’affaire en jetant les autres, mon lit fut d’un grand secours. Avant de m’allonger, je pris un cachet d’un antidouleur puissant pour calmer. Je ne saurais dire combien de temps j’ai dormi. Des heures, des jours peut-être, mais en me réveillant, j’étais limite frais comme un gardon. En faisant une petite inspection générale, je constatai que seul mon ventre éprouvait encore quelques difficultés. Quelques gargouillis me firent comprendre la raison véritable, j’avais faim. Très faim. Je n’avais jamais mangé autant de pâtes de ma vie. Le kilo y était passé. Oui, LE KILO. Après une digestion un peu lourde, je pris enfin le temps de comprendre. Je m’étais concentré en premier lieu sur mes souffrances pour en discerner l’origine. Mal de tête ? Non, rien. Mal aux bras, jambes ? Pareil. Maux de ventre ? À partir de ce moment, une succession de flash, d’images me vinrent. Des balles fusaient sur moi, à une vitesse impressionnante. L’impact qui en résultait était énorme. Voilà la raison. Il fallait que je continue en ce sens. D’où provenaient ces projectiles de malheur ? Un homme ? Un homme qui … qui les lançaient de son propre corps ? En me tapant la tête de la paume de la main, je compris que je n’étais pas sous hallucination éthérée. Était-ce vrai ? Remontant le temps, je vis enfin toute la scène. La rue que j’avais empruntée, peu rassuré. La porte abîmée. Les deux gars bizarres. Tout me revenait peu à peu, comme un rêve qui défilait devant mes yeux. Enfin, là, c’était plutôt un cauchemar.
Soudainement surpris par le réveil, je sortis de mes rêveries. À quoi correspondait cette sonnerie ? Sous le coup de l’angoisse, je pris conscience que c’était pour m’alerter d’aller au campus. Nous devions être lundi. La semaine de cours démarrait. Et comme pour confirmer, une frappe à ma porte de chambre y succéda.
- Léorys, lève-toi mon grand. Tu ne seras jamais prêt à temps sinon.
La voix de ma grand-mère. Sur l’instant, l’entendre était rassurant, après tout ce que je venais de vivre. Laissant de côté tout cela, je pressai le pas pour partir, après un rapide baiser sur la tempe de ma grand-mère. Avant de quitter l’appartement en trombe, elle me glissa les mots suivants :
Léorys ? Je ne sais pas ce que tu as fait ce week-end, mais tu es parti vendredi dans la journée, pour ne revenir que dimanche dans la soirée. Tu as passé deux jours à dormir, sans interruption. Tu as manqué des cours, tu sais. Je ne suis plus en âge de m’occuper de toi, je suis trop vieille et trop fatiguée pour ça. Il faut que tu te reprennes.
- Heu, oui, oui, grand ma. C’est … un mauvais passage. Ne t’inquiète pas, je reprends ma vie en main, et dès ce jour.
- Je l’espère mon grand. Je l’espère.
Filant plus vite que l’éclair, je m’étais défilé pour que cette discussion ne dure pas. N’étant pas certain moi-même de ce qui s’était passé, je ne voulais pas en parler avec elle. Sur le chemin qui conduisait à l’université de Satchword, une des plus réputées de la région, je continuais mes réflexions. Deux jours dehors ? Et deux autres à dormir ? J’essayais de réprimer mes pensées sur le fait d’avoir passé deux jours dans une poubelle. Des frissons me parcoururent le dos en me rappelant de ces répugnants vers. Ces deux gars vont avoir affaire à moi. Ils me doivent des explications. Mais, si c’était eux qui s’étaient débarrassés de moi ? Les voir serait courir à une mort certaine. Épris de doute, ne faisant pas gaffe, je me pris un poteau en pleine poire. Bien sonné, je fis rire tous les passants, mais, bien évidemment, la belle Sandy aussi. Sa copine, Ella, pouffait jusqu’à manquer d’air. Dès qu’il me prenait à avoir des moments de maladresse, il fallait qu’elles soient là. Jamais je ne pourrais sortir avec l’une d’entre elles si ça continue comme ça, surtout Sandy. Le nez en sang, je leur fis un sourire gêné. Que pouvais-je faire d’autre ? Étonné, je vis Sandy sortir un mouchoir de sa poche pour me le donner.
- Tu saignes. Tu devrais faire plus attention, un jour tu vas avoir de gros problèmes à toujours être dans la lune, ce serait dommage.
- Heu, oui, merci … Sandy. Je… , fis-je la tête baissée par la honte.
Je parlai dans le vide. Elle était déjà partie avec son amie, riant de nouveau ensemble sur mon embrassade avec ce cher poteau. Dépité, j’entrai dans la cour principale de l’université. Zack et Harley ! Je les avais oubliés, ceux-là. Les martyrs des petits nouveaux. La semaine dernière, où les bizutages pleuvaient à foison pour la rentrée, j’avais réussi à leur réchapper. Je savais pertinemment que s’ils me croisaient avant que l’on entre en cours, j’étais mal. Et comme si le diable en personne venait d’écouter aux portes de mes pensées, un vendu leur signala ma présence. Ziri, il aurait tout fait pour éviter les ennuis, même mettre sa propre mère sur E-Bay.
- Il est là, les gars, Léorys, fit Ziri en hurlant.
Comme un chargement de buffle, les deux s’étaient rappliqué dans un brouhaha infernal.
- Alors … la nouvelle recrue pensait nous échapper ? C’est pas très correct ça, surtout pour les autres qui ont subi le bizutage comme tout le monde. Il faut savoir être solidaire, uni, pour intégrer comme il se doit … cette université, fit Zack.
Un ricanement de Harley, suivi de Ziri qui voulait faire bien, me permit de confirmer que j’étais mal. Mais, bizarrement, je n’étais pas dans l’état d’esprit de me laisser faire. Ma réaction habituelle aurait de finir en carpette devant eux, mais un regain de rage me fit leur tenir tête. Pour que vous perceviez bien la scène, imaginez un oisillon se battre contre un aigle royal. Une chance de l’emporter ? On est bien d‘accord, aucune. À moins d’un tremblement de terre, d’un tsunami ou autre désastre de même envergure, j’allais encore finir … dans une poubelle ? En imaginant la scène, un doute s’instaura. Et si c’était eux, ce week-end, qui m’avait jeté dans la benne ? J’ai très bien pu les croiser, et il se serait vengé. Tentant le tout pour le tout, n’ayant plus rien à perdre en vue de la situation, je leur posai la question.
- C’était vous ce week-end, c’est bien ça ?
- Nous ? Comment ça, nous ? répondit Harley sur un ton hargneux.
- Vous m’avez …
Je m’arrêtai là. Pas besoin de me couvrir plus de ridicule.
- Si on t’avait vu ce week-end, tu ne serais pas là devant nous aujourd’hui. Pas dans cet état en tout cas, fit-il en gloussant.
- Mais si ce n’était pas vous, il ne reste vraiment plus qu’eux pour l’avoir fait, fis-je, en marmonnant.
- Hé ho, la lune, ici Zack et Harvey. Et tu sais quoi, on va rattraper ton bizutage, en plus … violent. Ziri, dis au professeur Zakman que notre cher confrère a eu des … soucis, et qu’il ne pourra pas assister à son cours. Après tout, un jour de plus à louper les cours, tu n’en es plus à ça, n’est-ce pas ?
Zack me prit par le col du blouson et me balança derrière le bâtiment de chimie. Le prochain quart d’heure allait être rude pour ma pomme.