Strangers in the Night - Chapitre 7 (fin)
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Strangers in the Night - Chapitre 7 (fin)
Quand je rejoins le bar de l’hôtel je ne trouve pas tout de suite James. Alors je m’attarde sur la belle ambiance qui s’en dégage, des luminaires et des guirlandes colorées accrochés de façon harmonieuse, des lutins ainsi que des rennes -encore des rennes- déposés çà et là pour infuser l’esprit de Noël, aux clients qui y passent... Ça fonctionne à moitié sur moi étant donné que je reste quelque peu déboussolée par les paroles de Lloyd. De mon père. J’ai une moue déformée en pensant à qui il est vraiment. Mon sang.
Ici, l’ambiance musicale est plutôt d’époque, loin des musiques de Noël clichées que j’ai entendues toute la soirée.
Seul un couple demeure pendu au comptoir du barman. Je les interroge donc afin d’en apprendre plus sur où peut bien se trouver James.
- Excusez-moi, vous n’auriez pas vu un très bel homme habillé d’un col roulé bleu marine, passer par ici ?
La femme me répond du tac au tac.
- Il s’est installé sur la terrasse couverte. Je crois qu’il a commandé un vin chaud.
Je regarde le barman.
- Vous pouvez me mettre la même chose ?
J’attends attentivement qu’il me serve en situant du regard la fameuse terrasse couverte. Sans grand mal, je découvre qu’on y accède par-delà le comptoir central.
- Merci à vous.
Je donne mon numéro de chambre pour qu’il puisse mettre le vin sur la note finale, puis, après une profonde respiration, je m’avance vers la terrasse. Une sensation étrange me prend dans l’estomac mais je décide de l’ignorer.
James m’apparaît de dos, il regarde les vagues s’abattre sur le flanc de terre devant nous, il semble dans ses pensées. Délicatement, je m’installe à côté de lui. Sans qu’il ne détourne son regard du paysage, sa voix s’élève.
- Quelle soirée bizarre.
Je goûte à mon vin chaud. Oui, c’est une soirée bizarre et elle n’est pas encore terminée.
- Ça fait combien de temps que tu complotes toute cette mise en scène avec mon père ? dis-je en allant droit au but.
Nul besoin de prendre des pincettes dorénavant. Il se doute bien que je suis au courant de tout.
Un râle sort de sa gorge alors qu’il s’ouvre à la conversation sans que je n’ai à l’implorer.
- Plusieurs mois. Ça n’a pas été facile de mettre la main sur toi. Et puis après il a fallu que je t’approche, naturellement.
- Naturellement ? Tu as trafiqué ma voiture !
- J’ai fait comme j’ai pu, se défend-il maladroitement.
- Tu aurais pu toquer à ma porte, non ? Je sais que tu as cherché à rendre service à mon père pendant sa convalescence mais quand même. Je ne mords pas.
Je me demande quand est-ce qu’il a bien pu saccager ma Twingo sachant que je suis chez moi la plupart du temps. D’un ton assuré, il reprend.
- Oui, sans doute.
Sa façon de se justifier est inexistante.
- C’est vrai au moins, ces histoires de moulin et de phares ?
- Je ne t’ai jamais menti, Sinatra.
Quel toupet, me dis-je pour moi-même.
- Pourquoi est-ce que tu l’as aidé ?
C’est manifestement la question qui m’interroge le plus. Pourquoi ? Qui sont-ils vraiment l’un pour l’autre ?
- Je suis son voisin depuis que je suis tout jeune. À chaque fois qu’il revenait d’expédition, on passait du temps ensemble. On bricolait, on parlait pendant des heures, on allait pêcher, on cuisinait aussi. Il m’a même appris le français. C’est un peu comme un père pour moi. Alors quand il m’a dit qu’il cherchait sa fille, j’ai tout fait pour te retrouver. C’est moi qui ai tout organisé. Ne lui en veux pas.
James m’offre son visage, une plainte dans le regard, un pardon brodé à la lisière de ses lèvres. Je vois bien qu’il se sent coupable de tout ce qu’il s’est passé et que son fond n’est pas méchant. Je le vois et malgré tout, je reste réticente. Quelle imagination faut-il avoir pour fomenter ce genre de guet-apens la veille de Noël ?
- Je suis tellement confuse. Cette nuit m’éprouve beaucoup.
Je me fonds dans mon siège, laissant le paysage faire ce qu’il veut de moi. Même si j’ai toutes les raisons du monde de lui en vouloir, ça ne prime pas sur le sentiment qui grandit en moi et la forte admiration que j’ai premièrement ressentie pour lui. Ce qu’il a fait pour mon père révèle des qualités honorables chez lui, et ça, ça me bouleverse. La façon dont il m’a traitée alors que j’étais sonnée par les évènements me revient et avec elle, une délectation. Celle de me dire qu’il m’a autant accompagné moi que lui.
Il a aimé mon père avant moi. La personne qu’il est me fascine, c’est une évidence.
Ma réaction après tout ça, je peine à me l’expliquer. Tout ce que je sais c’est que j’agis à l’instinct, que j’écoute mon cœur et que ça me fait du bien. Avec précision, je pose ma main sur la sienne.
- Merci pour ce que tu as fait pour lui. Et merci d’avoir été là pour moi, même si tu as ta part de fautes dans tout ça.
- Je ne savais pas comment m’y prendre. Si je t’ai fait du mal, je suis sincèrement désolé, Sinatra.
Je me fais engloutir par ses paroles, par sa culpabilité, par son être tout entier. Comment pourrais-je lui en vouloir ?
- Tu n’as pas de copine en Irlande ? dis-je en effleurant la paume de sa main.
- Non, pourquoi ?
Je lui fais un bisou sur la joue.
- Tu voudrais passer le réveillon chez ma mère, avec moi ?
Alors que je suis dans l’expectative de sa réponse, une musique que je ne connais que trop bien s’élève dans les haut-parleurs. C’est Frank Sinatra, Strangers in the Night, mon morceau préféré de cet homme que je garde dans ma main depuis ma naissance. Je suis très émue de l’écouter ici, après tout ça, même si on ne peut pas faire plus cliché que ça, à ce moment précis.
James me fixe intensément.
- Je serais très content d’être des vôtres, mais que va en penser ta mère ?
- Ma mère a fait des trucs beaucoup plus dramatiques que ça, si tu veux mon avis.
Il ne me paraît pas dur à rallier à ma cause.
- Bon, c’est d’accord. Merci, Sinatra.
Je pose ma tête sur son épaule, mes yeux se ferment alors que la musique me recueille. James croise ses doigts dans les miens et cette fois-ci, je n’ai aucune idée de comment les choses vont se passer demain et les jours à venir. Je suis pourtant envahie d’un sentiment doux, rassurant et pérenne. Celui de me sentir à ma place, et ce, en partie grâce à ceux que j’ai rencontrés pendant une nuit de décembre tempétueuse : ces deux étrangers dans la nuit.
FIN.