Les soirées estivales ne cesseront jamais de sculpter les îlots de l’amusement humain dans ce monde tristement malsain. Avec quelques amis et des claquettes, les côtières fêtes sont un lieu d’épanouissement pour le plaisir insouciant. Si seulement la réalité ne réapparaissait pas au petit matin…

Sur l’amoncellement de feuilles mortes, des silhouettes rayonnaient dans la lumière des néons pendants aux branches des vieux pins. Au fil des gorgées de péripéties savourées par le temps, le rythme des mélodies ralentissait l’agitation des chairs chaleureuses. Moi, immobile dans ma chaise et éclipsé des conversations depuis la montée de la lune, je déplorais l’insurmontable timidité condamnant toutes mes envies de danser en binôme. Et alors qu’un brouillard nostalgique commençait à s’abattre sur mes pensées, une ombre s’avança dans mon dos et me murmura doucement, au coin de l’oreille, de l’accompagner sur l’estrade. Frappés par une voix si innocente, les effets de l’alcool disparurent, abandonnant mon esprit aveuglé à l’éclat de perfection qui lui faisait désormais face. Visiblement consciente du choc provoqué par la rencontre, la source de mon émerveillement n’attendit aucune réponse pour me prendre le bras et m’entraîner avec elle.

Aucun souvenir de ces tours durant lesquels nous étions réunis n’aura résisté aux flammes ardentes de l’attirance élémentaire. Le feu crépitait d’émotions à la fin de notre envolée vers les cieux. Puis, avant de me lâcher les mains, la création mythique me délivra la panacée de son majestueux prénom. Oh, j’aurais tant aimé prononcer un éloge à son égard, mais ma bouche refusait de s’ouvrir face à l’étincelante magnificence ! Était-ce mon silence rougi par la timidité qui l’avait ensuite poussée à se hâter sous le sombre tartan de la forêt ?

Le souffle repris après une course dans l’errance, mon instinct inspecta les alentours dans l’espoir d’apercevoir le moindre mouvement. Mais rien. Rien. Seules les quelques lucioles bercées par le vent brisaient le vide de l’obscurité. La peur de la solitude plantait pour la première fois ses canines dans ma confiance immaculée. Pour calmer mes émotions, je pris la direction du littoral. L'air frais diffusait une odeur légère de sève brute et de plantes grasses. Les perles argentées scintillaient dans les abysses célestes. En m’allongeant, l’attirante tiédeur du sable contraignait mon corps à fusionner avec les touches d’un clavier illuminé par l’infini. La symphonie des vagues était si belle que des notes liquéfiées s'échappaient de mes paupières pour rejoindre l'orchestre océanique.

À l’arrivée du grand final, de discrets pas au niveau du champ de lagures vinrent fluidifier la vitale composition. Calme et oublieux, je laissais le sommeil de l’espace noir peser sur mes articulations tandis que l’instrumentale caresse des dunes se rapprochait doucement de moi avec une discrétion enfantine. Les nuages disparaissaient pour laisser le ciel exposer sa pleine clairvoyance aux accords. Une fois mes yeux dignement fermés, les pas cessèrent, et, délicatement, des lèvres vinrent se poser sur les miennes. Le baiser fut long et intense, il portait la trace d’arômes sucrés. La partition était terminée. Il était minuit.

Le contact charnel achevé, je rouvris les yeux pour admirer celle qui se tenait entre les étoiles et moi. Espérance. Ses cheveux blonds et ondulés effleuraient mes joues apaisées par le mistral. Dans un sens opposé, nos visages se répondaient par un sourire de plénitude. Et, sans un bruit, elle se retourna pour poser sa tête sur ma poitrine. Je percevais désormais ses battements de cœur, discrets symboles de vie dans l’irréel. Des paillettes d’or se promenaient entre nos jambes entremêlées. Puis Espérance s'endormit. Un nouveau parfum, dont l’origine semblait si divine, se déversait dans l'air sous forme d'effluves aphrodisiaques et assoupissants. L’observation de l’immortelle marqua la fin d’un rêve éveillé, au profit d’une fiction plus léthargique.

Mais le lendemain, le réveil s’entourait des auspices d’une banale habitude. Ma joie s’était évanouie, avec elle. Après des jours à la rechercher, je me suis rendu à l’évidence : je ne la reverrai plus. Plus jamais. Destin, dans ta recherche éternelle de souffrances, pourquoi décidais-tu de rire de mon désespoir ? Elle, à qui j’aurais tout offert si elle était restée à mes côtés, aura fini par calciner le sens de mon existence.

Un an après ma montée au paradis, j’étais revenu sur cette plage pour m’enfoncer dans les profondeurs, laissant cette fois-ci l’écume me porter une ultime tendresse. Le goût de l’eau salée n’est inconnu de personne.

Le mystère est un Bonheur intemporel qui nous assure l’intérêt d’une vie morne et inintéressante.