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La langue de l’Europe, c’est le plurilinguisme. Il n’y a pas d’alternative  (éditorial de la Lettre N°96)

La langue de l’Europe, c’est le plurilinguisme. Il n’y a pas d’alternative  (éditorial de la Lettre N°96)

Veröffentlicht am 4, Aug., 2023 Aktualisiert am 4, Aug., 2023 Politik
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La langue de l’Europe, c’est le plurilinguisme. Il n’y a pas d’alternative  (éditorial de la Lettre N°96)

L’ancienne commissaire chargée de l’éducation et du multilinguisme, Androulla Vassilliou, se plaisait à dire que le plurilinguisme était dans l’ADN de l’Europe. Et elle disait vrai.

Il suffit de lire quelques-uns des articles du règlement fondateur adopté à l’unanimité des membres en vertu du Traité de Rome, le règlement N° 1 de 1958, pour s’en convaincre.

Article 2
Les textes adressés aux institutions par un État membre ou par une personne relevant de la juridiction d'un État membre sont rédigés au choix de l'expéditeur dans l'une des langues officielles. La réponse est rédigée dans la même langue.
Article 3
Les textes adressés par les institutions à un État membre ou à une personne relevant de la juridiction d'un État membre sont rédigés dans la langue de cet État.
Article 4
Les règlements et les autres textes de portée générale sont rédigés dans les quatre langues officielles.
Article 5
Le Journal officiel de l'Union européenne paraît dans les quatre langues officielles.

À l’époque, les langues officielles étaient au nombre de 4 : allemand, français, italien, néerlandais. Par suite des élargissements successifs le nombre de langues officielles a été augmenté et les deux « quatre langues officielles » sont devenus « les langues officielles ».

On observera la parfaite similitude de formulation des articles 4 et 5. Dans l’article 5, on comprend sans ambiguïté que « les langues officielles » signifie « toutes les langues officielles », ce qui implique que le journal officiel paraît dans toutes les langues officielles en même temps.

Pour l’article 4, pour des raisons pratiques, on comprend que tous les textes ne peuvent être rédigés dans toutes les langues dans leur phase d’élaboration, mais à tout le moins que toutes les langues officielles ont vocation à être utilisées comme langues de rédaction.

Et de fait, en 1970 la répartition entre le français et l’allemand était de 60 %-40 % et dans le début des années quatre-vingt-dix, le français et l’anglais étaient à peu près à égalité tandis que l’allemand, à 9 %, s’était effacé au profit de l’anglais.1 Aujourd’hui, l’anglais est entre 80 et 85 %, le français est autour de 3 %, l’allemand et les autres langues moins de 10 %. Le grand basculement s’est effectué en 1995 et 2005, c’est-à-dire la période d’adhésion de 10 nouveaux États venant de l’ancien bloc de Varsovie. La pente depuis 2005 n’est qu’asymptotique. C’est dire que le monolinguisme s’est solidement installé dans tous les interstices institutionnels, vaste zone grise où le plurilinguisme n’est pas garanti.

D’autres textes sont venus postérieurement renforcer un plurilinguisme institutionnel, sans changer les pratiques.

Ainsi, la Charte des droits fondamentaux adoptée au Conseil européen de Nice le 7 décembre 2000 comporte deux articles importants.

D’abord l’article 21 interdit toutes discriminations parmi lesquelles les discriminations fondées sur la langue. Et l’article 22 proclame que « l'Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique. »

Enfin le traité de Lisbonne (30 mars 2010) sur l’Union européenne apporte des éléments nouveaux qui méritent d’être connus. L’article 10 alinéa 3 proclame que Tout citoyen a le droit de participer à la vie démocratique de l’Union. Et l’article 11 alinéa 3 annonce qu’en vue d’assurer la cohérence et la transparence des actions de l’Union, la Commission européenne procède à de larges consultations des parties concernées.

Comme on pouvait s’y attendre, dans les premières années de mise en œuvre, les consultations se sont passées essentiellement en anglais.

Dès 2016, l’OEP écrivait au Président de la Commission Jean-Claude Juncker pour demander des éclaircissements. Par courriel du 11 août 2016 un chef d’unité de la Commission répondait : « Cela dit, la Commission reconnaît l'importance des consultations pour améliorer ses politiques et, ainsi qu'elle y a été invitée par le Parlement européen et le Médiateur, elle s'efforce de rendre accessibles le plus grand nombre de traductions du plus grand nombre de consultations. »

En 2019, rien n’avait bougé. La médiatrice lançait une enquête2 à laquelle l’OEP a répondu en soulevant à nouveau la question.

Faisant son devoir d’ONG, l’OEP en 2019 a relancé le secrétariat général de la Commission et celui du Conseil de l’Union européenne, en insistant sur le caractère manifestement contraire au Traité et la légitimité d’un recours juridictionnel.

En juillet 2021, le Parlement européen s’est saisi du sujet dans le cadre plus général d’une importante résolution du 7 juillet 2021 sur « les dialogues citoyens et la participation des citoyens au processus décisionnel de l’Union européenne3. Il a rappelé avec force, sur la base des articles 10 et 11 du traité de l’UE, « le droit qu’ont les citoyens d’avoir accès à des informations fiables, indépendantes et factuelles sur l’Union européenne, ses politiques et ses processus décisionnels et que ce droit impliquait la nécessité de prévoir un accès diversifié à un centre européen commun consacré à l’actualité qui soit neutre et indépendant, ait vocation à informer et soit accessible dans toutes les langues officielles de l’Union. »

Afin de bien évaluer la portée de ce sujet en débat, il y a lieu d’une part d’examiner ce qu’il faut entendre par langue officielle et d’autre part d’identifier les conceptions qui s’opposent au plan linguistique.

Langue officielle

Sous l’Empire romain, le latin n’était pas désigné comme langue officielle, mais l’Édit de l’empereur Caracalla de 212 après J.-C. a attribué la citoyenneté romaine à tous les hommes libres de l’Empire, sans préciser le statut du latin. Toutefois le latin était la langue de l’administration, les fonctionnaires étant tenus de la maîtriser. Le latin était donc de facto la langue officielle de l’Empire.

En France, on peut considérer l’ordonnance royale de Villers-Cotterêts de 1539, outre qu’elle est la loi la plus ancienne du droit français encore juridiquement active, comme le texte qui établit le français, encore peu formalisé sur le plan grammatical, comme la langue officielle du royaume. Soulignons au passage, que contrairement à des idées largement répandues, l’extension du français ne correspondait pas aux limites du royaume et le français était présent en Europe depuis la Grande-Bretagne jusqu’en Palestine.

Les articles 110 et 111 de l’ordonnance de Villers-Cotterêts disent ceci :

Article 110 Et afin qu'il n'y ait cause de douter sur l'intelligence desdits arrêts, nous voulons et ordonnons qu'ils soient faits et écrits si clairement, qu'il n'y ait ni puisse avoir aucune ambiguïté ou incertitude ne lieu à demander interprétation. Article 111 Et pour ce que telles choses sont souvent advenues sur l'intelligence des mots latins contenus esdits arrests, nous voulons d'oresnavant que tous arrests, ensemble toutes autres procédures, soient de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soient de registres, enquestes, contrats, commissions, sentences, testaments, et autres quelconques, actes et exploicts de justice, ou qui en dépendent, soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel françois et non autrement.

De ces deux articles on peut dégager deux principes très modernes. Il y a d’abord un principe de clarté en ce qui concerne les textes juridiques et d’une manière générale le langage de l’administration. On peut lier ce principe qui existe dans certaines législations aux principes d’accessibilité et de transparence, évoqués précédemment. En complément de ces principes, l’article 111 pose un principe, que l’on retrouvera dans le Code civil (article 111-2) qui tend à la prévention d’éventuelles difficultés ou conflits d’interprétation. Personne ne doute que ces principes ont conservé toute leur actualité. Présents dans différentes législations, il fait l’objet aujourd’hui de la norme ISO 24495-1:2023.

Un événement beaucoup plus ancien que l’ordonnance de Villers-Cotterêts peut tout à fait être annonciateur de l’idée moderne de langue officielle. Il s’agit des serments de Strasbourg de 842, qui scellent l’alliance entre les deux petits-fils de Charlemagne, Louis dit le Germanique et Charles-le-Chauve4, contre leur frère Lothaire, événement qui précède de quelques mois le traité de Verdun d’août 843 par lequel les trois petits-fils de Charlemagne se partageront l’Empire carolingien en trois parties : Charles reçoit la Francie occidentale dont naîtra la France, Lothaire la Francie médiane de l’Italie à la Frise, et Louis la Francie orientale qui sera le noyau du futur Empire romain-germanique. Ce qui ici mérite d’être souligné et a un lien avec la notion de langue officielle, c’est la symbolique inspirée par Nithard alors même que les entités politiques n’étaient pas encore constituées et que ces futures entités qui résulteront du traité de Verdun et des autres traités qui suivront n’avaient pas de cohérence linguistique. Les serments sont écrits en deux versions, l’un en langue romane, le latin populaire, ancêtre du français, et l’autre en francique, dialecte germanique. Charles lit le serment en francique, puis Louis en roman, chacun se tournant vers leurs assemblées respectives et relisant les serments, cette fois-ci Charles en roman, Louis en francique, et chacune des assemblées répétant le serment dans leurs langues respectives. On peut gloser à l’infini sur le caractère plus ou moins visionnaire de cette symbolique. Néanmoins cette symbolique fascine et nous nous limiterons pour notre part à constater que le choix des langues officielles, notion inexistante à l’époque, n’est pas seulement un choix administratif ou fonctionnel mais un choix politique de haute valeur symbolique.

Quand l’Irlande a demandé en 2005 que l’Irlandais (c’est-à-dire le gaélique d’Irlande), déjà langue du traité de la première extension de la CEE en 1973, soit ajouté comme langue officielle de l’Europe, à l’article 1 du règlement N° 1 de 1958, il était évident qu’il s’agissait avant tout d’un acte symbolique pour soutenir cette langue qui était symboliquement dans la constitution irlandaise la première langue officielle de l’Irlande, avant l’anglais.

Il est évident que quand Ursula Von der Leyen prononce son discours sur l’état de l’Union à 80 % en anglais, 10,1 % en allemand et 9,9 % en français, alors que l’Allemagne et la France représentent respectivement 18,6 % et 15,2 % de la population, la valeur symbolique ne fait aucun doute et l’on ne peut arguer que le discours sur l’état de l’Union soit destiné prioritairement à la presse internationale.

À ce stade on peut faire observer qu’aucun état dans le monde, aucune organisation qui se veut politique, n’a comme langue officielle avec prévalence sur toutes les autres une langue parlée comme langue maternelle par 1,2 % de sa population.

Une Europe qui a peur d’elle-même

Il convient de reconnaître qu’aucun des traités européens ne possède de dimension culturelle.

On peut le comprendre. Si l’identité est aujourd’hui un terme à la mode, synonyme de repliement sur soi et de refus existentiel de toute altérité, un négatif de l’altérité, la notion de culture s’enlise dans des définitions sociologiques qui énervent le caractère créatif qui la fait exister. On choisit la culture de musée au détriment de la culture créative, et quand on traite de créativité, c’est souvent sur la base d’un spontanéisme délié de toute racine. Or l’identité et les cultures sont des créations historiques fruits de l’expérience individuelle et collective.

Donc les traités fuient devant la question culturelle, peut-être avec raison, afin de ne pas être emportés par des nationalismes renaissants susceptibles de ruiner la grande entreprise de pacification et de rassemblement de la pointe occidentale du continent eurasiatique.

Voyons ce qu’il en est.

Le traité de Rome n’évoque la culture qu’à propos du développement économique, social et culturel des pays et territoires d’outre-mer.

Le terme de culture apparaît pour la première fois dans la déclaration de Copenhague du 13 décembre 1973 « sur l’identité européenne », texte circonstanciel isolé dans le paysage, qui dit :

Les neuf États européens, que leur passé et la défense égoïste d'intérêts mal compris auraient pu pousser à la division, ayant dépassé leurs antagonismes, ont décidé de s'unir en s'élevant au niveau des nécessités européennes fondamentales, pour assurer la survie d'une civilisation qui leur est commune.

et poursuit :

Désireux d'assurer le respect des valeurs d'ordre juridique, politique et moral auxquelles ils sont attachés, soucieux de préserver la riche variété de leurs cultures nationales, partageant une même conception de la vie, fondée sur la volonté de bâtir une société conçue et réalisée au service des hommes, ils entendent sauvegarder les principes de la démocratie représentative, du règne de la loi, de la justice sociale – finalité du progrès économique - et du respect des droits de l'homme, qui constituent des éléments fondamentaux de l'identité européenne.

Le traité de Maastricht (1992) est moins bavard et évoque « l’héritage culturel commun », le « patrimoine d’importance européenne » à sauvegarder et « la culture et l’histoire des peuples européens » dont il convient d’améliorer la connaissance et la diffusion.

La Charte des droits fondamentaux (18 décembre 2000) comporte un frisson d’ambition :

Les peuples de l'Europe, en établissant entre eux une union sans cesse plus étroite, ont décidé de partager un avenir pacifique fondé sur des valeurs communes. Consciente de son patrimoine spirituel et moral, l'Union se fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d'égalité et de solidarité ; elle repose sur le principe de la démocratie et le principe de l'État de droit. Elle place la personne au cœur de son action en instituant la citoyenneté de l'Union et en créant un espace de liberté, de sécurité et de justice.

Enfin le traité de Lisbonne (2010) rappelant « les héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe, à partir desquels se sont développées les valeurs universelles que constituent les droits inviolables et inaliénables de la personne humaine, ainsi que la liberté, la démocratie, l'égalité et l'État de droit » affiche son ambition muséographique dans les termes suivants : l’Union « respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen. »

Donc entre 1973 et 2023, aucun progrès n’est constatable du point de l’émergence d’une conscience culturelle européenne. C’est même plutôt une régression. L’Europe a tellement peur d’elle-même que l’on comprend que la présidente de la Commission n’hésite pas à s’adresser aux citoyens européens dans une langue qu’ils apprennent à l’école, ce qui est une bonne chose, à condition de ne pas être la seule langue enseignée, et que la Commission s’enorgueillisse d’une campagne publicitaire qui se veut mobilisatrice pour les citoyens « You are EU ».

Une idéologie linguistique obsolète mais intéressée

On ne doit pas négliger l’idéologie linguistique qui inspire depuis cinquante ans tous les gouvernements nationaux et les institutions européennes.

Cette idéologie repose sur l’idée que « la fonction première de l’outil humain et universel qu’est le langage est de faire communiquer tout le monde (ou en tout cas les gens importants), dans tous les pays, sur ce que l’on sait ou sur ce que l’on veut. Idéalement, et de plus en plus réellement, un seul idiome commun suffit (l’anglais des échanges), de manière que l’on puisse se faire comprendre partout, être capable d’élaborer et de transmettre des résultats rationnellement établis, de faire valoir dans les négociations internationales des droits bien identifiés et raisonnables, car clairement articulés dans un langage d’extension universelle. Le mot est censé dire une chose claire, bien cernée dans l’état du monde, ou noter une prétention légitime et négociable. Enseigner le langage à l’école reviendrait à transmettre ce rapport dénotatif aux choses, d’abord dans la langue maternelle des élèves, puis, le plus vite possible, dans la langue mondiale, dès l’école primaire ou même avant ».5 Cette idée assez partagée par les linguistes dans les années 1960 rejoint la tendance cartésienne à penser que le réel se réduit fondamentalement à quelques données élémentaires qu’il s’agirait de contrôler en premier, en ayant une représentation claire et univoque, la complexification de ces données venant après coup, en plus. Dans cette vision, l’histoire importe peu, puisqu’elle est par elle-même, dans ses tensions, dans ses ambiguïtés, du complexe. Elle vient troubler les idées premières que l’on se doit d’avoir pour penser clairement et être efficace6.

Dans l’esprit de ceux qui portent cette idéologie qui sont pour une grande part aux commandes, la diversité linguistique et culturelle, inscrite dans les traités, n’est pas une richesse mais un obstacle à la communication et aux échanges. C’est pourtant l’inverse, car la qualité de la communication est en relation inverse de la standardisation et de la réduction du langage.

Cette conception est fortement inspirée de la théorie mathématique de la communication dans laquelle l’échange linguistique se trouve réduit à l’échange de messages entre un émetteur et un récepteur. Elle n’a aucune racine scientifique et n’en a jamais eu.

Cette langue, sans histoire et sans lien avec un vécu quelconque individuel et collectif a plus à voir avec la novlangue de 1984 de G. Orwell qu’avec l’anglais populaire ou littéraire du natif anglophone. C’est une langue de clichés et non de nuances. Elle peut se justifier comme langue véhiculaire dans des communautés restreintes dans le cadre de corpus bien définis où le code est roi. Mais sortie de ces milieux restreints, elle cesse d’être une langue de communication et devient une langue d’« incommunication »7. Comme nous le rappelait Hannah Arendt en 19648, rien ne remplace les langues maternelles.

Autrement dit l’abus d’anglais dans la communication de la Commission européenne et du Conseil européen (le président actuel Charles Michel, francophone, ne s’exprime qu’en anglais), est un outil de délégitimation du projet européen auprès d’une grande partie des citoyens européens.

Il y a clairement, de la part de certains pays et au sein même de la Commission, la présidente en premier, une stratégie pour imposer l’anglais comme « langue commune » sinon « langue unique » des institutions.

Il n’y aurait rien à redire si ce genre d’action avait quelques raisons d’être au service des pays européens et de l’Union qui les rassemble.

C’est toute la question.

L’intérêt géopolitique

Derrière cette stratégie il y a l’intérêt géopolitique qui s’appuie sur l’idéologie.

D’un point de vue géopolitique, il est difficile de ne pas voir dans le parti pris de l’anglais « langue commune » un marquage hégémonique et une manifestation d’allégeance. Mais il n’y a aucune honte. Après tout, la vassalité a du bon, tant que les intérêts convergent. Dans le cas contraire, on en paie le prix un jour ou l’autre, et c’est ce qui arrive à l’Europe, entretenue par des forces internes et externes pendant un demi-siècle dans une paresse intellectuelle intéressée. Si l’Europe s’était souciée plus tôt de la question de sa défense et de sa culture, le destin eût peut-être été différent de ce qu’il est aujourd’hui. En 1973, dans la déclaration de Copenhague, la question était déjà posée. Les termes du débat n’ont pas changé, mais le théâtre des opérations, si. Il n’est jamais trop tard pour s’en rendre compte.

Dans la Charte européenne du plurilinguisme rédigée et soumise à pétition par l’OEP et ses partenaires, en 2005, à l’article « Plurilinguisme et identités européennes », on dit entre autres ceci :

Le plurilinguisme est le moyen d’affirmer en Europe la pérennité des entités nationales, lieu privilégié d’exercice de la citoyenneté. Si l’Europe du commerce peut s’accommoder, non sans risque, d’une langue véhiculaire, l’Europe politique et citoyenne ne peut exister sans la connaissance réciproque et l’intercompréhension des peuples européens. Cette connaissance et cette intercompréhension ne peuvent prendre racine qu'au travers des langues de culture. Il ne peut y avoir une seule langue pour l’Europe. L’Europe doit trouver sa plénitude en refusant de penser et de travailler par le biais des langues des superpuissances actuelles ou futures, en particulier lorsque ces langues sont minoritaires en Europe.

La conclusion linguistique est la suivante : La langue de l’Europe, c’est le plurilinguisme. Il n’y a pas d’alternative.

1 Ces chiffres sont issus de la Direction générale de la traduction et sont repris dans le livre de Robert Phillipson « La domination de l’anglais, un défi pour l’Europe », Rootledge, 2003, trad. Ed. MEC, 2019.

2 https://www.ombudsman.europa.eu/fr/doc/inspection-report/fr/110044

3 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52021IP0345&from=EN

4 Plusieurs références sont particulièrement utiles pour la connaissance de cet événement, indissociable de traité de Verdun signé un an plus tard entre les mêmes protagonistes : La naissance du français, Bernard Cerquiglini, Que sais-je ?, 1991 ; L’invention de Nithard, Bernard Cerquiglini, Les Editions de Minuit, 2018, L’histoire mondiale de la France, dir. Patrick Boucheron, Seuil, 2017, p. 105-109 ; Les larmes, Pascal Quignard, Grasset, 2016.

5 Article déjà publié dans la revue Esprit N° 437, septembre 2017. Nous le republions avec l’aimable autorisation de la revue Esprit.

6 Dans une étude lumineuse sur les débuts du lycée napoléonien, Gérard Gengembre a montré comment avait dû s’opérer un compromis entre la philosophie rationaliste des idéologues et les Belles- Lettres. La rhétorique, avec ses textes anciens, y avait sa part, mais elle passait pour trop dangereuse, car liée aux excès de l’aristocratie et de la Révolution. La classe de rhétorique (la première) devait être coiffée par celle de philosophie, qui ramenait les élèves à la raison et à ses ordres. L’histoire était au mieux réservée à l’enseignement supérieur, une fois que les élites ont été triées (et orientées plutôt vers les grandes écoles, plus techniques) : « L’esthétique des idéologues et le statut de la littérature », dans Michel Espagne et Michaël Werner (sous la dir. de), Philologiques I. Contribution à l’histoire des disciplines littéraires en France et en Allemagne, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1990, p. 89-104.

7 Voir à ce sujet « Une théorie politique de la communication », Dominique Wolton, https://hermes.hypotheses.org/4932 et au plan linguistique Antoine Culioli et autour d’Antoine Culioli.

8 La langue maternelle, Eterotopia, Paris, 2015.

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