CHAPITRE 5: LE RÊVE
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CHAPITRE 5: LE RÊVE
J'ai fait un rêve qui ne se cherche pas, pas de dissection. Mon rêve ne fait que se respirer pour mieux contaminer ceux qui n'ont pas froid aux yeux, les âmes sujettes aux évasions. Celles qui s'embrasent pour un morceau de terre, un coin d'oeil, un espace bleu vaillant, une symphonie sans escale. Celles qui ont le coeur à l'ouvrage mais pas seulement. Celles qui savent contourner les angles.
Mon rêve est fait d'une myriade de petits rêves singuliers ne m'appartenant pas, tous plus lumineux et frétillants les uns que les autres. Ils sont si légers qu'ils font comme voler, rebondissent savamment les uns contre les autres, esquissent une danse à 2, à 3, une ronde ensuite qui s'affole en spirales pour mieux tourbillonner comme une galaxie des grands jours ouvrant le bal.
Ce spectacle est si extraordinaire, si riche en sensations qu'il est difficile de faire marche arrière, d'autant plus que dans cet espace il faut nager dans l'air, un air de cosmonaute nageant la nage des grenouilles, l'apesanteur liquéfiante nous entraîne vers le retour, marche arrière toute!!! Il ne faut pas songer plus longtemps dans ces lieux où la quiétude énonce l'harmonie, il ne faudrait pas perturber les rêves qui éclosent, surtout pas eux, ils sont encore si fragiles!
Le retour s'accompagne d'une certitude, le sens. Arrivée à la porte, le corps reprend ses droits, reprend son poids. Plus question de gambader entre les bulles sous de faux airs de rainette pour un brin même pas arboricole. Non, il faut retrouver ses chausses, tourner la poignée. Une belle poignée en porcelaine blanche comme on en faisait dans le temps. Passage de l'autre côté pour descendre un escalier en colimaçon, en bois, grinçant bien évidemment sinon à quoi ça servirait de mettre un escalier. Je ne suis pas sûre de pouvoir décrypter ce que l'escalier veut me dire par tous ces tremblements. Mais en ai-je vraiment envie? Ce qui importe c'est d'arriver au bout et le voyage est indéfini, alors autant se méfier quand même un tout petit peu.
Arrivée en bas, la dernière marche donne sur une magnifique prairie très verte, si verte qu'elle semble artificielle. L'air y est d'une pureté ravageante. Le ciel entier semble à la fois infini et plaqué comme un décor de cinéma. On se sent observé. Le silence embrasse le tout très profondément, il s'est sans doute endormi car il ronronne sagement dans un coin du tableau.
On a peur, un peu. Au fond c'est normal qu'on ait peur, un peu, je veux dire dans un tel endroit si parfait et tellement faux, où l'on se sent épié dans une solitude irréelle, on ne peut pas être tout à fait rassuré! L'espoir est de ne pas être arrivé au bout du voyage.
C'est alors qu'on apercoit au loin une embarcation pointant son nez au ciel, immobile mais prête à tous les faux bonds. La voile vrille, elle est impatiente. Saisir sa chance. D'un coup, d'un seul, nous voici embarqués, ça flotte, la barque sait où elle se rend, nous non. Ca fait toute la différence bien sûr. La barque entame son ascension, la voile s'est gonflée de toutes ses forces fière d'être de service, et je pense alors que ce bout de triangle blanc doit être féérique vu d'en bas, de la verte prairie : un cerf-volant libre de ses actes, comme un signe du destin pour ceux qui suivent, comme un rire à la face du néant.
On voudrait avoir peur, un peu, pour paraître normal encore un peu, pour se rassurer d'être humain, mais à présent on sait où l'on va, on a confiance en cette voile éclatante qui nous mène au-delà de nos rêves, en cette lumière qui vient percer le rideau. On s'aperçoit alors que le ciel est infini et que la prairie n'est pas si vide que ça, que l'escalier est un escargot, et que les galaxies ne cesseront jamais la valse des grands jours.