CHAPITRE 13: LA RÉSISTANCE
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CHAPITRE 13: LA RÉSISTANCE
Hier j’ai appelé Marion, ses opérations se sont bien passées, elle a fait une chimio et est en aplasie mais quand j’ai appelé chez elle, elle était partie en vélo voir sa grand-mère sans masque ! a bien précisé Isabelle comme une façon de faire la nique à la mort.
Il y a tant d’espoirs et de désespoirs qui se côtoient qu’il devient difficile de ne pas perdre pied. Difficile de garder une tenue de route et pourtant, il le faut bien. C’est sûrement une bonne chose d’être épargnée, de ne pas être tenu au courant du processus médical et du stade de la maladie des enfants. Cela nous permet sans doute de « faire abstraction » et d’avoir un comportement plus juste et plus naturel avec eux. Ne pas savoir qu’ils vont subir une amputation, ne pas connaître le temps qu’on leur laisse à vivre, ignorer leurs chances de guérison, nous protège contre nous même, contre nos angoisses, nos tentations d’apitoiement.
Nous sommes simplement là pour les enfants comme si tous les lendemains étaient possibles et cela doit être rassurant pour eux. C’est tellement difficile de ne pas être « terrorisé » quand on sait! Souvent, j’ai découvert par moi même qu’un tel ne pouvait pas voir parce-que sa vue s’affaiblissait ou qu’un autre ne pouvait pas écrire parce qu’il était paralysé. J’avais toujours l’impression d’être maladroite et je l’étais très certainement, mais cela avait pour effet de dédramatiser la situation et le résultat était étonnamment positif. Si j’avais eu connaissance des choses auparavant, j’aurais sûrement eu un comportement différent, j’aurai été pleine de précaution et, peut-être que la peur de mettre les pieds dans le plat aurait faussé le jeu. Mais finalement, ce n’était qu’une fois que j’étais tombée dans le vif du sujet que les choses pouvaient commencer avec une véritable complicité.
Ce à quoi j’étais la moins préparée en dehors de la mort elle même, c’était l’amputation. Je n’aurai jamais imaginé auparavant que cela soit parfois nécessaire pour éviter la propagation de la maladie. Heureusement c’est une opération qui demeure assez rare et j’imagine qu’elle est pratiquée en dernier recours. Mais c’est quelque chose d’assez terrible à voir et à vivre, quelque chose de violent à laquelle on ne pourra jamais vraiment s’habituer. D’autant plus effrayant que quelque part, c’est déjà voir un peu de corps s’en aller, disparaître.
Et l’on ne peut que se dire « quel courage !!! ». Le courage d’affronter de telles épreuves et celui de trouver la force de poursuivre le combat malgré cela quand on a que 5, 6, 7, 8 ans ou plus ou moins. Le courage d’affronter les marques que la maladie laisse sur le corps, le courage d’ingurgiter les traitements, de subir les chimios, les attentes, les scanners, les piqûres, les analyses, les perfs, l’alitement, le courage d’accepter la souffrance, la sienne propre et celle des autres. Le courage de voir la mort en face et de lui tenir tête quand on est même pas haut comme trois pommes.
Comment accepter de telles situations ?
Tout simplement nous n’avons pas le choix.
On se sent tout petit face à eux.