Traces et contours autour de l’album de Rodolphe Burger « Environs » 2020.
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Traces et contours autour de l’album de Rodolphe Burger « Environs » 2020.
1-Préambule
Rodolphe Burger : cet homme est grand « sa taille incroyable et sa corpulence » mais pas que…
C’est un grand…
Il a partagé l'univers de ces grandes personnes - Christophe, ici même qui revient faire résonner sa voix bleue dans les "environs" en ce duo "La chambre » qui clôture cet album... et Bashung bien sûr qu'il a accompagné dans les creux et les nœuds de certains de ses albums -qui aurait pu être son grand frère.
Mais pour commencer il faut s'éloigner sur le chemin et retracer les traces éparses laissées telles des miettes dans le sillage de sa discographie et rejoindre les origines.
Partons donc au lointain retrouvez les animaux fiers de Kat Onoma. Rodolphe Burger et ses compagnons : jamais un groupe en France n'avait sonné ainsi, dès « Cupid », leur premier opus, l'ambiance était posée.
Surgissant sans crier au détour de l’album la claque de « Wild Thing » : revêtait à nouveau ses habits sauvages et altiers, d’une puissance folle. Ce n’était plus une reprise en soi mais une vraie recréation qui élançait ses notes jusqu’à vos oreilles et les troublaient sans toutefois les froisser.
Les ombres bleues les crépuscules et les nuits du velvet ressurgissaient dans leurs albums et toutes leurs reprises magnifiques toujours, décalées, incroyables, foldingues et frappadingues s’entrelaçaient au milieu des sillons jaillissant à la suite de leurs morceaux avec une musicalité et une inventivité propre à eux-lui, ses compagnons de route.
Il a fait chanter Jeanne Balibar l'album « Paramour » : où sa voix rauque se mêlaient aux sonorités de la guitare "Burguessienne".
"Johnny Guitar" chante-t-elle et le film à l'entendre retrouve une nouvelle jeunesse sous les guirlandes de la voix et les caresses de velours de la guitare de Rodolphe.
"Je sais que tu m'aimes, oui même si tu le dis peu, je ne suis pas dupe et je peux t'aimer silencieux" nous souffle-t-elle de cette voix rauque et âpre, si sensuelle.
A écouter dans ce superbe clip réalisé ni plus ni moins par Arnaud Desplechin.
1a -Petite digression en forme de fugue
Je ne suis pas un musicien, mais j'aime la musique, je la décris avec mes peintures et mes mots car elle m'accompagne et Rodolphe fait partie de ceux avec lequel j'aime dessiner et peindre en croisant, dans la fumée et les volutes si délicates qui s’évaporent, toutes ces silhouettes dévoilées par sa voix et sa guitare.
Il fait chanter la poésie mais jamais de haut. C'est un philosophe qui reste à notre hauteur. Je le vois flamboyant dans cette noirceur immarcescible qui est la sienne, comme un tableau de Soulages profond et dur mais jamais prétentieux.
2-Ecoute au milieu des tumultes émergeant des sillons noircis.
« Environs » l’album : toutes les citations émanent des textes de l’album.
Ecrit sur le vif lors de la première écoute puis repris et peaufiné avec amour en écoutant "La chambre", qui clôture -belle impromptue- l'album (avec les voix qui s'entrelacent de Christophe et Rodolphe) et désormais réminiscences d'une voix si pure, évanouie- émanation d'un spectre - qui revient nous hanter « Dans le thé des langues de chat En silence » avec cette chaleur incroyable et apaisante qui émane autant des lèvres de Rodolphe que de ce murmure qui s’échappe une dernière fois des cordes vocales essoufflées du "Beau Bizarre".
L’écrivain et l'amoureux des mots que je suis s’est laissé plonger dans cet album avec un régal sans nom.
Pour moi, c’est simple, il regroupe tout ce qui constitue l’univers de Rodolphe, des sons fous, des guitares qui apparaissent brutalement au détour d’un chemin, parfois juste une légère ribambelle, d’autres fois pétaradantes, mais ne s’embourbant à aucun moment, simplement creusant toujours délicieusement sa route, avec des traces sinueuses, d’autres languissantes.
Le chemin est important chez Rodolphe –il est question de parcours- car c’est celui-ci qui nous sert de passage et chaque chanson de cet album ne cesse de le prolonger.
Je l’écoute cet album –mes oreilles s'affranchissent peu à peu- avec un plaisir qui se renouvelle et je guette jusqu’à chaque son qui saute -mots qui résonnent-sonnent-tintinnabulent joyeusement, goulument et que l’on mâche jusqu’à satiété, quoique l’appétit revient au galop dès qu’une autre chanson, aux détours à nouveau du chemin, surgit effaçant la précédente.
Oui les mots chez Rodolphe -poétiques jusque dans les sons- sont avant tout sonores comme chez Christophe, pas étonnant que leurs prénoms riment, chacun explore –explora- tels des chasseurs, tous ces sons, ces vocables au chant contourné, aux détours –et oui encore- de ce qu’ils abandonnent et créent : sonorités-brisures-cassures rythmiques, en dents de scies, frappées-décalées, en dessous ou en dedans du rythme -en le soulignant, le surlignant et en prenant cette ossature première et originelle pour l’envoyer promener ailleurs – comme Rodolphe aux « environs » du monde.
Chantre et artiste du verbe – tous les deux- créateur de mélodie concassée, parfois distordue, distordant à plaisirs nos oreilles, pour les enchanter ensuite –si celles-ci se laissent faire- pour enfin les entrainer dans leur monde touffu, en ces sonorités qui s’emmantellent –envelopper d’un manteau est la définition de ce verbe – et il s’agit bien d’enveloppement, les sons gourds cours dans nos oreilles ; quelque chose de sacramentelle se pose ici dans ce royaume original et originel de Rodolphe.
Alors, dire que cet album c’est du Burger, quoi de plus normal, car le parcours ici dessiné se confronte justement aussi à l’œuvre passée, la prolongeant de nouveau, l’emmenant aux « environs » dans ces territoires qui lui sont propres, en ces paysages qui sont les siens, faits de terre glaise dans laquelle on s’embourbe, de ciels sombres aux nuages lourds prêts à se déchirer.
Il s’agit dans ces "environs" de se laisser porter entourer envelopper développer par « la beauté devant nous nous marchons la beauté derrière nous marchons ». L’album ne se laisse pas prendre facilement certes... comme la beauté, il nous amourache avec bravache, nous aguiche parfois tout en restant revêche et rêche. Elle est si difficile à dompter : la musique trouble.
3 -Quelques traces éparses à suivre :
« Je vous vois fermez les yeux deux fois » et imaginez dans cette chanson avec ces mots ce qui peut se dessiner.
« Le piano que pèse une main frêle » les sons sourds qui vrombissent me rappellent le Third de Portishead qui ruait à nouveau dans les brancards de nos oreilles, pour les terroriser d’abord et une fois affranchie (les tympans se laissant adoucir peu à peu) nous laissait une caresse de velours, car le secret est là, ces mélodies troubles noires dures noyées se révèlent tout d’un coup et nous laissent ébaubi, ébahi, on n’en croit pas ses oreilles.
« Le piano que baise une main frêle » et oui voilà c’est exactement cette sensation… La caresse des sons et ce qui les enveloppent : les mots qui se donnent et qui s'offrent dans un élan fou où les sens s'éparpillent. Toutes ces chansons « Ce sont des danses qui se dansent en angle droit... »