Tatouage au Japon, entre tabou et tradition
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Tatouage au Japon, entre tabou et tradition
Le tatouage a toujours eu une place ambigüe au Japon. Souvent associés aux yakuzas, les tatouages sont encore interdits dans la plupart des bains chauds du pays et peuvent considérablement compliquer la vie de leur porteur. Pourtant, il existe aussi une longue tradition codifiée et pleine de sens autour de cet art.
Le tabou du tatouage au Japon
Les nouvelles générations sont de plus en plus ouvertes aux tatouages, mais pour les anciens Japonais, ils restent la marque de gens peu fréquentables. C’est pourquoi les tatoués pourront se voir refuser un travail ou même un prêt à la banque. Cette mauvaise image fait écho à la période Edo où le tatouage était exclusivement une punition pour les criminels.
Aujourd’hui, on distingue deux grandes sortes de tatouages au Japon : les petites pièces qui ne couvrent qu’une petite surface de peau et celles traditionnelles qui s’étendent sur tout le corps. Ces dernières restent très fortement liées aux yakuzas, la mafia japonaise. Ils les arborent pour montrer leur appartenance à un clan, mais aussi pour prouver leur résistance à la douleur. Ces pièces sont généralement faites à la main avec une technique traditionnelle qui demande parfois jusqu’à une année de travail. Mais même chez les yakuzas, ces tatouages s’arrêtent aux avant-bras, cheville et laissent le centre du torse vierge. Les porteurs peuvent ainsi complètement masquer leur tatouage lorsqu’ils sont habillés et passer inaperçus.
Irezumi : le tatouage traditionnel japonais
Ce tatouage qui couvre presque tout le corps est appelé irezumi et les maîtres qui le pratiquent sont des horitoshi. Ils travaillent principalement à la main avec des outils qu’ils montent eux-mêmes : de 2 à 36 aiguilles qu’ils attachent à un manche en bambou. Cette technique est complexe et demande 5 ans d’apprentissage pour être maîtrisée. Lorsqu’un apprenti est prêt à devenir un maître à son tour, il reçoit un nom de la part de son mentor. Il existe ainsi des lignées de tatoueurs identifiables.
Les tatouages puisent leur inspiration dans la culture japonaise : légendes épiques, personnages historiques, mais aussi la nature et le passage des saisons. Leur style évoque généralement celui de l’ukiyo-e, les peintures typiques de l’ère Edo. Pour les horitoshi, il s’agit de représenter toute l’esthétique et l’esprit japonais en un tatouage impressionnant.
L’encre, élément essentiel des tatouages, est elle aussi fabriquée de manière artisanale par des spécialistes. Ils utilisent la combustion du charbon pour obtenir de la suie qu’ils mélangent ensuite à des substances organiques. Il en résulte une pâte souple qui est ensuite moulée en bâtonnets. Ces derniers sèchent pendant des mois avant d’être vendus aux tatoueurs qui les dilueront pour obtenir une encre liquide.
Par le passé, le horitoshi et son client créaient un fort lien tout au long de leur vie et restaient en contact. Seule la mort venait rompre cette relation, tout comme seule la mort pouvait faire disparaître un tatouage.
Aujourd’hui, les Japonais se tournent plus volontiers vers des tatoueurs modernes qui utilisent des machines pour leurs œuvres, mais l’irezumi continue d’exister comme il l’a toujours fait : en marge de la société et pourtant bien présent dans l’imagerie populaire.
Crédit photos :
le documentaire “Irezumi” de Singh Chandok