Un train pour quelque part
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Un train pour quelque part
Une demi-heure à poireauter derrière cet emmerdeur. On dit qu’il faut de tout pour faire un monde. Ouais !…. Mais il y a des fois…
Le préposé était vraiment d’une patience exemplaire. Stoïque, le ton neutre, une vraie machine.
Quatre fois, il lui a fait changer de train, pour enfin revenir au premier, tout ça pour ça. Et en prime, il râle, il râle après l’heure, après le prix du billet, comme si le préposé y pouvait quelque chose. Il y a des….qui se perdent.
Enfin ! Il est parti, C’est fait, j’ai enfin mon billet. Il ne me reste plus qu’à attendre l’arrivée de mon train.
Le hall est bondé, bruyant et poussiéreux ; Les travaux apparemment.
Il y a des plastiques partout, il faut admettre que ce n’est pas très esthétique mais vraisemblablement fonctionnel.
Ici la vie grouille, les gens vont et viennent en tous sens, une vraie fourmilière, en l’espace d’une heure, j’ai vu défiler toutes sortes d’individus, de toutes origines, de tous horizons, des curieux, des inquiétants, des sévères, des souriants, des tristes, des indifférents, des bien rasés, des mal coiffés, des fatigués, des soucieux, des rêveurs, des insouciants, bref, le monde.
Tiens ! Un cycliste au milieu de la foule. Mais que fait-il, ici, au deuxième étage avec son vélo ?
Cela n’a pas dû être facile dans les escaliers…
Voyage-t-il avec ? Non ! Visiblement il a son casque, ses chaussures de sport et je ne vois pas de sac ou valise, juste un petit paquet. Il doit craindre qu’on le lui vole.
Je le comprends…
Le temps s’écoule lentement. Un couple d’Allemands vient s’asseoir sur un banc près de moi, ils parlent fort. Le ton monte, je ne pense pas qu’ils soient fâchés, la langue allemande peut, parfois, paraître abrupte aux oreilles non averties.
La voix suave qui s’écoule du haut-parleur contraste avec la leur et appelle les passagers pour Nantes.
Instinctivement je pense à la chanson de Barbara :
Il pleut sur Nantes
Et je me souviens Le ciel de Nantes Rend mon cœur chagrin.
Tiens ! Voilà que le cycliste enfourche son vélo, il ne va tout de même pas en faire ici ? au beau milieu de la foule ?
Erreur, il s’en sert comme siège. C’est mieux comme ça.
En face de moi, arrive un jeune noir. Mal rasé, peut-être est-ce volontaire, de nos jours c’est à la mode ; Long manteau brun, grandes poches, tennis d’un blanc immaculé.
Il rit ; Pourquoi ? Je n’en ai aucune idée, quelque instant plus tard, il change de place, semble très agité, regarde en tous sens, comme s’il craint de voir arriver quelqu’un, puis disparaît, comme il est venu.
Le cycliste regarde le tableau des arrivées. Il doit attendre quelqu’un, sa dulcinée, une amie… Peut-être et puis quelle importance, il peut bien attendre qui il veut, cela m’est bien égal.
Deux policiers traversent la foule, regard soupçonneux et à la fois indifférent, je me plais à imaginer que le jeune noir s’est éclipsé en les voyant dans les parages.
Curieux ce que l’on peut s’imaginer, j’ai présumé qu’il était coupable, coupable de quoi ? Rien qu’à son allure ou peut-être inconsciemment à cause de sa couleur de peau, me voilà formaté par les médias et les actualités, me voilà en train de faire du profilage racial, rien qu’à y penser cela me choque et je rejette cette pensée absurde, loin de moi.
Tiens mon cycliste a disparu lui aussi. C’est curieux, je n’ai même pas pensé que cela pourrait être à cause de la présence des flics. Est-il parti en roulant ? Je ne le saurais jamais… Tant pis…
Cette fois c’est mon tour, mon train est annoncé en gare, quai numéro 6. Je dévale les escaliers, aux pieds de ceux-ci, une jeune femme se débat avec ses bagages, qui ne veulent pas rouler, je souris et continu mon chemin.
Sur le quai arrive un TGV tout neuf, du moins c’est l’impression que j’ai.
Voiture 8, place 39A, il sent vraiment le neuf.
Le siège est confortable, spacieux, je vais enfin pouvoir me reposer, dame ! Trois heures c’est long.
La sonnerie du départ, les portes se ferment en chuintant, la gare glisse doucement, comme si c’était elle qui partait en laissant place à la verdure.
On longe une route de campagne. Il fait beau.
Par la fenêtre, j’aperçois mon cycliste, il pédale comme un fou, comme s’il voulait nous suivre, nous doubler. Son rendez-vous n’est pas venu ?
Au rythme régulier du train, je m’endors sur la « Madeleine » de Brel.
Ce soir j`attendais Madeleine
Tiens le dernier tram s`en va
On doit fermer chez Eugène
Madeleine ne viendra pas.............